Économie

Algérie : l’impressionnant succès de la culture de blé dans les sables d’El Oued

La région d’El Oued dans le sud-est de l’Algérie est connue pour l’abondance de sa production de pomme de terre cultivée dans le sable. À cela s’ajoute depuis peu la culture du blé, et là aussi surprise, des rendements exceptionnels avec des pointes à 75 quintaux à l’hectare. Un défi que les services de wilaya souhaitent voir se généraliser.

Après les quantités de blé récoltées à Adrar, El Menia, Timimoun, Ouargla et Illizi, un autre front pionnier se dessine : celui d’El Oued à plus de 600 km au sud-est d’Alger.

C’est la fabrication de pivots rotatifs de petite taille qui a permis le succès de la culture de la pomme de terre dans les sables d’El Oued. Une invention locale due à l’ingéniosité d’artisans algériens.

El Oued, le nouveau bassin céréalier en Algérie

Cependant, dans le cas de la culture du blé, ce sont des rampes pivots qu’utilisent les investisseurs. Des rampes qui permettent d’irriguer des champs d’un seul tenant de 30 hectares et dont la production locale se développe.

Le travail des engins de récolte que filme la Télévision algérienne à Chakchak dans la commune de Ben Guecha n’a rien à voir avec celui des champs clairsemés du nord de l’Algérie.

Comme en Europe, ce sont des champs de blé à la paille haute et aux épis nombreux serrés les uns contre les autres qui sont récoltés. La quantité de paille rejetée à l’arrière des moissonneuses-batteuses témoigne de l’abondante végétation que permet l’irrigation en continue. “Les pivots d’irrigation fonctionnent 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24“, a confié à TSA le président d’une importante coopérative de services locale.

Dans ces champs à l’aspect circulaire si caractéristique, immédiatement après le passage des moissonneuses-batteuses, c’est le tour aux engins de récolte de passer.

Les botteleuses ratissent les lieux et crachent des bottes de paille carrées. Sur les parcelles, celles-ci sont empilées les unes sur les autres par lot de 6 en attendant la venue de remorques agricoles ou de camions de petit tonnage.

Au loin, dans ce paysage où apparaissent des dunes à l’horizon, des poteaux supportant la ligne de raccordement de l’exploitation indiquent son rattachement au réseau électrique.

El Oued : après la pomme de terre, le blé

Pour de nombreuses exploitations agricoles utilisant auparavant des groupes électrogènes pour alimenter les pompes et le fonctionnement des rampes pivots, ce raccordement est accueilli avec joie car il met fin à la corvée d’approvisionnement de carburant et au risque de pannes.

En attendant la venue des camions de la CCLS, les grains récoltés sont temporairement stockés sur une bâche à même le sol. Cette pratique, en cours de disparition, constitue une perte de charge dans la chaine logistique.

Dans toute la région, la récolte du blé bat son plein et les camions de l’Office algérien des céréales (OAIC) chargés de blé affluent à la CCLS d’El Oued.

Bilal Djeridi, un jeune investisseur témoigne fièrement des résultats obtenus : “L’hectare a produit 65 quintaux de blé, voire 70 et plus“. De son côté, Boubakeur Attouss évoque à son tour des rendements de 75 quintaux l’hectare.

Des rendements élevés avec des pointes à plus de 70 quintaux de blé à l’hectare

Hadj Amar, le patriarche dans un vêtement traditionnel d’une blancheur immaculée, témoigne également : “Les techniciens des services agricoles nous ont expliqué comment procédé et nous avons scrupuleusement suivis leurs conseils et c’est ainsi que nous avons atteint des rendements de 70 quintaux”.

Interrogé, Adlene Mouatallah, le directeur des services agricoles de wilaya, confirme que les campagnes de vulgarisation ont donné leurs fruits. Il est arrivé parfois que des investisseurs étrangers à l’agriculture aient toutes les peines à atteindre le seuil de la quarantaine de quintaux permettant de couvrir les frais de culture engagés.

Pour sa part, Saïd Akhrouf, le wali d’El Oued, s’est félicité qu’alors que “la moyenne des rendements oscille entre 40 et 45 quintaux, des rendements de 75 quintaux aient été obtenus. Nous souhaitons que toutes les exploitations arrivent à ce niveau d’autant plus que nous mettons à leur disposition tous les moyens nécessaires“.

La présence de quelques panicules de folle-avoine côtoyant les épis de blé indique que le rendement pourrait être encore amélioré par un meilleur désherbage. Cependant, ces champs drus témoignent d’une végétation abondante et de rendements élevés.

À l’occasion du lancement officiel de la campagne de récolté du blé à El Oued, une tente a été dressée où sont présentés les chiffres des superficies cultivées et des quantités récoltées depuis qu’à Chakchak, des investisseurs se sont mis dans la production des céréales.

L’évolution des courbes de ventes d’engrais est impressionnante. Elle a été multipliée par 6 entre 2021 et 2024, ce qui témoigne de l’augmentation des surfaces cultivées. Cette hausse est liée à l’attribution régulière ces dernières années de concessions agricoles, d’autorisation de forage et de subventions pour l’achat de matériel d’irrigation.

Avec près de 2 millions de quintaux dans le sud et une trentaine au nord, la production locale de blé ne couvrira qu’une partie des besoins de l’Algérie qui devrait produire cette année trois millions de tonnes de blé, selon le Département américain de l’agriculture (USDA).

Les grains récoltés à El Oued comme ceux récoltés plus au sud du pays seront cependant autant de quantités de blé importés en moins et autant de devises épargnées dans un contexte de hausse mondiale des prix du blé. En cause, la baisse des récoltes russe et ukrainienne qui se profile à l’horizon du fait d’un manque de pluies printanières.

Reste à attendre le bilan qui sera établi par les services agricoles. Il apparaît déjà que la part importante de blé dur récoltée par rapport à celle de blé tendre pourrait permettre une prochaine couverture des besoins locaux en cette céréale.

Un tel résultat ne serait pas négligeable dans la mesure où le prix du blé dur est supérieur à celui du blé tendre sur le marché international. Et il arrive que, selon l’évolution des cours mondiaux, le coût d’importation de deux quintaux de blé dur corresponde à celui de trois quintaux de blé tendre. Ce dernier permet la confection de pain à prix subventionné.

Reste à assurer une durabilité de cette agriculture saharienne si différente de l’agriculture oasienne traditionnelle. Les défis concernent la disponibilité en eau, la fertilité des sols et le coût de ce type de culture.

Agriculture saharienne : immenses défis techniques pour l’Algérie

Concernant l’eau, si les quantités d’eau des nappes souterraines sont estimées entre 30 et 50 milliards de m3, le bon sens voudrait que soient utilisées des sondes mesurant l’humidité du sol au cours de l’arrosage et que soient engagées des opérations de recharge artificielle des nappes afin d’éviter que les crues des oueds sahariens continuent de se déverser dans les Chotts et s’évaporent sous l’effet de l’extrême chaleur de ces régions arides.

En la matière, les services de l’hydraulique algériens ont montré leur savoir-faire dans la Mitidja ou à Tamanrasset avec l’édification de barrages à inféro-flux. Quant à la fertilité des sols sahariens, elle ne peut être améliorée tant soit peu du fait de l’exportation systématique des pailles hors des parcelles.

Une situation observée au Nord et que les agronomes qualifient “d’agriculture minière“. Afin de mieux retenir l’eau et les engrais, ces sols qui sont le plus souvent à dominante sableuse et extrêmement pauvres, auraient besoin qu’un minimum de paille soit laissé au sol. Or, il en est rien.

À Chakchak comme dans le reste des zones céréalières du grand sud de l’Algérie, l’agriculture saharienne pose d’immenses défis techniques, à ce titre l’agronomie pourrait également avoir voix au chapitre.

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