Fin mai, dans la rade d’Alger, des bateaux chargés de blé attendent un hypothétique déchargement. Les silos de l’Office algérien interprofessionnel des céréales (OAIC) sont déjà pleins et en région, la moisson en cours amène un flot continu de grains.
Face à cette situation devenue un véritable casse-tête, les autorités ont lancé un nouveau plan d’augmentation des capacités de stockage.
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OAIC, collecter le maximum de céréales locales
Actuellement, les Coopératives des Céréales et de Légumes Secs (CCLS) réceptionnent la production locale. Or, cette année, deux événements entraînent une augmentation de la collecte : la multiplication des points de réception avec pont bascule et la récente augmentation des prix à la production.
Des prix qui étaient gelés depuis 2008 et dont la hausse a provoqué l’affluence des producteurs.
Afin de collecter plus d’orge, cette année, les frais de récolte et de transport sont à la charge des coopératives étatiques. Résultat : des capacités de stockage à la limite de la saturation.
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Multiplication des achats de blé
La crise ukrainienne a poussé l’Algérie à multiplier les achats de sécurité sur le marché international. Ces achats qui visent à assurer des stocks de sécurité, se sont traduits par une augmentation du trafic portuaire.
Fin mai, on dénombrait une vingtaine de cargos en attente de déchargement dans les différents ports d’Algérie. En 2015, dans le port d’Alger, le retard de déchargement de 6 bateaux céréaliers avait été estimé à 750 000 dollars.
Au niveau des zones céréalières, les CCLS ont parfois dû recourir au stockage en plein air des céréales locales les recouvrant d’une simple bâche.
Face à la situation, début juillet, lors du conseil des ministres, le président Tebboune a insisté sur « le renforcement des capacités de stockage des céréales au niveau national, notamment dans les wilayas réalisant de grands rendements et l’interdiction du stockage dans les lieux non couverts, en vue d’augmenter les réserves nationales stratégiques de céréales. »
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Réquisition de locaux de stockage
Suite à l’engorgement des silos de l’OAIC, le quotidien El Watan a révélé fin juin que le ministère de l’Intérieur avait demandé aux walis « de résoudre, et dans l’urgence, ce problème pour éviter des factures de surestarie salées ».
Traditionnellement, les CCLS font appel aux capacités de stockage des minoteries, mais cela ne suffit plus.
Aussi, des silos appartenant à des entreprises privées ont été réquisitionnés : « Sur le plan juridique, cette réquisition est effectuée en contrepartie d’un bail de location entre le propriétaire et les CCLS. » C’est ainsi qu’à Annaba, les autorités ont décidé de réquisitionner les silos du groupe Amor Benamor. Des silos d’une capacité de 450 000 quintaux.
En mai 2019, le quotidien Le Soir d’Algérie rapportait le cas d’Aïn Defla. Dans cette wilaya, les services agricoles estimaient la production locale à 2 millions de quintaux dont un peu plus de la moitié devait être collectée par la CCLS.
Celle-ci ne disposant seulement d’une capacité de stockage de 480 000 quintaux, il était prévu de « recourir à la location de magasins ou à des réquisitions de locaux situés sur le territoire de 10 communes. »
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Retard dans la construction de silos
Pourtant, ces dernières années, les capacités de stockage de céréales en Algérie n’ont pas cessé d’augmenter : 3,1 millions de tonnes (Mt) en 2018, 3,5 Mt en 2020 et 4,4 Mt en 2022.
A la mi-janvier, lors de questions orales à l’Assemblée populaire nationale, le ministre de l’Agriculture et du Développement rural indiquait qu’un programme de réalisation de 30 silos de stockage était en cours. Le ministre avait ajouté que « tous les moyens sont disponibles pour leur réalisation avec des capacités nationales, sans recourir à l’expertise et aux fonds étrangers. »
Les réalisations des quelques constructeurs locaux ne concernent que des équipements de faible ou moyenne capacité tournés vers l’alimentation du bétail. C’est le cas des établissements Bekaï et Mecafa. Ce dernier a récemment installé à Aïn-Oussera des cellules métalliques pour le stockage de 2 000 tonnes de céréales. Nul doute que des potentialités existent.
Ventilation et logistique des céréales
La logistique des céréales demande des moyens spécifiques. En plus des silos en béton ou métalliques, l’OAIC utilise le stockage à plat. Cette pratique nécessite l’utilisation de gaines perforées permettant de pulser de l’air froid afin d’abaisser la masse de grains et de ralentir la prolifération des charançons du grain. Or, ces équipements sont absents.
Par ailleurs, décharger des navires chargés de 30 000 tonnes de grains nécessite jusqu’à 1 200 rotations pour des camions de 25 tonnes. Or, au niveau des ports, l’équipement pour le déchargement des cargaisons est disparate ; tous ne disposent pas assez de suceuses à grains ou de boisseaux de chargement permettant d’accélérer les opérations.
Stocker et manipuler des céréales ne s’improvise pas, c’est dire combien les récentes directives en la matière sont salutaires.