La Première ministre française Elisabeth Borne effectue à partir de ce dimanche 9 octobre une visite de 48 heures en Algérie. Une visite que l’on peut qualifier de singulière à plus d’un titre.
À Alger, Mme Borne présidera avec le Premier ministre algérien, Aïmene Benabderrahmane, la cinquième réunion du Comité intergouvernemental de haut niveau (CIHN), qui ne s’est pas tenue depuis 5 ans à cause, outre la crise sanitaire, des multiples brouilles plus ou moins graves entre les deux pays.
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La session du CIHN se tient 40 jours après la visite « très réussie » en Algérie du président Emmanuel Macron qui elle-même survenait après une crise aiguë entre Alger et Paris qui a duré plusieurs mois en 2021.
Ces deux déplacements de haut niveau, très rapprochés dans le temps, laissent penser que les deux capitales ont peut-être fait plus que tourner la page. « Je pense que le temps de l’incompréhension est terminé », a déclaré Mme Borne dans un entretien à TSA et El Khabar, publié ce dimanche 9 octobre.
D’autant plus que, fait inédit dans les relations entre les deux pays et sans doute extrêmement rare dans les relations internationales, Mme Borne se rend à Alger avec quasiment la moitié de son gouvernement.
« Au-delà de la dimension institutionnelle, c’est un moment important pour un responsable politique français que de se rendre en Algérie », a commenté Mme Borne dans le même entretien.
En août dernier lors de la visite de Macron, l’Algérie et la France ont signé « la déclaration d’Alger » pour un « partenariat renouvelé ». Il s’agit pour eux de ne plus perdre de temps et de se mettre dès maintenant à entamer le processus de concrétisation des engagements pris, dans un contexte à multiples enjeux, tant bilatéraux qu’internationaux.
Sur le plan bilatéral, plusieurs dossiers, à l’origine de la crise ou résultante de celle-ci, sont en suspens et les deux pays gagneraient à les aplanir.
Dimension humaine et économie
Il s’agit notamment de l’épineux contentieux mémoriel, désormais confié à un panel d’historiens qui travailleront loin de l’influence politique, de la mobilité et de la question des visas, et du volet économique avec le recul que l’on sait de la présence des opérateurs français en Algérie au profit notamment des Turcs et des Chinois.
Les deux gouvernements sont discrets sur les décisions à attendre concernant un éventuel redéploiement des investisseurs français et surtout le sort des usines à l’arrêt, comme celle de Renault, mais il reste que la venue d’hommes d’affaires dans la délégation d’Elisabeth Borne et la tenue d’un forum d’affaires pendant la visite, sont peut-être le signe que les choses s’apprêtent à bouger.
Dans la déclaration d’Alger, les deux parties ont identifié les axes qui constitueront le fondement de la relation bilatérale et les secteurs porteurs pour une coopération économique fructueuse (énergies renouvelables, agriculture, métaux rares, numérique, santé et tourisme).
Lors de la visite de Mme Borne, plusieurs piliers de la « Déclaration d’Alger » seront sur la table, comme le laisse deviner la composante de la délégation française.
Les discussions seront particulièrement axées sur l’éducation, la culture, la transition écologique et l’économie, soit les axes de la dimension humaine et du partenariat économique contenus dans la déclaration.
Les retombées, notamment économiques, de la guerre en Ukraine ainsi que celles de la crise sanitaire, ont aussi rappelé aux deux pays qu’ils ont besoin l’un de l’autre.
Même si on continue à soutenir du côté français que les quantités de gaz algérien livrées à la France ne sont pas de nature à « changer la donne », il n’en reste pas moins que des négociations ont été entamées dès la dernière visite présidentielle pour des quantités supplémentaires de GNL.
L’Algérie a aussi besoin du blé français dans une conjoncture de tension sur ce produit induite également par la guerre en Ukraine.
Sur certains dossiers internationaux, l’Algérie et la France accordent aussi leurs violons, comme sur la situation au Mali. Le retrait des troupes françaises de l’opération Barkhane ne signifie pas un désengagement total du dossier, explique Elisabeth Borne. Les efforts diplomatiques pour ramener la paix dans la région se poursuivent « en partenariat étroit avec l’Algérie ».