Depuis quelques mois, les évènements s’accélèrent entre l’Algérie et la France, réduisant la relation entre l’Algérie et la France à sa plus simple expression.
En octobre dernier, le président Abdelmadjid Tebboune avait affirmé qu’il ne faisait que préserver « le cheveu Muawiya » avec la France, une sentence que la tradition prête au calife omeyade Muʿawiya arabe signifiant éviter le dernier geste avant la rupture.
Ces derniers mois, la relation bilatérale, devenue otage des extrémistes, n’a fait que se rapprocher d’une telle situation inimaginable pour deux pays liés notamment par une communauté de plusieurs millions de binationaux.
La volonté des présidents Tebboune et Macron d’ouvrir une nouvelle page 60 ans après l’indépendance a été contrariée par l’action des nostalgiques de l’Algérie française et de toute l’extrême-droite et la droite dure en France.
En juillet dernier, quelques semaines après des élections législatives qui l’ont mis sous l’emprise de ce courant, Emmanuel Macron a franchi le pas qui allait emporter tout ce qu’il a tenté de construire avec l’Algérie ces dernières années.
En reconnaissant la « souveraineté marocaine » sur le Sahara occidental, le président français n’ignorait pas qu’il allait gravement fâcher l’Algérie qui, deux ans plus tôt, était allée au bord de la rupture avec l’Espagne qui avait apporté son appui au plan d’autonomie marocain. Le blocage du commerce avec l’Espagne n’a été levé qu’en novembre dernier.
Avec la France, la discorde va au-delà de la question du Sahara occidental. Il y a surtout ces attaques répétées d’un pan entier de la classe politique et de la sphère médiatique françaises qui l’Algérie et de son immigration un point de fixation.
La nomination d’un gouvernement avec plusieurs ministres de la droite dure n’a rien arrangé. Bruno Retailleau, le ministre de l’Intérieur, est par exemple connu pour ses croisades contre l’accord franco-algérien de 1968 sur l’immigration.
Dès sa nomination, il s’est distingué par une attaque frontale contre l’Algérie à laquelle il a promis un « bras de fer » sur la question des reconduites aux frontières et des laissez-passer consulaires.
Dans la continuité du discours de sa famille politique, Retailleau avait dans la même phrase proposé un dialogue au Maroc, qui n’a pourtant pas une meilleure attitude que l’Algérie sur cette question.
Algérie – France : la rupture n’est peut-être plus impensable
C’est dans ce contexte tendu qu’est survenue l’affaire Boualem Sansal. Proche de l’extrême-droite, l’écrivain franco-algérien a soutenu publiquement les thèses de ce courant et du Maroc, à savoir que l’actuel ouest de l’Algérie appartient historiquement au royaume voisin. Rentré le 16 novembre de France, dont il a récemment acquis la nationalité, Sansal a été arrêté à l’aéroport d’Alger. Poursuivi pour atteinte à la sûreté de l’Etat et à l’intégrité du territoire national, il a été incarcéré depuis un mois.
Le courant extrémiste en France a redoublé de véhémence envers l’Algérie, aggravant un peu plus la crise.
Ce qui pourrait être le casus belli pour la rupture arrive juste après. Il s’agit de la révélation faite par la Télévision publique algérienne sur l’implication de la DGSE (direction générale de la sécurité extérieure) française dans un complot visant la déstabilisation de l’Algérie.
Aïssaoui Mohamed Amine, un ancien terroriste de 35 ans, a révélé dans un reportage diffusé par l’ENTV et Al24 News, que les services secrets français ont tenté de l’enrôler pour créer des cellules terroristes en Algérie.
On n’en est plus aux propos inacceptables des représentants de l’extrême-droite française. Cette fois, c’est l’Etat français, à travers une de ses institutions, qui est accusé par Alger d’agissements gravissimes.
Le 15 décembre, des médias algériens ont annoncé la convocation de l’ambassadeur de France en Algérie au ministère des Affaires étrangères où il lui a été signifié « la ferme réprobation » des autorités algériennes, pas seulement à cause de cette affaire de la DGSE, mais aussi « face aux nombreuses provocations et actes hostiles français en direction de l’Algérie ».
La réaction de la France n’est pas faite pour apaiser les choses. Interrogé par France Inter le même jour, le ministre des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot a répondu que ce sont « des accusations infondées et fantaisistes ». « J’ai eu notre ambassadeur au téléphone et lui ai assuré tout notre soutien », a-t-il ajouté.
Dans l’intervalle, l’Algérie a pratiquement coupé les ponts avec la France, sans doute la dernière étape avant que la rupture soit actée. Les différentes coopérations entre les deux pays sont suspendues. Les contacts diplomatiques sont pratiquement rompus.
Pour le moment, le président Macron évite de rajouter de l’huile sur le feu déjà bien, se dit peut-être que la tempête va passer, mais la colère d’Alger est loin d’être passagère.
D’autant qu’à Paris, les choses ne s’arrangent pas. Le ministre de l’Intérieur a une nouvelle fois empiété sur les prérogatives de son homologue des affaires étrangères Jean-Noël Barrot en s’exprimant encore sur l’Algérie, sans qu’il soit rappelé à l’ordre.
Interrogé mercredi sur la détention de Sansal en Algérie, Retailleau est allé jusqu’à qualifier l’arrestation de Sansal en Algérie « d’enlèvement ».
« (…) je souhaite que Boualem Sansal puisse nous revenir très rapidement. Si tel n’était pas le cas, je pense que la France serait en mesure de déployer un certain nombre de réponses", a-t-il dit.
Impensable il y a quelques mois, la rupture entre les deux pays ne relève peut-être plus de l’impensable.