CONTRIBUTION. Cette contribution a pour objet de faire un état des lieux sincère du secteur de la transition énergétique, loin de toute élucubration, et de proposer par la suite des solutions avérées et pérennes.
Afin de situer le contexte, une transition énergétique doit permettre de couvrir trois principaux axes :
1-Axe bâtiment tertiaire & habitation
2-Axe industriel
3-Axe transport
Nous abordons principalement dans cette contribution l’axe en lien avec le secteur du bâtiment.
Le mix énergétique algérien repose encore fortement sur le gaz (plus de 98 % de la production d’électricité en est issue). L’objectif serait, à terme, d’élever la part des EnR à 27 % d’ici 2030, contre moins de 2% actuellement.
Dans le cadre de l’accord de Paris sur les changements climatiques, l’Algérie s’est engagée en faveur de la réduction des émissions GES de 7 à 22 % sur la période 2020-2030.
Pour corréler l’objectif de l’accord de Paris et l’ambition du gouvernement algérien, il est à ce stade primordial de mener une réforme profonde afin de permettre l’émergence d’une vision réaliste de l’avenir énergétique de l’Algérie.
Quid du positionnement stratégique de l’Algérie dans ce domaine ?
Pour mieux cerner les enjeux socio-économiques et la dimension technico-politique de ce dossier si important pour l’avenir de l’Algérie, la question suivante doit se poser : Est-il possible de continuer à adopter les mêmes méthodes que par le passé (investissement à coût de milliards de dollars sans aucune maîtrise des inputs et des outputs des opérations) et éluder sciemment les questions sociétales ?
Une partie de la caste appartenant à la sphère décisionnelle qualifiera cette problématique d’illégitime et d’antinomique à la politique actuelle. Vous comprendrez qu’il s’agit bien d’une question rhétorique.
Pour un pays comme l’Algérie, la priorité n’est absolument pas d’investir dans des projets d’envergure à coût de milliards de dollars.
La gestion des contrats d’envergure n’est clairement pas le point fort de nos managers (l’autoroute Est-Ouest, stade de Tizi… programme AADL et bien d’autres exemples) nous montrent la nécessité de s’adapter et de se réinventer afin d’éviter de dilapider l’argent public.
Quelle solution pour mettre en place une véritable transition énergétique ?
Il s’agit tout d’abord de comprendre les mécanismes qui poussent les pays occidentaux à vouloir investir massivement dans la transition énergétique.
Ainsi, le paradigme européen permet de situer la priorité à ce niveau-là. Il s’agit aussi de prendre du recul et comprendre que nous n’avons pas les mêmes enjeux et donc par conséquent éviter les effets de modes, à titre d’exemple, avoir recours à l’importation de voitures électriques qui ne doit pas constituer une priorité pour le gouvernement pour différentes raisons que je n’aborderai pas dans cette réflexion.
Par ailleurs, dans la continuité de l’exemple précédent, le micro-éolien fait partie aussi de ces effets de mode sans réelle perspective pour un pays comme l’Algérie.
Aujourd’hui, l’indépendance énergétique des pays développés engendrerait un véritable choc économique pour le pays producteur de gaz et de pétrole. C’est pour ces raisons qu’il serait indispensable de construire une stratégie sur la rationalisation de la consommation et non pas l’inverse.
La souveraineté énergétique est un élément clé dans la quête internationale.
Présentement, il est inconcevable voire aberrant de calquer le même modèle que celui des pays européens. Pour un pays producteur de gaz et de pétrole, l’efficience énergétique passe par la mise en place d’une réglementation énergétique qui est à l’heure actuelle inexistante.
La politique énergétique du gouvernement consiste pour une bonne partie à investir massivement dans les EnR (énergie renouvelable) et particulièrement dans le solaire avec des puissances élevées.
En effet, au vu de notre emplacement géographique, le gisement est tout à fait intéressant et l’effort reste louable. Toutefois, une politique énergétique ambitieuse ne peut malheureusement pas se contenir pour sa grande part à l’installation de panneaux solaires.
À titre d’information, en 2018 à l’échelle mondiale, la production d’électricité solaire photovoltaïque était de 554,4 TWh, soit uniquement 2,15 % de la production mondiale d’électricité ; en 2019, elle était estimée à 724 TWh, soit 2,7 % de la production d’électricité ; l’Agence internationale de l’énergie estime qu’avec les installations existantes fin 2019, cette part est passée à 3 % (5 % en Europe), et prévoit qu’elle pourrait atteindre 16 % en 2050 !
On peut comprendre à travers ces statistiques, que même pour les pays concernés directement par l’amélioration de leur mix énergétique ainsi que la sécurité d’alimentation, l’investissement massif n’est pas aussi prioritaire que ça !
La sobriété énergétique est la base de tout processus d’investissement dans ce domaine. Autrement dit, on ne peut inopportunément pas continuer à construire des sites énergivores et tenter de mettre en face une solution de production sous couvert de l’autoconsommation.
La stratégie du gouvernement doit permettre dans le temps la mise en place de ce que j’appelle des territoires à énergie positive.
Cette solution serait sans nul doute plus pertinente à tous les niveaux (stockage, distribution, injection dans le réseau…etc.) qu’un investissement avec des centrales à forte puissance.
La rationalisation des consommations doit faire l’objet d’une réglementation qui accompagne les acteurs du secteur dans l’acte de mieux construire.
Cette réglementation viendrait mettre des jalons pour cadrer la conception, la réalisation et l’exploitation des nouveaux bâtiments (tertiaire ; habitation) mais aussi des bâtiments existants.
Bien entendu, le volet industriel doit faire l’objet d’une démarche aussi importante que celle du secteur du bâtiment, car ce dernier est par définition énergivore.
Toutefois, la rationalisation des consommations dans l’industrie passe par d’autres leviers (l’optimisation de la production de l’air comprimé, l’utilisation des systèmes à absorption CO², etc.).
Aujourd’hui, en Europe la conception des nouveaux bâtiments est soumise à une réglementation stricte qui permet de répondre à l’ambition qui est la sienne.
Pour réaliser un parallèle avec notre pays, on peut imaginer une réglementation avec trois objectifs et une exigence de moyens.
Pour le premier objectif : il s’agirait de mettre en place un indicateur de besoin bioclimatique des enveloppes. Cet indicateur viendrait valider la conception architecturale d’un point de vue bioclimatique (orientation, ensoleillement, indice d’ouverture, déphasage thermique, capacité d’éclairement naturelle …etc.)
Le deuxième point concerne le calcul d’une consommation de référence pour les systèmes, notamment la climatisation, la régulation et le pilotage des installations en fonction des variables type DJF (Degrés-jours de refroidissement) , intensité d’occupation, variation temporelle…etc.
Le dernier point concerne le confort thermique dans les bâtiments avec le calcul d’un seuil de référence d’inconfort.
Cette réglementation permettrait de réduire la consommation d’un secteur qui est jugé comme énergivore et pour lequel une réelle opportunité existe pour permettre l’émergence de nouveaux métiers (économie du savoir, nouvelle discipline d’ingénierie, création d’entreprises dans le secteur des travaux de l’efficacité énergétique ; recyclage ; économie circulaire …etc.)
Autant que faire se peut, il est du devoir du gouvernement de s’atteler désormais à mobiliser les compétences algériennes afin de les faire participer activement dans la construction du pays.
En conclusion, indépendamment des efforts déployés dans ce domaine, une remise en question doit avoir lieu avant qu’il ne soit trop tard, car il est primordial de mobiliser les compétences nécessaires et permettre d’apporter une réponse fiable et proportionnée aux différents enjeux et mutualiser par la même occasion le retour d’expérience déjà disponible à l’étranger. La transition énergétique doit être portée par toute une nation avec une ambition forte étant donné sa nature.
*Spécialiste des sujets en lien avec la performance énergétique. Energy Manager pour le compte d’une multinationale allemande et titulaire d’un diplôme de 3e cycle en efficacité énergétique de l’École nationale supérieure des Mines à Lille et d’un MBA en finance de l’École supérieure de Paris.
J’ai eu l’occasion d’occuper plusieurs postes (à l’échelle nationale et internationale) dont un poste de directeur central et cadre dirigeant dans une entreprise publique du secteur du bâtiment en Algérie, ainsi que plusieurs autres postes en Europe (Project Manager, Directeur d’opérations…).
Important : Les tribunes publiées sur TSA ont pour but de permettre aux lecteurs de participer au débat. Elles ne reflètent pas la position de la rédaction de notre média.