Cette fois, la brouille est sérieuse entre l’Algérie et la France. Avec la sortie du président Abdelmadjid Tebboune dimanche soir, il est certain qu’on est loin des disputes passagères qui froissent régulièrement les relations entre les deux pays mais sur lesquelles les intérêts réciproques prennent à chaque fois le dessus.
Au moins jusqu’à l’élection présidentielle française du printemps prochain, les relations ne reviendront pas à leur niveau d’avant le 30 septembre dernier. Elles pourraient même ne plus redevenir ce qu’elles étaient.
Jusqu’à cette date, les sujets de discorde étaient nombreux entre les deux Etats, mais la brouille épargnait la relation au plus haut niveau, c’est-à-dire entre les présidents Abdelmadjid Tebboune et Emmanuel Macron.
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À l’exception de sa toute première déclaration au lendemain de son élection en décembre 2019 où il a promis à la France de « payer cher » ce qui était considéré comme un laxisme envers les actes anti-vote d’une partie de la communauté algérienne établie dans l’Hexagone, Tebboune a toujours tenu des propos bienveillants à l’égard de son homologue français, qui le lui rendait bien.
La bonne relation entre les deux chefs d’Etat a pu faire avancer un tant soit peu le dossier de la mémoire et éclipser pendant plusieurs mois les profonds désaccords sur bien des sujets : la présence économique française en Algérie qui se rétrécit de mois en mois, les Algériens établis illégalement en France, la délivrance des visas, la situation en Libye et au Sahel…
Mais le 30 septembre, à l’occasion, paradoxalement, d’une rencontre destinée à panser les blessures de la guerre d’Algérie, Emmanual Macron a tenu des propos dont il ne pouvait pas ignorer la gravité et les conséquences sur les relations entre les deux pays.
Macron a-t-il sciemment brûlé ses vaisseaux ?
Dans un seul discours, Emmanuel Macron a chargé l’Algérie plus que tous ses prédécesseurs réunis, y compris sur le dossier de la mémoire. Il a attaqué frontalement ce qu’il a appelé « le système politico-militaire » algérien, qui « entretient la rente mémorielle » depuis 1962, un système « très dur » dans lequel le président Tebboune est « pris »…
Il s’est surtout interrogé sur l’existence de la Nation algérienne avant la colonisation française en 1830. Deux jours auparavant, son gouvernement avait annoncé officiellement la réduction drastique du quota de visas à délivrer aux Algériens, visant essentiellement, précisera M. Macron, la sphère dirigeante.
Pendant dix jours, l’Algérie officielle a multiplié les réactions fermes, rappelant notamment son ambassadeur à Paris et fermant son espace aérien aux avions militaires français qui se rendent au Sahel.
Mais il manquait, pour mesurer l’effet sur la relation bilatérale du discours du président français, l’avis de son homologue algérien.
Abdelmadjid Tebboune s’est exprimé dimanche soir et, contrairement à ce que certains pouvaient attendre du fait de son entente avec Emmanuel Macron, il a été d’une grande fermeté.
« La France doit oublier que l’Algérie était sa colonie (…) C’est un État debout avec son armée, son économie et son peuple », a déclaré le chef de l’Etat, conditionnant le retour de l’ambassadeur d’Algérie à Paris par « le respect total de l’Etat algérien ».
La glaciation entre Alger et Paris est bien réelle et le dégel ne s’annonce pas pour bientôt. Les événements de ces deux dernières semaines pourraient même cacher une volonté de la partie française de revoir profondément ses relations avec l’Algérie.
C’est l’explication la plus plausible à la nouvelle attitude subite d’Emmanuel Macron, dont le discours peu diplomatique du 30 septembre peut s’apparenter à une manière de brûler ses vaisseaux.