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Algérie : le Bac à tout prix et obsession de la fraude

Algérie : le Bac à tout prix et obsession de la fraude

Les épreuves du Bac 2023 en Algérie ne sont pas terminées et une trentaine de personnes est déjà condamnée à des peines de prison ferme pour tentative de triche.

Cet aspect ainsi que les coupures d’Internet qui pénalisent de nombreuses entreprises éclipsent, hélas, tous les autres, y compris la réforme évoquée régulièrement mais jamais entamée.

Depuis quelques années, l’Algérie est obnubilée par la fraude à l’examen le plus important du cursus scolaire. Les coupures d’Internet pendant les cinq jours que durent les épreuves, le renforcement du dispositif de surveillance, les condamnations judiciaires et le tapage médiatique autour de la triche et ses conséquences, rythment la vie du pays à l’approche et pendant le Bac.

Y a-t-il de l’exagération dans cette obsession anti-fraude ? Sans doute, d’autant plus que le « risque zéro » n’existe nulle part, mais la nature même de l’examen, si elle ne justifie pas cet excès de précaution, le rend du moins compréhensible.

Le Bac en Algérie est un examen couperet qui détermine l’avenir des élèves. Le réussir c’est s’ouvrir des horizons illimités. L’échec, en revanche, stoppe net le parcours de l’élève et rend presque inutiles 12 années de scolarisation. Pour faire plus simple, le Bac en Algérie est quasiment l’unique porte d’entrée à l’université.

Il s’agit d’une première grande sélection des futurs cadres de l’Etat et de l’économie et le gouvernement a la responsabilité de sauvegarder la crédibilité du diplôme en usant de tous les outils que lui confère la loi.

Les élèves et leurs parents, eux, sont obsédés par les « notes », seuls critères qui déterminent la réussite, d’où ces risques insensés que certains continuent à prendre malgré la main lourde de la justice qui frappe depuis quelques années tricheurs et complices.

Au dernier examen du Brevet de l’enseignement moyen (BEM), une mère de famille de Tipaza a écopé d’une année de prison, ainsi que sa fille à laquelle elle a tenté de faire parvenir le corrigé d’une épreuve via les réseaux sociaux.

Au deuxième jour du Bac 2023, c’est une jeune fille qui s’est retrouvée derrière les barreaux pour avoir tenté de passer les épreuves à la place de sa sœur.

La trentaine de personnes condamnées avant même la fin des épreuves, c’est autant de vies et de familles détruites. Peut-on raisonnablement aller jusque-là pour un diplôme scolaire ?

Malgré la sévérité des sentences et leur forte médiatisation, il n’est pas exclu que d’autres élèves soient pris en flagrant délit, d’autres parents soient traînés devant les tribunaux, pendant les épreuves qui restent de la session de cette année et celles à venir.

La réforme du Bac en Algérie devient une nécessité

La persistance de la fraude renseigne d’abord sur l’inutilité de la mesure extrême de coupure d’Internet.

Les nouvelles technologies peuvent constituer un outil de triche, mais seulement un outil supplémentaire. La fraude aux examens scolaires a toujours existé par d’autres moyens et la fuite massive des sujets la plus mémorable de l’histoire du pays a eu lieu à un moment où ni Internet ni le téléphone portable n’existaient, précisément en 1992.

Tous ces cas de fraude qui continuent à être décelés révèlent les limites de l’approche répressive qui elle-même, par les mesures extrêmes prises chaque année, risque de produire le contraire de l’effet escompté.

Si les élèves algériens sont à ce point « tricheurs », c’est leur diplôme qui est dévalorisé aux yeux des universités et sociétés en Algérie et à l’étranger. Aujourd’hui, les recruteurs dans les entreprises ne regardent pas les bulletins scolaires des candidats pour recruter.

« Les notes obtenues par le candidat à un poste d’emploi durant son parcours scolaire comptent très peu dans le choix. D’autres critères sont pris en compte », assure le directeur des ressources humaines d’un groupe privé.

En outre, vouloir obtenir à tout prix le Bac, même en trichant, ne garantit pas le succès du parcours universitaire et n’ouvre pas forcément les portes d’une carrière professionnelle de qualité. De nombreux diplômés universitaires se retrouvent au chômage faute de débouchés sur le marché du travail.

Tout cela devrait inciter à ouvrir le chantier de la réforme du Bac, de sorte à en faire un élément parmi d’autres d’évaluation des élèves et non, comme il est actuellement, l’unique examen qui détermine aux yeus des Algériens la réussite ou l’échec.

Il y a en effet quelque chose d’injuste dans la formule actuelle, en ce sens qu’un élève peut être assidu et appliqué pendant 12 ans et ne pas aller à l’université ou faire la spécialité de son choix pour une mauvaise note obtenue à une épreuve du Bac.

Des modèles autres que celui de la France existent et il appartient aux spécialistes d’émettre des propositions dans le cadre d’un débat serein.

Chaque année, tout ce qui se rapporte à propos du Bac, ces condamnations judiciaires, le stress des élèves et des parents et les risques que prennent certains d’entre eux, rendent davantage nécessaire la réforme de l’examen.

Une réforme qui doit prendre en compte la formation professionnelle pour les élèves qui échouent au Bac ou qui ne veulent pas poursuivre des études universitaires.

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