En pleine crise politique entre les deux pays, des rumeurs ont couru sur le blocage du commerce entre l’Algérie et la France.
Qu’en est-il réellement ? La réponse est venue de ceux qui sont directement concernés, les représentants des chambres de commerce des deux pays, qui livrent en outre quelques recommandations aux opérateurs français pour s’adapter aux évolutions de la législation en Algérie.
Le 7 novembre dernier, l’Algérie avait démenti la suspension des domiciliations bancaires pour les importations en provenance de France.
Les services du Premier ministre avaient imputé la rumeur à « un ancien ambassadeur de France en Algérie ». Xavier Driencourt avait republié quelques jours plus tôt sur X un document anonyme sur la suspension du commerce entre la France et l’Algérie.
Blocage des produits français en Algérie : des fakenews
Un autre démenti vient d’être fait à l’occasion d’un atelier organisé à Alger par le comité d’échange Afrique-France (CEAF) de la CCI Paris Île-de-France avec la chambre de commerce et d’industrie algéro-française (CCIAF). L’atelier, qui a eu lieu le 24 janvier 2025, a porté sur « les nouveautés de la Loi de finance 2025 algérienne pour les entreprises ayant des courants d’affaires avec l’Algérie ».
Il ressort des déclarations des participants, rapportées par le site français spécialisé dans l’entrepreneuriat Le Moci, qu’ "aucune instruction officielle n’a été donnée par les autorités algériennes concernant une éventuelle entrave délibérée ni un boycott officiel des produits français ou en provenance de France".
« Les autorités algériennes sont très procédurières et leurs instructions sont données par écrit, jamais à l’oral », a soutenu Zoubir Rabia, chef de projets internationaux à la CCI de Paris-Île-de-France et animateur du comité d’échange Afrique-France.
Halim Ammar Khodja et Akram Hamouda, directeur général adjoint et directeur des affaires règlementaires de la CCIAF, ont pour leur part confirmé que tout ce qui a été rapporté jusque-là sur un prétendu blocage et une rupture des relations commerciales entre l’Algérie et la France relève de la fakenews.
L’atelier a été l’occasion pour les opérateurs français de faire part de leurs préoccupations. Les intervenants ont reconnu que certaines entreprises françaises ont ressenti en Algérie « des freins administratifs au commerce plus accentués qu’à l’ordinaire ».
Évoquant une relation bilatérale « quelque peu dégradée », Romain Keraval, directeur de bureau de Business France à Alger, a par exemple cité des difficultés à obtenir des autorisations d’importation de biens destinés à la revente en l’état. Mais cela n’est pas spécifique aux entreprises françaises. Il s’agit de l’un des griefs retenus par la Commission européenne qui a ouvert en juin dernier une procédure d’arbitrage avec l’Algérie.
De quoi les entreprises françaises se plaignent-elles en Algérie ?
L’Algérie a pris ces dernières années une série de mesures destinées à rationaliser les importations et encourager la production locale. D’où la mise en place des autorisations d’importation délivrées par le ministère du Commerce à travers l’agence Algex.
Il ne s’agit donc en aucun cas de « blocage des produits français », ont reconnu les participants à l’atelier, dont certains se sont plaints des lourdeurs induites par ce système.
Akram Hamouda a toutefois relativisé le côté « volontaire » de ces lenteurs. Il a expliqué que la digitalisation complète de la formalité a pu provoquer des « bugs techniques », ou encore que les lenteurs sont habituelles en fin d’année.
Selon l’expert, deux réponses possibles sont délivrées lors du dépôt d’une demande en ligne d’une autorisation d’importation : « demande en cours d’étude » ou « accordée ».
Le dirigeant d’une PME a témoigné pour sa part que lorsque la réponse est « demande en cours d’étude », l’attente peut durer plusieurs semaines, voire plusieurs mois comme. Lui-même il attend depuis juin dernier.
Akram Hamouda a expliqué aux opérateurs français qu’ils doivent, pour éviter cette tracasserie, de s’assurer si le produit à importer « est indispensable à une activité productive locale et ne fait pas concurrence à un bien fabriqué localement ».
Selon lui, les autorités algériennes sont de plus en plus regardantes sur l’aspect « produire en Algérie ».
Les exportations de biens destinés à une activité de production locale, comme les matières premières, les produits semi-finis, les machines et équipements, ne sont pas concernés par ces lourdeurs administratives, a assuré le spécialiste, qui conseille par ailleurs d’éviter les Incoterms qui impliquent le paiement des assurances hors d’Algérie.
Importations : l’Algérie assume sa politique
Le directeur de Business France livre deux recommandations aux exportateurs français qui travaillent avec l’Algérie. La première est de vérifier si l’importateur en Algérie a bien finalisé la domiciliation bancaire de l’opération et obtenu l’autorisation d’Algex.
La seconde est que si c’est « l’origine française » semble poser problème, il conseille de voir la possibilité de facturer à partir d’un autre pays de l’Union européenne.
L’Algérie a répété, à maintes reprises, qu’elle n’a pas bloqué les importations, mais qu’elle a pris des mesures pour les rationaliser afin d’encourager la production nationale.
Toutefois, pour les produits localement, le gouvernement assume publiquement la décision de ne plus les importer.
Cela signifie que le temps de faire des affaires avec l’Algérie en exportant juste ses produits est révolu.