Le débat sur le contentieux mémoriel entre l’Algérie et la France est revenu au-devant de la scène à la faveur de la visite effectuée par Emmanuel Macron en Algérie du 25 au 27 août.
Au cours de ce voyage, les deux parties ont convenu de créer une commission d’historiens, algériens et français, qui travailleront ensemble sur le dossier.
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Il s’agit d’une autre approche, après celle quelque peu unilatérale qui a vu le président français commander un rapport à l’historien Benjamin Stora. Remis début 2021 avec une vingtaine de propositions, le rapport n’a pas pu faire avancer les choses comme souhaité.
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Dans un entretien au magazine Geo à l’occasion du voyage algérois d’Emmanuel Macron, l’historien revient sur son rapport sur la colonisation, les raisons de son échec et plus globalement sur le dossier mémoriel que les deux présidents semblent décidés enfin à faire avancer.
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« Toutes les communautés concernées par le conflit ont aujourd’hui l’impression d’avoir été abandonnées et trahies », a analysé l’historien spécialiste de la guerre d’Algérie.
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Il a ajouté qu’il appelle cela les «incendies de mémoire», qui « ne sont pas simples à maîtriser car ils sont tout sauf sereins ». A propos de son rapport, il dira : « Je l’ai réalisé comme un manuel de travaux pratiques avec, à la clef, 22 préconisations concrètes qui permettraient d’éteindre ces «incendies» (…) »
La position algérienne selon Stora
Pour lui, le fait qu’Emmanuel Macron soit né après la guerre de libération nationale peut créer des conditions favorables pour affronter sereinement le dossier de la mémoire qui empoisonne les relations entre l’Algérie et la France.
Benjamin Stora explique que le président Macron aborde ces questions de façon « pragmatique et décomplexée. » « Il n’est pas encombré par un lien mémoriel entaché par le regret ou le remords, comme ont pu l’être les générations d’hommes politiques avant lui », a-t-il ajouté.
Mais le rapport qu’il lui a remis n’a pas été suivi par les résultats escomptés. Stora explique : « Alger a rejeté le rapport car je ne recommande ni la repentance, ni la victimisation. »
L’historien définit la position algérienne sur ce dossier : « les excuses d’abord, la pratique ensuite. »
Pour Benjamin Stora, cette position est un « piège politique », et que « ce n’est pas une solution car cela annihilerait tout compromis mémoriel. » La guerre, dans un sens, continuerait », a-t-il estimé.
Benjamin Stora estime que l’Algérie et la France ont « tout à gagner à travailler ensemble sur les questions géopolitiques. » « Cela pourrait être une porte de sortie de cette guerre des mémoires », a conclu l’historien.