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Algérie – France : une relation otage des extrémistes

Algérie – France : une relation otage des extrémistes

Rien ne va plus entre l’Algérie et la France, plus que jamais au bord de la rupture. L’affaire Boualem Sansal a compliqué davantage les rapports déjà très tendus entre les deux capitales depuis plusieurs mois.

La relation Algérie – France de ces dernières années est une succession d’espoirs déçus et surtout de crises les unes plus aiguës que les autres. Dans ces troubles à répétition, les extrémistes ont pesé de tout leur poids comme les seuls acteurs de cette relation. Plus que jamais, la relation bilatérale est prise en otage par les extrêmes.

Algérie – France : des relations tumultueuses

Les réactions entendues en France suite à l’interpellation et l’incarcération de l’écrivain Boualem Sansal découlent de la radicalisation des positions quant à ce que doit être la relation France-Algérie.

Comme à chaque brouille, les voix extrémistes couvrent celles qui appellent à la retenue pour sauver ce qui peut encore l’être d’une relation qui n’aurait jamais dû en arriver là.

Les présidents Abdelmadjid Tebboune et Emmanuel Macron ont entamé depuis 2020 d’ouvrir une nouvelle page, en commençant par l’aplatissement du contentieux mémoriel, mais ils ont buté sur la complexité des dossiers et l’action néfaste de ceux qui ne voulaient pas d’un tel rapprochement.

Depuis bientôt cinq ans, les griefs n’ont pas manqué de part et d’autre et l’Algérie a dû rappeler son ambassadeur à Paris à trois reprises.

La montée dans la société française et dans les urnes du courant extrémiste a fini par déteindre fatalement sur la relation avec l’Algérie, qui ne relève plus de la diplomatie mais à bien des égards de la politique intérieure de la France.

L’opposition au rapprochement avec l’Algérie est un refus de principe des nostalgiques de l’Algérie française qui ont mis la pression sur le président Macron avant son accession à l’Élysée, lorsque, candidat, il a qualifié à Alger le colonialisme de crime contre l’humanité. Dans ce dossier mémoriel, la politique du "en même temps" d’Emmannuel Macron a montré ses limites.

Ses gestes au "goutte à goutte« et limitant la responsabilité dans les exactions coloniales à un certain niveau de la chaîne de commandement, n’ont pas été accueillis avec enthousiasme à Alger. En France, l’extrême-droite n’a jamais lâché la pression pour l’empêcher d’aller plus loin dans ce qu’elle appelle la »repentance".

C’est cette pression du courant extrémiste, qui lui reprochait de céder à l’Algérie sans contrepartie, qui a poussé le président français à son premier grand faux pas dans la relation avec l’Algérie.

En septembre 2021, il a attaqué frontalement le pouvoir algérien, accusé de vivre de "la rente mémorielle" et remis en cause l’existence de l’Algérie en tant que nation avant sa colonisation par la France. Simultanément, la France a décrété la réduction des quotas de visas pour les trois pays du Maghreb, dont l’Algérie.

Algérie – France : les extrémistes poussent au point de non-retour

La crise ainsi déclenchée a duré plusieurs mois, avant le réchauffement prometteur de 2022, ponctué par une visite "très réussie" du président Macron en Algérie en août de la même année.

L’affaire Amira Bouraoui, du nom de l’activiste algérienne qui a quitté illégalement l’Algérie vers la Tunisie en février 2023, avant de regagner la France, avait donné lieu à une autre brouille entre les deux capitales, toutefois vite dépassée. L’Algérie a accusé les services français de l’avoir exfiltré.

La crise en cours est bien plus compliquée. Elle est déclenchée par la décision du président français, en juillet dernier, de s’aligner complètement sur les thèses marocaines dans le dossier du Sahara occidental.

Ce revirement de la France est aussi l’aboutissement de la pression de l’extrême-droite pro-marocaine pour le "rééquilibrage" de la politique maghrébine de Paris alors que la relation franco-marocaine était au plus mal.

Quelques semaines avant cet épisode, la France s’est dotée d’un nouveau gouvernement dont certains membres sont hostiles à l’Algérie, comme le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau qui, dès sa prise de fonction, a promis d’aller au bras de fer avec l’Algérie sur la question des laissez-passer consulaires.

L’immigration clandestine, et précisément la question des reconduites aux frontières, constitue l’un des points sur lesquels bute la relation bilatérale ces dernières années.

Le courant extrémiste a fait de l’abrogation de l’accord sur l’immigration de 1968, une obsession. L’idée est de Xavier Driencourt, deux fois ambassadeur à Alger, qui a soutenu en mai 2023 que son pays doit franchir ce pas quitte à aller vers la rupture des relations diplomatiques.

La relation économique ne se porte pas mieux. Avant même les crises de ces dernières années, le poids des entreprises françaises en Algérie a reculé au profit d’opérateurs d’autres pays, turcs et chinois notamment. En novembre dernier, une rumeur a couru à Alger quant au blocage du commerce extérieur avec la France, toutefois vite démentie.

Des extrémistes des deux côtés et panne des réseaux

C’est dans un tel contexte déjà délétère qu’est survenue l’affaire Boualem Sansal. Une affaire très délicate qui appelle de la mesure et de la retenue, mais qui est mise à profit pour jeter de l’huile sur le feu.

L’écrivain franco-algérien a commis un dérapage qui ne passe pas en Algérie en soutenant que le colonialisme français a amputé le Maroc d’une partie de son territoire pour l’octroyer à l’Algérie.

Son arrestation en Algérie est néanmoins très mal accueillie en France. Si les deux  gouvernements font jusque-là preuve de prudence en évitant autant que possible de l’évoquer publiquement, les voix extrêmes y voient une aubaine pour aller au point de non-retour.

C’est dans ce sens que vont les propos entendus ces deux dernières semaines que ce soit au Parlement européen ou sur les plateaux et réseaux sociaux français, émanant des mêmes va-t-en-guerre.

Si la France a son extrême-droite et une partie de la droite qui  affichent publiquement son hostilité à l’Algérie pour différentes raisons économiques ou historiques, de l’autre côté de la Méditerranée, il y aussi ceux qui poussent à la rupture. Ils sont certes moins bruyants que leurs vis-à-vis français, mais ils existent et sont puissants et influents. L’affaire Sansal a dévoilé l’ampleur du poids, de chaque côté, des blocs hostiles de part et d’autre de la Méditerranée.

Il y a aujourd’hui plus de démolisseurs de ponts et de liens que de bâtisseurs, au moment où les réseaux entre les deux pays sont en panne, parce qu’ils n’ont pas été renouvelés. Ce vide a laissé la place aux extrémistes.

En Algérie, ceux qui affichent leur hostilité à des relations profondes avec la France comme les islamistes ou une frange importante de nationalistes sont souvent en première ligne pour défendre l’arabisation pour chasser le français des écoles et des universités ainsi que le rapprochement avec d’autres puissances économiques et politiques, comme la Turquie et même la Chine.

Le 8 avril 2021, quelques jours avant la réunion du Comité ministériel mixte de haut niveau, le ministre du Travail El Hachemi Djaaboub qui est issu du courant islamiste, a qualifié la France d’ « ennemi traditionnel et éternel » de l’Algérie. Une déclaration qui a suscité un tollé en France. Même le président Emmanuel Macron avait réagi en la qualifiant d’ « inacceptable ».

Certains spécialistes en France qui se vantent de connaître le système algérien ont longtemps négligé ou continuent à le faire par méconnaissance, l’existence d’une « extrême-droite »  algérienne qui, pour des raisons culturelles et historiques, pousse vers la rupture.

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