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Algérie – France : Tebboune répond à Macron sur la mémoire

Algérie – France : Tebboune répond à Macron sur la mémoire

Photo par Oleksii / Adobe Stock
Le drapeau de l'Algérie et de la France.

Le président de la République Abdelmadjid Tebboune a évoqué pour la deuxième fois en moins de deux semaines le dossier du litige mémoriel entre l’Algérie et la France, et a répondu indirectement à son homologue français Emmanuel Macron.

Dans un message à l’occasion de la commémoration des massacres du 17 octobre 1961, le chef de l’État a de nouveau accablé les parties en France qui empêchent les deux pays d’avancer dans ce dossier.

La halte est très symbolique. Soixante-trois ans après ces massacres qui avaient ciblé les travailleurs algériens en France, l’Immigration algérienne cristallise les attaques de l’extrême-droite et de la droite dure françaises.

Dans une entrevue avec des représentants de la presse algérienne diffusée samedi 5 octobre, Abdelmadjid Tebboune avait usé de mots très forts pour dénoncer l’action néfaste pour la relation bilatérale des lobbies des nostalgiques de l’Algérie française, de la droite dure et de l’extrême-droite.

Le contexte est celui d’une nouvelle brouille, plus aiguë que les précédentes, entre les deux pays. Depuis le 30 juillet dernier, l’Algérie est sans ambassadeur à Paris suite au retrait de Saïd Moussi, en réaction à l’alignement total de la France sur les thèses marocaines dans le dossier du Sahara occidental.

Depuis 2020, Abdelmadjid Tebboune et Emmanuel Macron ont entrepris d’ouvrir une nouvelle page dans les relations entre les deux pays et ont entamé un processus de règlement du litige mémoriel.

Depuis, la relation bilatérale a connu des hauts et des bas. Les deux pays ont signé la Déclaration d’Alger « pour un partenariat renouvelé » en août 2022, à l’issue d’une visite d’Emmanuel Macron en Algérie, qualifiée de très réussie.

Les deux présidents ont mis en place une commission mixte d’historiens chargés de travailler sur la mémoire de la colonisation « loin de la politique » et Macron a fait de nombreux gestes, reconnaissant la responsabilité de l’État français dans certains épisodes de la guerre de libération algérienne, comme la mort des résistants Maurice Audin et Ali Boumendjel.

Paradoxalement, cette période d’entente a été émaillée de crises successives. À chaque brouille, le président Tebboune pointait du doigt les mêmes lobbies qui ne voulaient pas d’un véritable rapprochement entre l’Algérie et la France. Ce courant ne s’en est jamais caché, maintenant publiquement la pression sur Emmanuel Macron pour se détourner de l’Algérie et ciblant spécifiquement l’immigration algérienne.

Dans sa sortie médiatique du 5 octobre, le président Tebboune avait épargné son homologue français qui est « d’une autre génération » et n’a « rien à voir avec le colonialisme » ainsi que « 65 % des Français » qui ne partagent pas les idées du courant extrémiste.

Il s’en est pris en revanche à ce même courant, l’accusant de « chercher la revanche » et de vouloir « faire détester l’Algérie aux Français ».

« C’est l’étendard derrière lequel marche l’armée des extrémistes », a-t-il dit à propos de l’accord de 1968 sur l’immigration que l’extrême-droite et la droite veulent voir révoqué, a accusé le chef de l’État algérien.

Tebboune à propos de la mémoire Algérie – France : « Pas de place pour les semeurs de haine »

« La minorité extrémiste a eu le dessus en France », a-t-il résumé. Il a aussi affiché beaucoup de fermeté sur la question mémorielle, soutenant que l’Algérie a « été choisie pour le vrai grand remplacement » durant la colonisation et invitant la France à venir discuter des questions sérieuses, comme la décontamination des sites de ses essais nucléaires et chimiques dans le Sahara algérien.

Mercredi 16 octobre, le président Tebboune s’est, comme chaque année, exprimé sur les massacres du 17 octobre 1961.

Ce jour-là, la police parisienne, dirigée par Maurice Papon -qui sera condamné plus tard pour ses crimes pendant l’occupation allemande- a réprimé violemment les immigrés algériens qui ont bravé un couvre-feu nocturne qui leur était imposé exclusivement. Des dizaines d’Algériens ont été tués, dont beaucoup ont été jetés vivants dans la Seine et se sont noyés.

En 2021, Emmanuel Macron s’est rendu sur les lieux du massacre, au Pont de Bezons, où il a reconnu des « faits inexcusables pour la République ». En mars dernier, le Parlement français a adopté une résolution présentée par la députée d’origine algérienne Sabrina Sebaihi, reconnaissant et condamnant les massacres.

Lors de la cérémonie d’ouverture des derniers Jeux olympiques de Paris, la délégation algérienne a jeté des fleurs dans la Seine en hommage aux Algériens noyés sur les lieux.

« C’est là un anniversaire qui demeure profondément gravé dans nos esprits, de par la forte symbolique qu’il revêt », a écrit le président Tebboune dans son message de ce mercredi 16 octobre. « Il rappelle aux générations l’une des images les plus expressives de l’adhésion de notre communauté en France au mouvement révolutionnaire de libération », a-t-il ajouté.

Le président de la République a dénoncé « la haine, la violence et le racisme du colonisateur en ces moments de folie dénués de tout civisme et humanité ». L’Algérie est « attachée au principe du droit et d’équité en ce qui concerne le dossier de la mémoire, que certains cercles extrémistes tentent de falsifier ou de reléguer au tiroir de l’oubli », a-t-il indiqué.

Le président Macron avait reçu les membres français du panel le 19 septembre dernier et a réitéré sa « détermination » à poursuivre le travail de mémoire avec l’Algérie.

Cette phrase, contenue dans le message de Tebboune à l’occasion du 17 octobre, sonne comme une réponse : « La question de la mémoire a besoin d’un nouveau souffle de courage et d’intégrité pour se débarrasser du complexe du passé colonial et se tourner vers un avenir où il n’y a pas de place pour les semeurs de haine, parmi ceux qui restent prisonniers d’une pensée coloniale obsolète. »

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