Au lendemain du placement en redressement judiciaire de la compagnie aérienne, les caisses sont quasiment vides, loin des 25 millions d’euros annoncés il y a un mois. La réalité du cash précipite le calendrier. Les offres de reprise doivent être déposées avant lundi 9 septembre. Des offres de reprise totale semblent exclues et une cession à la découpe se profile. Sans argent frais, les activités qui ne seront pas reprises risquent d’être liquidées la semaine prochaine avec l’arrêt de tous les vols.
Le feuilleton Aigle Azur continue. Au grand dam des 1.150 salariés et des clients, la phase du dépôt de bilan débutée ce lundi 2 septembre s’annonce aussi rocambolesque que les différents coups de théâtre qui se sont succédés la semaine dernière, à la suite de la tentative de prise de contrôle de la compagnie d’un actionnaire minoritaire.
Des recettes en Algérie non rapatriées
Le processus de redressement judiciaire ne se passe pas comme prévu. Alors que le juge avait accordé une période d’observation de six mois pour maintenir les vols de la compagnie et permettre aux éventuels repreneurs de formaliser leurs offres de reprise, le niveau de cash réellement disponible bouleverse la donne. Loin des 25 millions d’euros évoqués il y a un mois par le PDG Frantz Yvelin, les caisses de la compagnie sont quasiment vides. Plusieurs proches du dossier font état d’une trésorerie de quelques millions d’euros seulement permettant de tenir une semaine environ.
Depuis la médiatisation des difficultés de la compagnie début août, les prises de réservation ont dégringolé, privant Aigle Azur de rentrées d’argent frais. Surtout, les 25 millions évoqués à l’époque incluaient les recettes des billets émis non utilisés (“Benu” dans le jargon) en Algérie, lesquelles n’ont pas encore été rapatriées en France. La somme s’élèverait à plus de 12 millions d’euros. Une situation n’est pas inhabituelle. Les recettes des billets d’avion mettent traditionnellement du temps en Algérie avant d’être transférées en France. Les difficultés de l’entreprise n’ont pas dû pousser les agences de voyage algériennes à accélérer le rythme.
Pas de “data room”
Résultat, le calendrier déjà serré devient difficilement tenable. Les éventuels candidats à la reprise de tout ou partie de l’activité d’Aigle Azur doivent déposer leur offre avant lundi 9 septembre à midi, et non plus “vers le 15 septembre” comme cela avait été indiqué hier aux représentants du comité d’entreprise (CE). Un timing d’autant plus compliqué pour les éventuels candidats que “la data room”, qui permet d’accéder à toutes les données de la compagnie (économies des lignes, accords sociaux….) n’a pas été ouverte ce mardi. Selon certaines sources, faute d’avoir été payé, le cabinet de consulting qui avait accompagné Aigle Azur pendant la période de conciliation aurait refusé d’ouvrir les livres de la compagnie. D’autres évoquent au contraire un “bug” informatique et assurent que les données seront accessibles ce mercredi.
Le spectre de la liquidation
Quoi qu’il en soit, ce calendrier est surréaliste. Et le scénario d’une liquidation la semaine prochaine est devenu ce mardi l’hypothèse la plus probable aux yeux de l’administratrice judiciaire. Il entraînerait l’arrêt de tous vols. Certaines lignes pourraient même être fermées dès ce week-end.
L’administratrice judiciaire doit rencontrer le CE lundi après midi, après la date-limite du dépôt des offres. Une audience au tribunal pourrait se tenir dans la foulée ou le lendemain, mardi 10 septembre.
Des offres vont probablement être faites d’ici à lundi. Air France planche sur le dossier. Le groupe Dubreuil, propriétaire d’Air Caraïbes et de French Bee, aussi. Des anciens du groupe Air France (Lionel Guérin et Philippe Micouleau) également. Dimanche dans une interview au JDD, Gérard Houa, l’actionnaire minoritaire d’Aigle Azur à l’origine du coup de force la semaine dernière, avait exposé son plan pour “sauver Aigle Azur”.
Selon plusieurs observateurs, il n’y a quasiment aucune chance de voir des offres concerner la totalité du périmètre d’Aigle Azur.
“Il devrait y avoir des offres pour des bouts de la compagnie et tout ce qui ne sera pas repris sera liquidé”, estiment plusieurs connaisseurs du dossier.
L’État va-t-il mettre la main à la poche ?
Reste un dernier recours. L’État. Commençant à peine à prendre conscience de la gravité de la situation, la possibilité de débloquer un prêt de l’État commence à être évoquée. Un tel schéma ne serait pas sans rappeler la décision du gouverment Jospin et son ministre des transports, Jean-Claude Gayssot, d’accorder un prêt à la compagnie Air Lib. Seize ans après la liquidation d’Air Lib en 2003, des contentieux contre ce soutien de l’Etat sont toujours en cours.
Un dossier sensible pour le tout nouveau secrétaire d’Etat aux transports, Jean-Baptiste Djebarri.
Ce mercredi, le PDG Frantz Yvelin a annoncé sa démission sur BFM.