Économie

Algérie : la moisson du blé du Sahara s’annonce record en 2024

L’Algérie, qui fait partie des plus grands consommateurs et importateurs de céréales au monde, déploie d’importants moyens logistiques pour la récolte du blé qui a été semé dans les terres sableuses du Sahara. Cette année, la moisson s’annonce record dans les vastes régions du sud algérien. « Il y a une bonne récolte », a indiqué à TSA un responsable au ministère de l’Agriculture.

Après Adrar, Timimoun, El Menia et Ouargla, une nouvelle colonne de camions de l’Office algérien des céréales (OAIC) se dirige vers Khenchela dans les Aurès. Des camions bennes qui doivent servir à la récolte du blé dans cette région qui mise sur l’irrigation des céréales.

Composé de 120 camions, le convoi est impressionnant. Un conducteur de camion qui croise le convoi en question énumère leur origine à partir de la lecture de leur plaque d’immatriculation : Constantine, Sétif, Constantine, Souk Ahras, Oued Souf, Constantine à nouveau. Certains arborent l’emblème national à l’avant ou au-dessus de la cabine du chauffeur.

Récolte du blé en Algérie : des images aériennes impressionnantes

Ils traversent la région des Nemenchas au sud de Khenchela, un paysage steppique où ne subsistent que quelques rares touffes d’herbes sèches épargnées par les troupeaux de moutons.

La région tire son nom des monts Nememchas au sud de la wilaya de Khenchela et jouxte la frontière tunisienne. Elle se situe à seulement 360 km du golfe de Gabès en Tunisie et 500 km d’Alger.

C’est cette zone de piémonts adossée à l’Atlas saharien qui intéresse les investisseurs. Une étendue steppique plate dont les alluvions ont permis la formation de nappes d’eau superficielles et d’autres plus profondes.

Des nappes régulièrement alimentées par les crues des oueds en provenance de l’Atlas où la pluviométrie peut atteindre 350 à 450 mm. Une eau qui, quand elle ne se perd pas dans le Chott Melghir, s’infiltre et nourrit les nappes peu profondes dans une zone où la steppe reçoit moins de 200 mm de pluie.

Le sud de la région bénéficie également de la nappe du continental terminal (CT).

C’est vers ces étendues plates aujourd’hui mises en valeur que le convoi se dirige le long d’une route bordée de hauts pylônes électriques.

C’est le groupe public de BTP Cosider qui depuis 2018 a engagé les premiers travaux de mise en valeur à grande échelle. Une entreprise alors dirigée par Lakhdar Rekhroukh, actuel ministre des Travaux publics.

Dans les Nemenchas, Cosider Agrico a reçu pour mission de mettre en valeur une concession de plus de 8.000 hectares et s’est immédiatement attelé à l’œuvre avec l’édification d’infrastructures d’accueil, du forage de 40 puits, de 7 stations de pompage, de plusieurs bassins de 20.000 m3 chacun et de l’installation des 40 pivots prévus dans le projet. Des pivots de 40 hectares chacun.

Comme l’affirme le groupe sur son site Internet : « La mise en valeur des terres est considérée comme un métier se rapprochant de celui traditionnel dès lors que leur trait d’union reste les moyens matériels indispensables au travail de la terre ». Or du matériel de travaux publics, « l’entreprise en dispose à profusion ».

Culture du blé dans le Sahara : l’expérience de Cosider

Après une première phase de tâtonnements, comme le note Cosider, la campagne 2020-2021 a été « celle de la confirmation de la maîtrise des techniques culturales. Elle a permis la production de plus de 20.000 quintaux de semences certifiées avec une meilleure maîtrise des rendements ».

C’est cette production de blé et celles d’investisseurs privés que sont venus chercher les 120 camions du convoi de l’Office algérien des céréales.

Au vu des performances de Cosider, la Coopérative de céréales et de légumes secs (CCLS) de Khenchela a conclu un contrat pour consacrer la totalité de ses parcelles à la production des semences et ainsi approvisionner les wilayas environnantes.

Près des silos en dur de la CCLS, Saïd Tamène, le directeur des services agricoles de Khenchela, confie à la Télévision algérienne que « tous les moyens ont été réunis pour assurer le bon déroulement de la moisson dont des engins de récolte et trois points de collecte ».

« C’est vers les silos de Remila que les dizaines de milliers de quintaux de futures semences sont dirigées tandis que le blé de consommation est dirigé vers ceux de Beguega », a-t-il ajouté.

Dans un champ circulaire, quatre moissonneuses-batteuses se suivent. Une fois leur trémie pleine, elles retournent en bordure de champs où attendent deux camions.

Filmés en vue aérienne par les drones de la Télévision algérienne, ces engins s’approchent tels de gros insectes maladroits et se positionnent de part et d’autre des camions puis enclenchent la vis sans fin de leur trémie et déversent leurs grains.

Au lieu-dit Rouid Sidi Nadji, un jeune investisseur confie : « On moissonne et on livre aux silos. Il y a une bonne récolte, on atteint un rendement de 50 quintaux de blé à l’hectare grâce à notre travail et à l’aide de l’État ».

Cinquante quintaux de blé, un rendement honorable comparé à la culture en sec, mais insuffisant en culture irriguée.

La problématique de la recharge des nappes

Lors de son passage à la Foire de la production nationale d’Alger en décembre 2022, le président Abdelmadjid Tebboune avait demandé que les investisseurs céréaliers soient plus ambitieux.

« Pour un exploitant des terres dans l’extrême sud, il dit avec fierté qu’il réalise un rendement de 50 quintaux à l’hectare. Mais ces 50 quintaux, c’est l’équivalent de 18 quintaux dans les Hauts-Plateaux. Dans le sud, avec l’eau et le soleil, celui qui fait moins de 70 quintaux à l’hectare, il est en train de perdre son temps », a-t-il dit.

C’est la mission que se sont donnée les services agricoles en approvisionnant les investisseurs en semences certifiées visés par les services du Centre national de contrôle et certification des semences et plants.

L’Institut technique des grandes cultures ainsi que des entreprises privées poursuivent leurs essais afin de sélectionner les variétés les plus productives.

Quant aux investisseurs, à eux de mettre en œuvre les programmes de fertilisation et les rotations adéquates à cet environnement aride aux sols pauvres.

Des sols qui peuvent être enrichis par des apports de paille mais celle-ci est le plus souvent entièrement exportée hors des parcelles pour les besoins de l’élevage.

Les ressources en eau de la région ont fait l’objet de multiples études. En 2013, une étude de l’université d’Annaba sur la recharge des nappes aquifères par les pluies conclut que « cette recharge, même si elle est limitée, existe souvent dans ces régions arides où l’irrégularité du climat peut provoquer certaines années quelques événements pluvieux exceptionnels ».

L’Algérie, premier producteur de blé au Maghreb en 2024

À l’époque, le volume annuel prélevé dans les nappes était de 34 millions de m3 et il était observé que « la recharge actuelle peut se réaliser lors de certaines conditions climatiques (des précipitations exceptionnelles) et infiltration à partir de la flexure sud atlasique. La baisse du niveau piézométrique que subit cet aquifère est inquiétante, une sensibilisation des paysans et un système de surveillance doivent être effectués ».

L’analyse de la nature isotopique des molécules d’eau réalisée en 2018 par l’université de Khenchela indique que « les eaux du massif des Aurès et les eaux du bassin sédimentaire du complexe terminale a montré que l’origine des eaux est différente : dans le premier groupe l’alimentation est assurée par les eaux de pluie récentes sans fractionnement isotopique et dans le second groupe, il s’agit d’eau ancienne qui n’a subi aucun renouvellement. »

Des conclusions qui justifient la mise en place d’un système de surveillance des nappes tel que suggéré par les universitaires mais également les moyens de recharge artificielle des nappes à partir des crues d’oueds à chaque fois que la nature du terrain le permet.

Selon le Département d’État américain de l’agriculture, l’Algérie devrait devenir le premier producteur de blé au Maghreb en 2024, avec un volume de trois millions de tonnes. L’Algérie importe annuellement près de 8 millions de tonnes de céréales pour subvenir à ses besoins.

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