Politique

Aïmen Benabderrahmane : un financier au chevet d’une économie en panne

Abdelmadjid Tebboune n’a pas trop tergiversé pour choisir son nouveau Premier ministre. À peine les consultations avec les partis vainqueurs des dernières législatives terminées, le nom du successeur de Abdelaziz Djerad est annoncé ce mercredi 30 juin.

Le nouveau Premier ministre, le deuxième sous la présidence Tebboune, s’appelle Aïmen Benabderrahmane. Ce n’est pas un parfait inconnu pour les Algériens puisqu’il a dirigé le ministère des Finances ces douze derniers mois. Avant de rejoindre le gouvernement, il était gouverneur de la Banque d’Algérie.

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Cette nomination met fin à l’attente et aux spéculations qui sont allées bon train dès le lendemain des législatives du 12 juin. Bien que les résultats de ces dernières laissaient entrevoir presque avec certitude la nomination d’un Premier ministre soutenu par une majorité présidentielle, certaines voix ont entretenu l’illusion de voir le président de la République réhabiliter enfin « le politique » après l’expérience introduite par Bouteflika de confier les rênes de l’Exécutif et des ministères à un personnel issu de l’administration.

Des noms ont été avancés et même celui de Abdelaziz Rahabi, un ancien diplomate aux idées politiques tranchées, était un temps avancé pour mener un gouvernement qui s’attaquera notamment à la crise politique et économique avec de réelles chances de les régler. Il n’en sera finalement rien.

L’orientation des hautes autorités du pays avait été dévoilée, ou confirmée, quelques heures avant l’annonce du nom du nouveau Premier ministre, par Abderrazak Makri, le président du Mouvement de la société pour la paix (MSP) qui, en conférence de presse, avait révélé la teneur de sa rencontre dimanche dernier avec le président de la République dans le cadre des consultations engagées pour la formation du nouveau gouvernement.

Le chef de l’État lui aurait signifié –et sans doute à tous les autres chefs de partis qu’il a reçus- que « celui qui veut intégrer le gouvernement doit adhérer à son programme (du président) ».

L’option du Premier ministre est actée dès lors que le MSP est le seul à avoir exprimé d’objection parmi tous les partis arrivés en tête aux législatives qui, eux, semblent partants pour former une majorité présidentielle qui portera le programme électoral en 54 point de Abdelmadjid Tebboune.

En d’autres mots, celui-ci a les coudées franches pour la formation du gouvernement qui n’aura comme prérogatives que ce que le président voudra bien lui laisser. La réhabilitation du politique, ce ne sera pas pour cette fois.

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Tebboune a pesé les priorités : l’économie d’abord

Bien que la crise à laquelle fait face le pays soit politique et économique de l’avis de tous, Tebboune semble avoir pesé les priorités et opté pour le profil adapté : un Premier ministre technocrate, un financier précisément.

Objectif : relancer la machine économique, qui est plombée par la baisse des prix du pétrole et un déficit budgétaire colossal qui pourrait atteindre 3.311 milliards à fin 2021, selon les prévisions officielles. Au plan social, l’Algérie fait face à une montée en puissance des revendications salariales et sociales.

En recevant le nouveau Premier ministre, le chef de l’État lui a fixé deux priorités : l’économie et le social. « Pour l’avenir, c’est l’économie et le social. C’est lié aux finances », lui a-t-il dit

Dans sa déclaration, certes protocolaire, juste après sa nomination, M. Benabderrahmane a confirmé que sa mission sera de tenter de redresser une économie en panne en mettant en œuvre le programme présidentiel.

« Cette confiance nous donnera plus de détermination pour servir le pays et pour une mise en œuvre efficace du programme de renaissance de Monsieur le président de la République. Un programme qui permettra à l’Algérie de réaliser la relance économique escomptée, une relance dont les contours commencent à poindre à l’horizon. Nous travaillerons comme un seul homme pour consolider tout ce que nous avons pu réaliser et aller de l’avant dans la concrétisation des nouveaux contours de la nouvelle Algérie », a-t-il déclaré.

La relance économique est donc l’objectif premier assigné au nouveau locataire du Palais de la rue Docteur Saâdane. Reste à savoir avec quelle orientation et, surtout, avec quel personnel ministériel.

Difficile de répondre à ce stade tant on ne connait presque rien du nouveau Premier ministre, sinon son parcours. Ses sorties publiques en tant que ministre des Finances ou gouverneur de la Banque d’Algérie se limitaient à des questions très techniques.

On sait en revanche qu’il est un défenseur des réformes bancaire et fiscale sans lesquelles la relance escomptée aura très peu de chances de se concrétiser. Bon orateur, il s’exprime avec une certaine aisance qui tranche avec la réserve excessive de son prédécesseur. Mais en une année au gouvernement, on ne lui connait pas de déclaration « révolutionnaire » concernant la marche de l’économie nationale.

S’agissant de la composante de son gouvernement, le même Abderrazak Makri a en partie levé le voile. Ce sera probablement un gouvernement restreint (27 ministères) contrairement à la première équipe de Abdelaziz Djerad qui en comptait 42.

Le chiffre 27 est néanmoins à prendre avec des pincettes puisqu’il a été déduit de la demande faite par le président aux chefs de partis de lui proposer chacun une liste de 27 ministrables issus de leurs partis respectifs.

Autre déduction à partir des déclarations du président du MSP, le nouveau gouvernement ne sera pas totalement apolitique. Les partis de la nouvelle « majorité présidentielle » y seront représentés, reste à savoir dans quelle proportion.

Aucune illusion en revanche à se faire concernant les ministères régaliens qui resteront la chasse gardée du président et sans doute aussi ceux en lien avec les secteurs économiques névralgiques, y compris le probable méga-ministère de l’Économie, si toutefois le président consent enfin à le créer comme le suggèrent de nombreux experts.

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