Les recettes de l’Algérie en exportations des hydrocarbures devraient se situer selon Sonatrach à plus de 50 milliards de dollars pour l’année 2022 grâce à la hausse des prix du pétrole, portés principalement par la guerre en Ukraine.
Cette manne pourrait être plus significative avec la décision de Sonatrach d’engager des négociations pour l’augmentation des prix de ses contrats long terme. Sont particulièrement ciblés les clients desservis par le gazoduc Medgaz, reliant l’Algérie à l’Espagne.
Sur le marché spot (vente au comptant), les cours du gaz ont flambé, mais l’Algérie n’en profite pas car la majeure partie de ses exportations, notamment via les gazoducs qui la relient au sud de l’Europe, se font à un prix prédéterminé par les contrats signés sur le long terme, antérieurs à la flambée en cours, donc désavantageux.
Selon l’agence Reuters, citant des sources proches du dossier, le géant pétrolier algérien négocierait avec ses clients européens les moyens de bénéficier des hausses actuelles des prix du gaz.
Plusieurs options sont envisagées, dont l’introduction dans les contrats d’un lien partiel avec les prix du gaz au comptant, alors que les prix étaient indexés seulement sur ceux du pétrole.
Depuis le début de l’année, le gaz TTF (spot) néerlandais a bondi de 80 et 110 % respectivement pour les contrats à un mois ou un jour d’avance, alors que ceux du pétrole ont augmenté de 55 % pendant la même période. La flambée des prix du gaz est soutenue par l’inquiétude qui entoure les livraisons russes.
Ces inquiétudes ont renforcé la position de l’Algérie qui, à l’instar d’autres pays exportateurs de gaz, cherche à trouver les moyens de récupérer les pertes de revenus induites par les dispositions des contrats de long terme.
La révision des prix intervient à un moment difficile pour l’Europe qui cherche des alternatives au gaz russe et qui s’efforce dans le même temps de remplir les installations de stockage avant l’hiver. Ce qui met l’Algérie en position de force.
Trois clients espagnols concernés
Des sources ont déclaré à Reuters que le groupe algérien a un « très fort pouvoir de négociation parce qu’il a obtenu le gaz et réalise que l’Europe en a besoin ». « Les acheteurs réalisent maintenant qu’ils sont coincés entre le marteau et l’enclume », ont expliqué ces sources.
Selon une autre source citée par Reuters, Sonatrach cherche à augmenter les prix pour les clients desservis par le gazoduc Medgaz reliant directement l’Algérie et l’Espagne. Les entreprises concernées sont Naturgy, Cepsa et Endesa (Espagne), Engie (France) et Galp (Portugal).
Les négociateurs de Sonatrach sont habiles et « remuent ciel et terre », assure une source de l’agence britannique.
« Ils remuent ciel et terre, conservant les formules de Brent, y compris les formules TTF. Ils demandent une augmentation similaire à celle des prix (du gaz) internationaux et l’excuse est que le TTF est très cher (…) », a expliqué Reuters.
Les négociateurs algériens peuvent « proposer à une entreprise tout le TTF, à une autre tout le Brent, à une autre encore un panorama car ils négocient avec tout le monde. Ce sont des négociateurs compétents et ils essaieront d’obtenir le maximum », selon la même source.
Un porte-parole de Naturgy a confirmé que les négociations étaient en cours, ajoutant que les relations de la société avec Sonatrach étaient bonnes, alors que les relations entre l’Algérie et l’Espagne sont plongées dans un froid glacial depuis l’annonce le 18 mars dernier du ralliement de Madrid à la position marocaine sur le Sahara occidental.
L’Algérie qui fournissait du gaz à l’Espagne à des prix inférieurs à ce du marché s’est sentie trahie et a décidé de revoir à la hausse les prix de son gaz.
Les clients de l’Algérie indexés sur le Brent ont beaucoup profité de la situation. Ils ont bénéficié d’une énorme remise par rapport au TTF et à d’autres indices gaziers mondiaux, reconnaît Tamir Druz, directeur général du cabinet de conseil Capra Energy, cité par l’agence de presse britannique. La révision des contrats devrait permettre à Sonatrach de récupérer une bonne partie des revenus perdus, assure-t-il.