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Aide aux migrants: un procès très politique jeudi en France

Aide aux migrants: un procès très politique jeudi en France

Le procès de trois militants –deux Suisses et une Italienne– qui avaient aidé des migrants à entrer en France fin avril dans les Alpes françaises, en réaction à une action d’extrême droite sur la frontière, s’annonce très politique jeudi dans un contexte alourdi par la mort de trois migrants.

Deux Suisses de 23 et 26 ans et une Italienne de 27 ans comparaîtront devant le tribunal correctionnel de Gap (sud-est) pour « aide à l’entrée irrégulière » d’étrangers, avec comme circonstance aggravante selon le parquet d’avoir commis ces faits « en bande organisée ».

Ils encourent dix ans d’emprisonnement, 750.000 euros d’amende et une interdiction du territoire français.

Le 22 avril, plus d’une centaine de personnes dont « les trois de Briançon » –comme les surnomment leurs soutiens, dont de nombreux intellectuels à l’instar de l’écrivain italien Erri de Luca– avaient franchi la frontière italo-française avec des migrants au col de Montgenèvre, où ont eu lieu de brefs heurts avec les forces de l’ordre, avant de rejoindre la ville de Briançon sous escorte.

Leur action répondait à la mobilisation, la veille, d’une centaine de membres du groupuscule d’extrême droite Génération identitaire qui avaient « bloqué » symboliquement le col voisin de l’Échelle, sous la bannière du mouvement « Defend Europe », pour marquer leur hostilité à l’entrée de migrants.

Les agissements des membres de Génération identitaire font l’objet d’enquêtes diligentées par le parquet de Gap mais aucune poursuite, pour l’heure, n’est engagée contre eux. Une situation judiciaire où les défenseurs des étrangers dénoncent « deux poids, deux mesures ».

Les collectifs français, italien et suisse de soutien aux trois prévenus appellent au rassemblement devant le palais de justice où sont attendus associations, élus et personnalités. L’une d’elles, Me Henri Leclerc, ancien président de la Ligue des Droits de l’Homme (LDH), compte parmi les cinq avocats de la défense.

Un autre, Me Yassine Djermoune, a indiqué à l’AFP que ses deux clients suisses assumeraient à l’audience une démarche politique de « solidarité » et de dénonciation de « l’inhumanité subie par les réfugiés et orchestrée par les États », ainsi que de critique du capitalisme qui, pour eux, « engendre la migration ».

– « Surréaliste » –

A l’extérieur du tribunal se tiendra « une sorte de procès inversé »: « nous allons mettre en accusation l’État et la politique migratoire du gouvernement qui met les gens en danger, les mutile ou les tue », a déclaré à l’AFP Michel Rousseau, du collectif local Tous Migrants.

Récemment, « il y a eu trois morts, c’est terrible, ça éclaire le côté surréaliste de ce procès », a-t-il ajouté.

Le 9 mai a été retrouvée dans la rivière Durance une Nigériane de 31 ans qui pourrait s’être noyée après une course-poursuite avec les forces de l’ordre. Le 18 mai, un jeune homme noir a été découvert dans un bois près de Montgenèvre. Le 25 mai, la dépouille d’un autre homme noir a été retrouvée sur un sentier, côté italien, à 5 km de la frontière.

Dans ce contexte, la naturalisation du sans-papier malien qui a sauvé un enfant à Paris, annoncée lundi par le président Emmanuel Macron, c’est « l’arbre qui cache la forêt: derrière quelques gestes symboliques reste une logique de répression et de refoulement », a dénoncé le bénévole briançonnais.

Un projet de loi très contesté durcissant les conditions de l’immigration et de l’asile doit être définitivement adopté prochainement en France, en dépit d’une vive opposition, parfois même dans les rangs du parti présidentiel.

Le collectif « Délinquants solidaires », regroupant 21 organisations nationales et 32 organisation locales apportera son soutien jeudi.

Il demande l’abrogation du « délit de solidarité », toujours en vigueur malgré « les minces exemptions » apportées à la loi par les députés en avril, et attend du Sénat qu’il « ne rate pas l’occasion d’en finir » lors de l’examen du texte le 19 juin.

D’ici là, d’autres personnes doivent être jugées dont une retraitée de 72 ans, bénévole d’Amnesty International et de l’Anafé (Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangeers), mercredi à Nice. Elle comparaitra en appel pour avoir accompagné deux adolescents guinéens, refoulés en Italie, jusqu’au poste-frontière de Menton pour qu’ils soient pris en charge par l’aide sociale à l’enfance, comme le prévoit la loi pour les mineurs entrant en France. Elle risque cinq ans d’emprisonnement et 30.000 euros d’amende.

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