En France, la nouvelle de l’arrestation de Boualem Sansal suscite un tollé dans les milieux de droite et d’extrême-droite, peu de réactions à gauche de l’échiquier politique et une prudence manifeste des officiels.
Sur les réseaux sociaux, la nouvelle de son arrestation divise, mais certains de ses soutiens de l’écrivain algérien qui a aussi acquis la nationalité française cette année sont gênants ou passent mal.
La situation est résumée par le politologue algérien Abed Charef : “Avec tous ces soutiens, on risque d’avoir des manifestations populaires en Algérie pour exiger qu’il soit maintenu en détention.”
Évidemment, les Algériens ne manifesteront pas pour demander l’emprisonnement d’un écrivain, mais il y a quelque chose de pertinent dans ce qu’a écrit Abed Charef sur X. C’est tout le gratin de la ligne ouvertement anti-algérienne qui se mobilise comme rarement.
Eric Zemmour, Marine Le Pen, Sarah Knafo, Xavier Driencourt, les médias d’extrême droite et beaucoup d’autres se sont donnés le mot pour mettre la pression sur le gouvernement français afin de tout mettre en œuvre pour “récupérer” l’écrivain. Au passage, ils en ont profité pour s’attaquer, avec une extrême virulence aux Algériens, comme Celine Pina, chroniqueuse à Cnews qui a tenu des propos vulgaires à l’égard de l’Algérie et de ses élites.
“Si l’élite algérienne est de si bas niveau, imaginez le reste de la société”, a-t-elle écrit sur X.
“Si un cheveu de la tête de cet homme lumineux est touché par le régime à Alger, la France devra répondre de manière foudroyante”, s’est même permis d’écrire le député du Rassemblement national (RN), Guillaume Bigot.
Chose rare pour un écrivain algérien, le Conseil consultatif des institutions juives de France (Crif), le puissant lobby pro-Israël en France, a réagi en apportant son soutien à Boualem Sansal.
Le silence de la gauche et d’une grande partie de la classe politique française devant l’arrestation d’un écrivain, a un sens.
Il est vrai que Sansal bénéficie d’autres soutiens en dehors de l’extrême-droite et même en dehors de la politique, comme cette tribune publiée par des écrivains français et étrangers, dont quatre prix Nobel de littérature et le célèbre écrivain britannique Salman Rushdie.
Mais il reste que le noyau dur de ceux qui s’offusquent de l’interpellation de Boualem Sansal est constitué de personnages qui se sont discrédités ces derniers mois par leurs positions foncièrement anti-algériennes, islamophobes, pro-israéliennes et pro-marocaines.
Boualem Sansal : que cachent l’agitation de l’extrême-droite et le silence de la gauche ?
En attendant une communication de la justice, le motif de l’arrestation de l’écrivain franco-algérien serait d’ailleurs lié au Maroc, selon l’agence de presse officielle APS.
Dans une interview accordée au média d’extrême-droite “Frontières”, Sansal a véritablement dérapé en remettant en cause les frontières de l’Algérie, assurant que tout l’ouest algérien appartenait historiquement au Maroc avant d’être généreusement octroyé à l’Algérie par la France.
Avant cela, il n’a jamais été inquiété et il disait lui-même qu’il ne se sentait pas menacé en Algérie où il avait sa résidence officielle et effective. Ce qu’il disait dans ses livres et les plateaux français à propos de l’islamisme et même de l’islam relevait effectivement de sa liberté.
Sansal est un écrivain, un intellectuel, un homme qui sait et qui ne pouvait forcément pas ignorer que les propos qu’il a tenus sur l’envergure, l’histoire et les frontières de l’Algérie sont gravissimes et pouvaient lui causer des démêlés avec la justice algérienne, de surcroît dans le contexte de la tension actuelle avec le Maroc. Son retour en Algérie immédiatement après les avoir tenus pose question.
Boualem Sansal, un statut important au sein de l’extrême droite
La montée au créneau simultanée et inédite de véhémence du courant extrémiste français contre l’Algérie suscite aussi l’interrogation sur la place de Boualem Sansal au sein de cette mouvance. Les réactions auxquelles l’on assiste laissent penser à un personnage important, voire central.
“Je l’ai connu au Cercle algérianiste présidé par Suzy Simon-Nicaise et nous sommes devenus des amis, avec l’ambassadeur Xavier Driencourt et toute une équipe”, a révélé Philippe de Villiers, un autre personnage de l’extrême-droite.
Le Cercle algérianiste est une association fondée en 1973 autour de l’idée de l’Algérie française. L’une de ses actions retentissantes est le dépôt d’une plainte contre Emmanuel Macron pour avoir qualifié à Alger en 2017 le colonialisme de “crime contre l’humanité”. La plainte avait été déposée par l’avocat du cercle, un certain Gilles-William Goldnadel, connu pour être un partisan du premier ministre israélien Benyamin Netanyahu.
Xavier Driencourt n’est plus à présenter. Deux fois ambassadeur en Algérie, il s’est fait après sa retraite le chantre du discours anti-algérien, poussant ouvertement les deux pays à la rupture. Il fait aussi partie du “comité stratégique” de Frontières, le média ouvertement d’extrême-droite dans lequel Sansal a tenu les propos qui lui valent son arrestation en Algérie.