La tension ne retombe pas entre Alger et Rabat. Depuis le récent dérapage du consul marocain à Oran qualifiant l’Algérie de « pays ennemi », largement relayé et commenté sur les réseaux sociaux, les « échanges d’amabilité » se poursuivent à un rythme soutenu entre les deux capitales par médias interposés.
Ce vendredi, l’agence marocaine de presse MAP est revenue à la charge pour s’en prendre avec une rare virulence à l’Algérie. Sous le titre « l’Algérie, un pays au bord du gouffre », l’auteur de l’article écrit : « Une impasse à une autre, l’Algérie arrive difficilement à entrevoir le bout du tunnel dans lequel l’a engouffré un système finissant, corrompu et corruptible que les Algériens ont décidé d’en finir avec, à travers le « Hirak »(…) ».
L’auteur de l’article soutient que « contrairement aux promesses électorales du nouveau président d’observer un apaisement dans le rapport entre le pouvoir et le mouvement de revendication, la répression, les arrestations, les incarcérations et la censure ont été érigées en cheval de bataille des tenants du pouvoir qui n’ont pour seule cure que d’assurer la continuité d’un système en faillite ».
On l’aura compris : cette réaction au vitriol se veut comme une « réponse » à l’agence officielle algérienne APS qui, mardi, avait rendu la « politesse » à sa consœur marocaine laquelle avait relayé la veille une initiative de sept eurodéputés sur l’Algérie qu’elle a attribuée délibérément au Parlement européen.
« Lobby maroco-sioniste »
« Une dépêche de l’Agence marocaine de presse (MAP) datée d’hier lundi, à partir de son bureau de Bruxelles, fait dire au Parlement européen, qui compte 751 députés, ce que sept de ses membres issus du lobby maroco-sioniste espèrent pouvoir imposer à cette institution », a écrit l’APS.
« Le Parlement européen réclame une intervention urgente de l’Union européenne (UE) pour mettre un terme à la répression en Algérie, titre la dépêche qui rapporte la teneur d’une lettre attribuée à « plusieurs eurodéputés ». Ils espèrent, selon la même source, « attirer l’attention du Haut représentant de l’UE pour la politique étrangère et la sécurité, sur la situation de la liberté de la presse en Algérie et les exactions commises à l’égard des journalistes », avait relevé l’APS.
« Quel crédit accorder au soutien de cette coalition à la cause de la liberté d’expression lorsqu’elle vient en appui à un régime où les détenus d’opinion croupissent par centaines dans des geôles où ils retrouvent pour la plupart leur dernier refuge sur terre. Qu’il s’agisse d’Agdz, Kelaat M’Gouna, Tazmamart, ou encore de Derb Moulay Chérif, les centres de détention du royaume chérifien sont connus pour abriter des opposants ayant subi les pires tortures, avant d’être enterrés à proximité dans l’anonymat. Tazmamert, prison secrète, demeure dans l’histoire l’incarnation d’oppression politique qui n’a d’égale nulle part ailleurs », a réagi l’APS qui, comme sa consœur marocaine, exprime souvent le point de vue officiel.
« Que la MAP se fasse le relai et amplifie un événement insignifiant est l’expression d’une surexcitation, qui a pour seule motivation les succès extraordinaires du peuple sahraoui au sein de la communauté internationale pour l’exercice de son droit légitime à l’autodétermination », estime l’agence algérienne qui ne manque de rappeler l’ « incident » du consul marocain à Oran.
« L’alliance du Makhzen avec les milieux sionistes œuvre à empêcher que l’Algérie retrouve les chemins de la stabilité, de l’ordre, des droits et libertés et de la croissance. C’est cela qui inquiète le plus cette alliance. Sinon, comment expliquer que le consul du Royaume à Oran déclare honteusement être « en terre ennemie », s’agissant d’un pays où les voisins marocains trouvent encore accueil et hospitalité », s’interroge l’APS.
Dérapage du Consul
Au-delà de certaines considérations de politique interne liées essentiellement à la gestion de la pandémie par le gouvernement marocain, mais également aux problèmes socio-économiques, l’ « excitation » de l’agence marocaine, devenue presque classique, se décline à vrai dire en réaction à la sortie du président, Abdelmadjid Tebboune le 4 mai dernier appelant le Conseil de sécurité à intervenir pour cesser les « hostilités », notamment en territoires sahraouis.
D’ailleurs, la réaction de nos voisins de l’Ouest ne s’était pas fait attendre. Le ministre des Affaires étrangères marocain Nasser Bourita avait accusé implicitement, après cette sortie, l’Algérie d’alimenter le « séparatisme » et de « détourner les ressources de sa population pour des actes de déstabilisation régionale ».
Un agacement qui explique en partie le dérapage du consul quelques jours plus tard.
Sommé par l’Algérie de prendre les « mesures appropriés pour éviter toute répercussion de cet incident sur les relations bilatérales », Rabat semble miser sur le pourrissement.
Une éventuelle « sanction » équivaudrait à une reconnaissance de « fait » du dérapage contraire aux us diplomatique. D’où cette propension à faire feux de tous bois dans ce qui s’apparente à une opération de diversion. Cette fois, les Algériens semblent décidés à répondre aux attaques médiatiques.