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Alger-Paris : prémices d’une nouvelle brouille diplomatique

Alger-Paris : prémices d’une nouvelle brouille diplomatique

France - Algérie Par luzitanija / Adobe Stock
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Dans l’air depuis quelques mois déjà, la France assume désormais ouvertement son soutien au plan d’autonomie marocain du Sahara occidental.

Emboitant le pas à l’Espagne qui en mars 2022 avait qualifié le plan formulé par le Maroc depuis 2007 de « base la plus sérieuse, réaliste et crédible pour la résolution de ce différend », cette décision, du reste prévisible, a été communiqué aux autorités algériennes, il y a quelques jours seulement, comme révélé jeudi 18 juillet par le ministère algérien des Affaires étrangères.

La décision de Paris devrait être annoncée par le roi du Maroc Mohammed VI lors de la fête du Trône lundi 30 juillet.

Sahara occidental : Paris acte le changement de sa position

En choisissant de communiquer sa décision par voie diplomatique, sans tapage médiatique, dans un contexte de bouleversements géopolitiques, comme en témoigne l’impuissance de l’ONU face à la situation à Gaza, où les yeux du monde entier sont braqués sur les Jeux olympiques 2024, Paris entend visiblement mettre Alger devant le fait accompli.

Ce qui explique peut-être l’ «étonnement » de l’Algérie qui qualifie la décision d’«inattendue ». « Le Gouvernement algérien a pris connaissance avec un grand regret et une profonde désapprobation de la décision inattendue, inopportune et contre-productive du gouvernement français apportant un soutien sans équivoque et sans nuance au plan d’autonomie sur le Sahara Occidental dans le cadre de la souveraineté marocaine », a indiqué le ministère des Affaires étrangères et de la Communauté nationale à l’étranger dans un communiqué.

Pourtant, les indices annonçant cette évolution de la position française étaient nombreux. Dès le début de l’année, de nombreux ministres français ont défilé au Maroc pour réparer une relation entre leur pays et le royaume, mise à mal en 2021 par l’affaire Pegasus, du nom du logiciel espion israélien, dans laquelle le Président français aurait été espionné par les services marocains.

Indices annonciateurs

Rien de mieux pour Paris pour regagner la confiance d’un pays qui lui reproche son tropisme algérien depuis l’arrivée du président Emmanual Maroc au pouvoir en 2017 que de l’assurer de son soutien dans son approche de la question sahraouie. 

Envoyé fin février par Emanuel Macron, le chef de la diplomatie française, Stéphane Séjourné avait réitéré le « soutien clair et constant » au plan d’autonomie marocain du Sahara occidental.

« Il est désormais temps d’avancer. J’y veillerai personnellement », avait-il déclaré. Quelques semaines plus tard, c’est le ministre du commerce extérieur, Franck Riester, qui avait même proposé que Proparco, filiale dédiée au secteur privé de l’Agence française de développement (AFD), puisse financer un projet de ligne électrique à haute tension entre Casablanca et Dakhla, la capitale du Sahara occidental.

Des visites suivies par celles des ministres Gérald Darmanin (Intérieur), Bruno Le Maire (Economie), Marc Fresneau (Agriculture) et Rachid Dati (Culture).

Il était même question d’une visite du premier ministre Gabriel Attal en juillet avant qu’elle ne soit annulée en raison des élections législatives en France.

C’est dire le forcing opéré à Paris, depuis quelques mois, appuyé par un lobby pro-marocain assez puissant pour faire pencher la relation en faveur de Rabat et au détriment d’Alger.

En s’alignant désormais ouvertement sur les thèses marocaines, Paris prend sans doute le risque de s’exposer à une nouvelle brouille diplomatique avec l’Algérie, soutien infaillible de la cause sahraouie, et dont les relations avec son ancien colonisateur connaissent des turbulences cycliques, particulièrement en raison du contentieux mémoriel.

La visite de Tebboune à Paris compromise 

Une remise en cause de la prochaine visite d’Etat en France, déjà plusieurs fois reportée, du Président Abdelmadjid Tebboune, prévue fin septembre, n’est pas à exclure.

Encore faut-il se demander si tel n’est pas l’objectif souhaité par certains segments au sein de l’establishment français.

« La décision française relève manifestement d’un calcul politique douteux, d’un a priori moralement contestable et de lectures juridiques que rien ne conforte et rien ne justifie », accuse le ministère algérien des affaires étrangères dans le communiqué publié jeudi 25 juillet.

Considérant que la nouvelle position conforte « l’impasse », Alger assure qu’elle « en tirera toutes les conséquences ».

« Le Gouvernement algérien retient de la décision française qu’elle ne sert absolument pas l’objectif de la paix au Sahara Occidental, qu’elle aide à prolonger une impasse et qu’elle justifie et aide à consolider le fait accompli colonial dans ce territoire. Le Gouvernement algérien tirera toutes les conséquences qui découlent de cette décision française et dont le Gouvernement français assume seul la pleine et entière responsabilité », souligne le MAE.

Une grave crise en perspective

Quelles conséquences ? En mars 2022, après la décision du gouvernement espagnol de Pedro Sanchez de changer radicalement de position sur le Sahara occidental en apportant son soutien aux thèses de Rabat, Alger avait pris à l’égard de Madrid une série de mesures de rétorsion : rappel de l’ambassadeur, gel du traité d’amitié et suspension des échanges commerciaux, en dehors des hydrocarbures, mesure qui avait impacté considérablement les entreprises espagnoles.

Malgré de légères évolutions, la relation entre les deux pays peine à ce jour à retrouver son niveau d’avant la crise de mars 2022.

Prendra-t-elle des mesures similaires à l’égard de Paris ? Très tôt pour se hasarder à quelques spéculations, notamment en raison de la singularité et de la dimension, autant humaine, économique qu’historique de la relation qui lie les deux pays. Mais les prémices d’une crise à venir et peut-être durable sont là, et de nombreux médias anticipent une grave brouille entre les deux pays.   

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