Économie

Algérie : le pays du raisin où la culture de la vigne revient de loin

En 1971 en Algérie, face à la mévente du vin produit localement, les autorités décident d’arracher les vignes plantées durant la colonisation.

Aujourd’hui à nouveau, le raisin a le vent en poupe. Partout, depuis Médéa à El Tarf en passant par Boumerdès, les vignes gagnent du terrain en Algérie. Fallait-il arracher le vignoble ?

À l’ombre des arbres bordant la route menant à la commune de Besbes dans la wilaya d’El Tarf, des agriculteurs ont installé un point de vente.

Au sol, des cageots de raisin rouge ou blanc aux grains charnus et sucrés sont étalés.

Depuis l’un des cageots, un des revendeurs prend une grappe de raisin et la soupèse. Face à la caméra de la Télévision Algérienne, il confie : « Elle fait un kilo. C’est du muscat ».

Dans cette commune de l’extrême est de l’Algérie, ce sont plus de 600 hectares de vigne qui ont été plantés ces dernières années.

C’est le cas d’exploitations à Taroussa dont cette ferme moderne de 30 hectares dont une partie des vignes sont menées en pergola, sous forme de treilles.

L’exploitant explique que la culture de la vigne demande une attention constante et de lourds investissements. 

Devant les écrans et pupitres de contrôle d’une installation de pompage ultra-moderne, un technicien explique que l’irrigation localisée et l’apport d’engrais sont commandés à distance.

Boumerdès, des milliers d’hectares de vignes

À Kharouba dans la wilaya de Boumerdès, la récolte bat son plein. L’exploitant Youcef Nemri, un ingénieur agronome aux cheveux blancs, exploite avec ses fils des oliviers et huit hectares de vignes, dont la variété californienne Red Globe aux grains charnus de couleur rouge et du Muscat Victoria aux grains jaune or.

Il confie à Canal Algérie que s’il a choisi : « la pergola, c’est pour avoir un meilleur rendement que la technique traditionnelle du palissage ».

Il indique atteindre des rendements de 150 quintaux par hectare en Red Globe et 80 avec le Muscat.

 Près des vignes chargées de lourdes grappes, Mohamed Yazid témoigne : « Notre père nous a tout appris ». 

Des tuyaux d’irrigation localisée sont fixés aux ceps. Pour produire autant, les vignes ont besoin d’être irriguées, aussi ont-ils construit une retenue collinaire de 10.000 m³. Une retenue devenue un paradis pour des poules d’eau qui s’ébattent sur le plan d’eau.

Aujourd’hui la wilaya de Boumerdès revendique 17.000 hectares de vigne qui produisent 4,5 millions de quintaux et qui procure de nombreux emplois dans cette région située aux portes d’Alger.

Toufik Kheil président du cluster fruits et légumes rêve d’exportation. À l’image du Pérou qui, du fait des saisons inversées dans l’hémisphère sud, exporte sa production de Red Globe en plein hiver vers l’Europe. 

Ce professionnel confie à Canal Algérie que l’exportation a ses exigences comme : « dédier des terres agricoles pour l’exportation pour arriver à une stabilité des quantités produites ».

 En effet, on ne peut gagner des marchés à l’exportation et les conserver que « lorsque que soient les fluctuations du marché local, il sera toujours possible de fournir son client étranger » explique-t-il.

Les fluctuations de production, les agriculteurs de Boumerdès connaissent bien la question.

En 2023, quelques jours de sirocco ont suffi pour que ce vent chaud ne dessèche les feuilles des vignes et les grappes de raisin, réduisant à néant tout espoir de récolte.

 Une récolte dont la vente devait permettre de rembourser l’achat à crédit d’engrais et de produits phytosanitaires.

Nationalisation du pétrole et raisin de cuve

En Algérie, le vignoble revient de loin. En 1970, il comptait 285.000 hectares.

 Principalement du raisin de cuve qui produisait 8 millions d’hectolitres de vin par an.

 Des chiffres déjà en diminution par rapport à 1962. À l’époque, le vignoble comptait 360.000 hectares ce qui permettait de produire 18 millions d’hectolitres de vin principalement exporté vers la France. 

Un acheteur français en position de force qui utilisait le vin algérien pour relever le degré d’alcool des vins français.

Au début des années 1970, la nationalisation des hydrocarbures est à l’origine d’une crise entre la France et l’Algérie.

En France, le pétrole algérien est même qualifié de « rouge ». Ce à quoi, le président Boumediène, répondra lors d’un discours : « Si ce pétrole est rouge, il l’est du sang des martyrs de la guerre de libération nationale ».

Face à la difficulté de trouver de nouveaux acheteurs du vin algérien sur le marché international, cette crise se traduira par l’arrachage du raisin de cuve. 

En 2024, sa culture reste cependant présente notamment à l’ouest du pays. Une région où à l’ex-Rio-Salado et à Aïn-Kial la vigne a autrefois prospéré.

Aujourd’hui, les volumes produits sont modestes, mais comme pour l’huile d’olive, le vin algérien est apprécié à l’international.

Cette renommée, le vignoble local le doit à des entreprises tels les Grands Crus de l’Ouest (GCO) qui ont repris plusieurs chais et ont embauché des spécialistes. Aujourd’hui, GCO met sur le marché international des cuvées prestigieuses.

Ainsi, se poursuit en Algérie, une tradition de culture de la vigne dont témoignent les mosaïques romaines trouvées à Cherchell et à Tébessa.

Aujourd’hui, à la culture du raisin de cuve s’est substitué celle du raisin de table. Le succès actuel de ces plantations démontre que l’Algérie reste le pays du raisin.

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