Économie

Algérie, le renouveau de la clémentine

Fruits star de la saison, les mandarines sont de retour sur les marchés d’Algérie. À nouveau le plaisir de découvrir son arôme par le simple fait d’éplucher ce fruit puis de découvrir des quartiers délicats et sans pépins.

Parmi les mandarines les plus délicieuses et les plus recherchées figure la clémentine, un fruit né en Algérie et aujourd’hui cultivé jusqu’en Californie et en Corse. Un fruit aux nombreux bienfaits. Retour aux années 1900 à Misserghine (Oran).

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Les gamins de Misserghine premiers amateurs de clémentine

On attribue au père Clément la découverte, en 1902, de la clémentine dans le verger de l’orphelinat de Misserghine près d’Oran, dans l’ouest algérien. Son attention aurait été attirée par le manège des gamins de l’orphelinat : ils avaient une préférence pour un arbre dont ils se régalaient des fruits.

Intrigué, il s’aperçut qu’il s’agissait de fruits issus de l’union fortuite d’une fleur de mandarinier et d’oranger. Cette hypothèse fut confirmée bien plus tard par les outils de la biologie moléculaire. Comme le note le spécialiste Luro François : “l’intrus fut découvert : l’oranger est le parent mâle du clémentinier !“.

Abd-Allatif (1200), ces espèces se combinent les unes avec les autres

C’est le botaniste Louis Trabut, alors président de la Société d’horticulture d’Algérie, qui donna à cette nouvelle obtention le nom de Clémentine. La clémentine n’existe pas à l’état sauvage ; l’absence de pépins ne lui permet pas de se reproduire naturellement. Elle ne doit sa survie et sa propagation qu’à la main de l’Homme à travers les techniques de bouturage et de greffage.

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Louis Trabut rappelle qu’un des premiers savants qui ait tenté d’expliquer la formidable variabilité des Citrus par l’hypothèse des croisements est Abd-Allatif. Dans sa description de l’Égypte (1200), celui-ci notait : « Ces espèces se combinent les unes avec les autres, ce qui produit une quantité infinie de variétés ».

Dès 1925, la clémentine présente aux Halles de Paris

Face à la demande des agriculteurs, la pépinière de Misserghine produit en masse les premiers plants pour l’Oranie. Progressivement dans la Mitidja, de premiers orangers sont surgreffés en clémentine. Et dès 1925, la Coopérative des agrumes de Boufarik exporte vers les Halles de Paris les premières cargaisons. Le succès est immédiat. “La Mandarine est cotée à 55 francs les 100 kg ; la Clémentine atteint 206 francs les 100 kg“, note alors Louis Trabut.

La clémentine, de nombreux bienfaits pour la santé

C’est que la clémentine possède de nombreux bienfaits et avantages. L’un de ces avantages est la précocité. De novembre à début janvier, il est possible de cueillir des fruits plus doux que les mandarines à l’acidité plus marquée.

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Un autre avantage de la clémentine est l’absence de pépins et son goût particulier. Les agrumes ont en effet la particularité d’accumuler des acides qui sont stockés dans des “sacs à jus très acides“.

L’exemple typique est le citron. Dans le cas de la clémentine, le goût est lié à une certaine dose d’acidité. Une acidité qui est un exhausteur d’arômes comme le note le chercheur Olivier Pailly pour qui “l’équilibre entre acides et sucres est essentiel“.

Équilibre dont les agriculteurs de la Mitidja, de l’Oranie et de Corse savent jouer : subtil choix de plus de 70 variétés de clémentines et savoir-faire local comme irrigation, apport d’engrais ou travail du sol.

La clémentine est également une formidable source de vitamine C. Elle le doit principalement à sa peau, qui bien que fine et facile à éplucher, la protège d’une dégradation naturelle. Une vitamine C essentielle à l’organisme pour ses propriétés antioxydantes.

Renouveau des plantations de clémentines en Algérie

Rien n’est plus agréable pour l’ingénieur agronome Mohamed Mayouf de la société Agro-consulting international (ACI) de chausser des bottes et de parcourir les vergers de clémentines de la Mitidja où “el querssa” (l’oxalis) en fleurs pare de jaune les allées enherbées et encore mouillées de rosée.

La culture des clémentines est chez lui une passion qu’il essaye de transmettre par des vidéos aux non-avertis mais surtout par des conseils aux agriculteurs qui le suivent. ACI affiche l’ambition de faire “la promotion et la relance de l’agrumiculture à travers un suivi continu de la conduite du verger en matière de fertilisation et d’irrigation avec un suivi phytosanitaire continu dès la plantation et une assistance personnalisée“.

Des arbres qui produisent déjà au bout de 2 ans

Dès octobre 2015, il mettait en ligne les images de vergers de clémentines comme celui planté en juin 2013 et présentant lors d’une de ses visites des arbres déjà chargés de fruits. Un verger de clémentiniers plantés serrés les uns aux autres mais ne se concurrençant pas car eau et fertilisants sont apportés par les tuyaux de goutte à goutte courants au pied des arbres.

Dans un autre verger à Boufarik, les arbres ont 3 ans d’âge et les branches ploient sous le poids des clémentines. Des branches qui s’entremêlent d’un arbre à l’autre tant est nourricière la terre de la Mitidja.

Chantre du renouveau de la culture des agrumes en Algérie, il ne cesse d’appeler les agriculteurs à utiliser des variétés à maturité différente afin d’assurer une meilleure régularité dans l’approvisionnement du marché local.

Une ombre cependant. La progression du béton en Mitidja souvent visible à travers des habitations se profilant au bout des allées de certains vergers.

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