Les relations entre l’Algérie et l’Italie sont au top. C’est le moins que l’on puisse dire avec cette deuxième visite qu’effectue à Alger, en seulement trois mois, le Premier ministre italien.
Le 11 avril dernier, Mario Draghi s’est rendu en Algérie pour la signature d’un contrat gazier entre Sonatrach et ENI et il y revient en cette mi-juillet pour co-présider avec le président Abdelmadjid Tebboune le quatrième de sommet entre les gouvernements des deux pays. Cette fois, Draghi est accompagné par une importante délégation ministérielle.
Au cours de son tête-à-tête avec M. Tebboune et lors des travaux du sommet, il a été question de gaz, mais aussi de l’extension de la coopération dans divers domaines et des dossiers régionaux.
Les entretiens ont été marqués par « une grande convergence de vues concernant les questions bilatérales et d’intérêt commun, notamment au niveau de la région du Maghreb », a déclaré le président Tebboune à la presse à l’issue de sa rencontre avec son hôte italien.
D’importants accords ont été signés entre l’Algérie et l’Italie dans plusieurs domaines, outre la Déclaration conjointe qui “instituera une nouvelle étape dans la coopération bilatérale de plus en plus efficace et dessine les contours des relations entre deux pays, soucieux de consolider leurs liens historiques profonds”, a ajouté le chef de l’État.
Cette visite « se veut un pas de plus vers l’établissement de relations stratégiques », a-t-il indiqué.
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Un accord de 4 milliards de dollars
L’accord le plus important sera signé ce mardi. D’un montant de 4 milliards de dollars, il sera conclu avec les compagnies Occidental, ENI et Total et « permettra d’alimenter l’Italie en très grandes quantités de gaz naturel », a révélé Abdelmadjid Tebboune.
Cet accord s’ajoute à celui signé le 11 avril dernier entre Sonatrach et ENI prévoyant l’utilisation des capacités disponibles sur le gazoduc Transmed pour augmenter les quantités de gaz fournies à l’Italie de 9 milliards de mètres cubes d’ici à 2023-2024.
L’Algérie consolide ainsi son statut de premier fournisseur de l’Italie en gaz et concrétise sa décision de « moduler » ses relations envers ce pays du sud de l’Europe au lendemain du déclenchement de la crise avec l’Espagne la mi-mars dernier.
Depuis, autant les relations de l’Algérie avec l’Espagne se dégradent, autant celles avec l’Italie se raffermissent.
Alors qu’elle est solide premier fournisseur de l’Italie en gaz, l’Algérie a reculé au troisième rang des fournisseurs de l’Espagne, surclassée en juin dernier par la Russie, et début 2020 par les États-Unis.
Les relations algéro-italiennes sont historiques et ont toujours été bonnes. Mais le niveau d’excellence qu’elles ont atteint ces derniers mois, elles le doivent en partie à la maladresse du président du gouvernement espagnol Pedro Sanchez et surtout à la conjoncture internationale.
Au moment où toute l’Europe s’inquiète pour son approvisionnement en gaz et cherche des alternatives aux flux russes, l’Italie a moins de soucis grâce à ses bonnes relations avec l’Algérie.
Le 25 mars, soit une semaine après le revirement espagnol sur la question du Sahara occidental, une source algérienne avait prévenu que l’Algérie « modulera ses relations en direction de certains partenaires de l’Europe du sud qui ont investi en Algérie et qui entretiennent d’excellentes relations traditionnelles avec notre pays », précisant que l’Italie est un pays qualifié « pour devenir le hub gazier dans la région eu égard à la capacité du gazoduc Enrico Mattei et à la demande et la disponibilité affichées par les opérateurs de ce pays ami ».
L’investissement, un critère important
Comme l’a souligné cette source, l’Italie n’a pas seulement des relations historiques avec l’Algérie, elle a surtout investi dans le secteur énergétique local, contrairement à d’autres pays de l’Europe qui sollicitent aussi plus de gaz algérien.
Et c’est un critère important dans la nouvelle orientation des autorités politiques algériennes.
Interrogé en juin dernier par le journal allemand Der Spiegel sur la possibilité de voir l’Algérie fournir plus de gaz à l’Allemagne comme elle le fait avec l’Italie, le ministre de l’Énergie Mohamed Arkab a eu cette réponse : « Si l’Allemagne veut nous acheter du gaz, alors ouvrez de nouveaux gisements avec nous. Comme les Italiens avec le groupe ENI (…) Nous espérons que les Européens ne changeront pas de cap et ne nous laisseront pas seuls avec les investissements. »
Outre la proximité géographique, la conjoncture internationale et la brouille algéro-espagnole, l’Italie cueille aussi les fruits de la constance de sa politique vis-à-vis de l’Algérie. Et elle pourrait avoir plus que du gaz, à en croire les déclarations faites à l’occasion du sommet de ce 18 juillet.
L’Algérie se propose de devenir un fournisseur de l’Europe en électricité. « Je tiens à réaffirmer à mon ami le président du Conseil des ministres italien, M. Draghi, ce que nous avions proposé en Italie, à savoir être l’un des fournisseurs de l’Europe en énergies électrique, solaire et conventionnelle », a déclaré le président Tebboune.
En contrepartie, l’Algérie attend beaucoup de l’Italie pour le transfert de technologie et la diversification de son économie.
« C’est le moment de définir une politique industrielle mixte avec l’Italie. Non pas d’échanger du pétrole et du gaz contre quelques industries, mais carrément imbriquer un peu plus les deux pays (…) l’Italie est un pays dont l’industrie est solide et qui a beaucoup à nous apporter dans l’indépendance industrielle et la capacité de bien exploiter nos ressources naturelles », a estimé dans un entretien à TSA en avril dernier l’ancien gouverneur de la Banque d’Algérie, Abderrahmane Hadj Nacer.
Un forum d’affaires algéro-italien interviendra après la promulgation de la nouvelle loi sur l’investissement, a annoncé le chef de l’État ce lundi. Le gaz a tracé la voie, il appartient aux opérateurs des autres secteurs de la suivre.