Après l’immigration et l’hymne national Kassaman, la visite du président Abdelmadjid Tebboune en Russie est saisie au vol par une partie de la classe française qui réclame un durcissement de la relation avec l’Algérie
Attendu à Paris, le président algérien est parti en Russie. Pour certaines parties en France, cela est suffisant pour conclure à l’échec de la politique de rapprochement avec Alger du président Emmanuel Macron. Ce dernier est sous forte pression pour re-calibrer sa politique algérienne.
Emmanuel Macron se démarque de tous ses prédécesseurs depuis Jacques Chirac par sa volonté affichée de bâtir une nouvelle relation avec l’Algérie. Avant même d’entrer à l’Elysée, il a fait un geste très fort en qualifiant, à Alger en 2017, le colonialisme de « crime contre l’humanité ».
Tout au long de son premier mandat, il a multiplié les gestes concrets dans le dossier mémoriel et a régulièrement échangé les éloges avec son homologue algérien Abdelmadjid Tebboune.
Son deuxième mandat, il l’a entamé avec une visite « très réussie » à Alger, en août 2022, conclue par la signature de la « Déclaration d’Alger pour un partenariat renouvelé » et la promesse d’une relation franco-algérienne enfin apaisée.
Abdelmadjid Tebboune devait se rendre à Paris en mai dernier, puis en cette seconde moitié de juin. Jusqu’à maintenant, aucune annonce officielle n’est venue confirmer le maintien du déplacement ou son annulation. Mais il semble que la visite, à en croire des révélations de la presse française, est reportée au moins jusqu’après l’été.
Le déplacement de Tebboune en Russie, entre les 14 et 17 juin, est saisi au vol comme un argument supplémentaire par la partie de la classe française qui ne voyait pas d’un bon œil le rapprochement franco-algérien. Même Bernard Henri-Lévy, le très controversé promoteur des printemps arabes, s’est mis de la partie en estimant que l’Algérie a désormais « choisi son camp ».
Pour le camp anti-algérien en France, la visite en Russie de Abdelmadjid Tebboune et son accueil en grandes pompes par le président Vladimir Poutine, est un pied-de-nez à la France et son président.
Algérie – France : l’hymne national attise la polémique
Avant même ce déplacement à Moscou, la droite française a maintenu la pression sur Emmanuel Macron pour contrarier son rapprochement avec Alger.
Alors que le gouvernement français s’apprête à dévoiler un nouveau projet de loi sur l’immigration, probablement cet été ou à l’automne prochain, la droite a fait de l’immigration algérienne un point de fixation, réclamant particulièrement la révocation de l’accord franco-algérien de 1968 sur l’immigration.
Une telle exigence est tout sauf innocente, vu le timing qui lui est choisi. Ceux qui la portent n’ignorent pas sa portée et les retombées inéluctables qu’elle pourrait susciter. Xavier Driencourt, l’ancien ambassadeur de France à Alger qui compte parmi les pourfendeurs du texte, l’a dit clairement : la dénonciation de l’accord de 1968 pourrait déboucher sur la rupture des relations diplomatiques entre Alger et Paris.
Emmanuel Macron était aussi critiqué sur sa politique mémorielle, les principaux dirigeants de la droite et de l’extrême-droite lui reprochant régulièrement son « manque de fermeté » vis-à-vis de l’Algérie et le mettant en garde contre toute tentation de « repentance ».
Depuis quelques jours, c’est la décision de l’Algérie d’élargir l’usage de son hymne national qui comprend un couplet citant nommément la France qui attise la polémique.
La réaction de la ministre française des Affaires étrangères, Catherine Colonna, qui a évoqué une décision « à contre temps », est très critiquée en Algérie.
Après le diplomate Abdelaziz Rahabi, qui a qualifié les propos de la ministre française d’ « inopportuns et inacceptables », et le parti Jil Jadid qui a dénoncé une volonté de « surfer sur la vague anti-algérienne des nostalgiques du colonialisme », c’est au tour du FLN, le parti majoritaire dans les assemblées élues, de crier à la « provocation » et à l’ « hostilité ».
Pour l’ex-parti unique, les propos de Mme Colonna « lèvent le voile sur la véritable politique de la France vis-à-vis de l’Algérie, basée sur la haine » et traduisent « un manque de sérieux pour l’établissement d’une relation basée sur la réciprocité et l’intérêt mutuel ».