Le Maroc a exprimé officiellement jeudi 19 août sa position pour le maintien du gazoduc Maghreb – Europe, qui relie l’Algérie à l’Espagne via le territoire marocain, mais le gouvernement algérien n’a pas encore tranché.
“La volonté du Maroc de maintenir cette voie d’exportation a été clairement affirmée de manière constante, à tous les niveaux, depuis plus de trois ans”, a déclaré jeudi à Maroc le Jour, le quotidien francophone de l’Agence marocaine de presse (MAP), la Directrice générale de l’Office national des hydrocarbures et des mines, Amina Benkhadra.
Mme Benkhadra a mis fin ainsi à plusieurs mois de suspense, du côté marocain, sur le renouvellement du contrat qui expire le 31 octobre, pour maintenir en vie ce gazoduc, que l’Algérie voulait être le symbole de la construction du Grand Maghreb.
Le Maroc a-t-il essayé d’utiliser le gazoduc pour faire du chantage ?
Dans son intervention, la directrice générale de l’ONHM marocain a éludé les tentatives du Maroc d’utiliser ce gazoduc pour faire pression sur l’Espagne d’un côté et l’Algérie de l’autre, dans un contexte de tensions politiques avec ces deux pays.
Le royaume entretient des relations difficiles avec son voisin espagnol sur fond de conflit au Sahara occidental. Pour faire pression sur Madrid, Rabat a utilisé, sans succès, les cartes de l’émigration clandestine et de la sécurité énergétique.
Avec l’Algérie, le Maroc aurait cherché à obtenir plus de gaz sachant qu’il prélève déjà 900.000 m3 par an de ce gazoduc, mais surtout à l’affaiblir économiquement, sachant le poids de l’exportation des hydrocarbures notamment le gaz dans son économie, dans un contexte de baisse conséquente des prix du pétrole.
Fournisseur fiable et traditionnel de gaz naturel à l’Espagne et à l’Europe du Sud en général, l’Algérie aurait certainement pâti d’une décision défavorable du Maroc sur le maintien du GME. Une question qui a été évoquée publiquement par Tewfik Hakkar le PDG du groupe algérien Sonatrach fin juin.
« Même en cas de non-renouvellement de ce contrat qui prend fin en octobre prochain, l’Algérie pourra fournir l’Espagne, mais également répondre à une éventuelle demande supplémentaire du marché espagnol sans aucun problème », a-t-il dit.
L’Algérie a pris ses dispositions
En fait, l’Algérie a déjà pris ses dispositions et a anticipé une décision défavorable du Maroc qui, en voulant faire d’une pierre deux coups, est tombé dans son propre piège.
Selon nos sources, le groupe Sonatrach a mis en place une solution technique pour faire basculer les quantités transportées par le GME sur le gazoduc Medgaz qui relie directement l’Algérie à l’Espagne.
« Ça ne pose aucun problème technique de transporter les quantités du GME via le Medgaz, » affirme un expert pétrolier algérien à TSA. Les anticipations fortes de l’Algérie ont rendu inopérants les desseins marocains concernant ce gazoduc. C’est l’histoire de l’arroseur arrosé ».
Les manœuvres marocaines pourraient être fatales à ce gazoduc. C’est peut-être le clap de fin de ce pipeline. Si le Maroc a annoncé officiellement sa position en faveur du maintien de ce gazoduc, l’Algérie n’a pas encore tranché.
« Toutes les options sont ouvertes », estime l’expert algérien qui doute toutefois d’une décision favorable de l’Algérie en raison des tensions entre les deux pays. « Vu les résultats de la réunion du Haut conseil de sécurité (HCS) sur le Maroc, il est difficile de croire à un renouvellement du contrat de ce gazoduc », ajoute-t-il.
Mercredi, le HCS a dénoncé une série d’actes hostiles de la part du Maroc et a annoncé une révision des relations avec ce pays. Selon des sources, l’Algérie ne compte pas renvoyer son ambassadeur à Rabat – qu’elle a rappelé le 18 juillet dernier pour « consultation » -, et envisage de réduire la représentation diplomatique entre les deux pays au niveau des chargés des affaires.
Désormais, ce gazoduc ne représente aucun enjeu économique majeur pour l’Algérie. Le groupe Sonatrach a assuré qu’il pouvait s’en passer, et continuer à assurer l’approvisionnement en gaz de l’Espagne, l’un de ses principaux clients dans le monde.
En revanche, ce gazoduc permet au Maroc d’obtenir des revenus en devises, en percevant des droits de passage sous forme de quantités de gaz naturel qui varient en fonction du volume transporté. C’est l’un des rares segments de coopération économique qui n’a pas été affecté par la détérioration des relations entre les deux pays.
« Le gazoduc Maghreb – Europe a été conçu par l’Algérie comme un engagement de sa part en faveur de la construction du grand Maghreb. On aurait pu le passer directement sous la Méditerranée, mais l’Algérie a préféré transiter par le Maroc pour permettre à ce pays de tirer profit de ce projet », raconte l’expert algérien.
Toutefois, aujourd’hui, les conditions ayant prévalu lors du lancement de ce gazoduc ne sont plus réunies. Le projet du grand Maghreb s’est éloigné. L’Algérie et le Maroc sont arrivés au point de non-retour.
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