La prestation du chef du gouvernement, diffusée simultanément sur les ondes des deux principales chaines de télévision du pôle public n’a pas convaincu. El Otmani a joué la carte de l’apaisement, conciliant promesses et aveux d’incapacité à proposer des solutions immédiates et concrètes à une crise qui demeure à l’évidence entre les mains des sécuritaires. Il a évacué l’accusation de séparatisme qui pèse sur les leaders du Hirak, mais s’en remet à la justice…
Ce devait être comme on dit souvent un moment de télévision. La prestation du chef du gouvernement retransmise samedi soir par le pôle de télévision public, devait concourir avant tout à clarifier la position du gouvernement sur sa gestion chaotique de la crise d’Al Hoceima, sujet phare de l’actualité, même si l’exercice a été savamment étendu à d’autres dossiers de l’heure.
Premier aveu d’échec et d’incapacité à personnifier un Exécutif en première ligne, Saadeddine El Otmani a littéralement avoué qu’il n’avait pas toutes les clés d’explication de l’enlisement de la crise. « Je ne peux pas tout expliquer », a-t-il lâché au trio de journalistes (Fatima El Baroudi, Abdellah Tourabi, et Samir Chaouki) qui l’ont questionné sur plus d’une heure et demi, répétant les mêmes idées éculées sur « les choix démocratiques résolument pris par le pays », « la nécessité d’un dialogue constructif » et « la nécessité d’un débat national sur l’indépendance » des écuries partisanes.
Jouant la carte de l’apaisement, le chef du gouvernement a dit : « Je lance un appel aux citoyens d’Al Hoceima. Je leur dit que le gouvernement prend les choses très au sérieux, il y a une accélération des chantiers qui ont commencé », promettant un engagement sans faille de son cabinet à suivre et mettre en œuvre les engagements pris par les délégations ministérielles qui se sont succédé dans la région.
Tout en reconnaissant le caractère pacifique des manifestations, El Otmani a tenu à rendre hommage aux forces de l’ordre dans un souci manifeste d’équilibre : « Je salue les gens qui ont protesté pendant plusieurs mois et qui sont restés globalement pacifiques (…) mais on doit aussi saluer les forces de sécurité, qui dormaient sous les tentes et prenaient le ftour dans les fourgons. Ils ont fait preuve de patriotisme et de retenue », a-t-il insisté à dire, éludant au passage les questions qui fâchent sur l’usage excessif et inconsidéré de la force et le nombre sidérant d’interpellations.
Rétropédalage sur l’accusation de séparatisme
Point nodal et certainement but ultime de cette intervention réglée comme du papier à musique sur Al Oula et 2M, son aveu sous forme de rédemption sur l’accusation de séparatisme porté par son gouvernement qui a justifié à l’opinion publique l’envoi en prison des militants du Hirak.
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« Le communiqué de la majorité sur le séparatisme n’avait pas lieu d’être » a-t-il dit, précisant que c’était le fait de dirigeants de partis tout en se défaussant dans la foulée derrière « l’indépendance de la justice » pour ne pas se prononcer sur la question de la libération des détenus, assurant que le roi Mohammed VI a donné ses consignes pour leur garantir un procès équitable et pour enquêter sur tout cas éventuel de torture.
« Nous n’intervenons pas dans le travail de l’appareil judiciaire, en principe je ne devrais pas aborder cela, mais je dis que si les conditions de l’apaisement sont réunies (…) cela va probablement aider, mais ce n’est pas entre les mains du gouvernement », a-t-il affirmé avec une certaine distance. Il a assuré cependant que la commission d’enquête mise en place sur instructions royales devra sanctionner les responsables pour les retards enregistrés dans la mise en œuvre des chantiers de développement du programme tant décrié d’Al Hoceima, manarat al-moutawassit.