L’entreprise de boissons Golden Drink connue en Algérie pour sa marque Tazej s’est engagée dans la production locale de jus de fruits. L’enjeu est de remplacer les concentrés de jus auparavant importés par des produits locaux issus de vergers algériens.
Après moult démarches, cette entreprise qui emploie plus de 300 personnes et dont le siège social est situé à Akbou dans la wilaya de Béjaïa a bénéficié d’une concession agricole de 1 500 hectares entre M’sila et Djelfa.
Aujourd’hui c’est un million et demi d’arbres fruitiers qui ont été plantés dans le but de produire des grenades, pommes, poires, abricots, pêches et raisin comme le précise une vidéo promotionnelle de l’entreprise.
Une partie des arbres a été plantée selon la technique dite du « super intensif » qui permet d’augmenter leur nombre par hectare et d’envisager de mécaniser partiellement la taille.
Situé à cheval entre les wilayas de M’sila et de Djelfa, le projet est ambitieux et a mobilisé dès 2019 des moyens considérables. Il a fallu d’abord aplanir le sol et éliminer la végétation steppique puis réaliser un « rootage ».
L’emploi de puissants bulldozers munis de dents a permis de briser la dalle calcaire située à faible profondeur. Les morceaux remontés en surface ont été ensuite évacués par un engin spécialisé ou réduit à l’aide d’un broyeur de forte puissance.
La plantation a été réalisée à l’aide du GPS comme en témoigne l’impeccable alignement des arbres. Quel que soit l’angle de vue, les arbres sont tous alignés au centimètre près ce qui a permis la pose à leur pied d’un système d’irrigation localisé par goutte-à-goutte. Chaque arbre reçoit ainsi juste la quantité d’eau qui lui est nécessaire ainsi que des engrais mélangés à l’eau.
L’acheminement de l’eau entre les différentes parcelles de cet immense verger a nécessité la pose de plusieurs centaines de mètres de canalisations enfouies dans une tranchée, sous un mètre de profondeur.
L’un des plus grands bassins d’Afrique
Quant à l’eau, elle provient de 3 bassins aux dimensions impressionnantes.
La capacité du plus petit est de 250 000 m3, et les deux suivants de respectivement 650 000 m3 et 1,2 millions de m3. Ce dernier est présenté par Golden Drink comme étant le plus grand en Afrique. La surface de ces bassins correspond à plusieurs fois celle des stades de football.
Le creusement de ces bassins a nécessité le déplacement de plusieurs dizaines de milliers de m3 de terre et de roches.
Des matériaux utilisés pour confectionner les bords des bassins sous la forme d’un remblai d’une hauteur d’une quinzaine de mètres et d’une largeur de 6 à 8 mètres. La taille des remblais est telle que lors de leur confection, les pelles mécaniques hydrauliques utilisées étaient positionnées à leur sommet afin de mieux égaliser les pentes du talus.
L’apparition de géomembranes imperméables a révolutionné la construction de ces immenses bassins. Une fois soudées entre elles, ces membranes procurent à l’ouvrage une étanchéité parfaite et permettent de s’affranchir de l’utilisation du béton.
En mai 2023, le patron de Tazej confiait à TSA que le projet a bénéficié de cinq autorisations de forages dont quatre sur le territoire de la wilaya de M’sila et un à Djelfa.
Jus de fruits : Tazej exporte vers 14 pays
Dans l’usine Golden Drink située dans la zone industrielle de Taharacht à Akbou, les bouteilles de jus de fruits défilent sur le tapis roulant de la chaîne d’embouteillage. Elles sont ensuite empaquetées par groupe de 6 sous film plastique et mises en palettes selon un mode automatisé répondant aux normes internationales.
En 2020, le dirigeant de l’entreprise indiquait à Ennahar TV que l’exportation des produits de la marque Tazej connait un taux de croissance qui augmente d’années en années.
Il énumérait les exportations de conteneurs vers les pays étranger : 10 vers l’Irak, 8 vers la Tunisie, 5 vers la Libye, un vers la Jordanie à titre d’essai. Autres pays concernés : le Bahrein, le Yémen, l’Angleterre, la Belgique, la France, la Mauritanie et le Gabon.
Pour Samir Amra, c’est la qualité des produits mais également celle du packaging qui a séduit les acheteurs étrangers. Il se dit fier que ces consommateurs apprécient ces jus à base d’oranges, abricots ou pommes produites en Algérie.
En 2020, c’est un total de “650 conteneurs qui a été exporté à travers le monde soit 12 000 tonnes de produits” concluait-il..
Samir Amra se félicite du soutien des pouvoirs publics à travers leur aide via la participation aux foires et salons internationaux ainsi qu’à hauteur de 50 % du coût du transport des marchandises exportées.
Réduction des importations des concentrés des jus de fruits
Salim Amra a raconté comment le projet a pris forme. « Tout a commencé en 2019. La terre était inexploitable. Nous avons fait un énorme investissement. On s’est dit pourquoi ne pas produire la matière première en Algérie alors qu’on l’importe de France, d’Italie, d’Espagne, d’Allemagne et même d’Inde », confiait-il en 2023 à Dznews.
À cette occasion, il indiquait que « l’Algérie importait 800 millions de dollars de concentré de fruits chaque année alors qu’on pouvait facilement fournir des produits de qualité avec 50 % de la production destinée à l’exportation ».
Contacté en mai 2023 par TSA il expliquait : « Il faut savoir qu’un baril de concentré de grenade coûte environ 2.300 €. C’est plus cher qu’un baril de pétrole pour avoir une idée sur les retombées positives de la production locale du concentré de jus ».
Sur le marché mondial, la tendance des prix des concentrés de jus de fruits est à la hausse.
En mai 2024, la chute de la récolte d’orange au Brésil s’est confirmée et a entraîné une nouvelle flambée du prix des concentrés de jus.
Au début du mois d’avril 2024, la revue Fruits Tropicaux relevait que : « les prix import entre août et novembre 2023 sont passés de 4 000 US$/tonne (FCOJ 65°Brix FCA Rotterdam) à 6 600 US$ ».
À la mi-septembre, le concentré passait à plus de 7 000 dollars la tonne. Une situation « impensable il y a encore quelques mois », notait Radio France Internationale dans sa chronique des matières-premières qui ajoutait que « le prix du jus d’orange explose de près de 300 % ».
Dès 2023, une première tranche de 500 hectares est entrée en production. Ce qui permet à Samir Amra, le dirigeant de l’entreprise d’affirmer que depuis 2023, les jus de la marque Tazej sont issus de la production locale.
La qualité est un leitmotiv pour Salim Amra qui rappelait lors de la tenue du salon agricole Djazagro de 2022 la volonté de l’entreprise de proposer aux consommateurs des « boissons diminuées de sucre et naturellement aromatisées ».
Depuis plusieurs années, Golden Drink participe activement aux foires et salons, tant au niveau national qu’international. Ses produits ont été distingués en 2020 par l’International Taste Institute à Bruxelles (Belgique) en obtenant quatre récompenses.
Aujourd’hui, l’entreprise, revendique une capacité journalière de transformation de 2 000 tonnes de fruits, ce qui en fait l’un des plus grands en Afrique selon ses promoteurs.
L’installation de l’usine de transformation à proximité du lieu de production permet de réduire les coûts de transport et de préserver la qualité des produits.
Les fruits passent dans une chaîne de tri et de lavage avant d’être pressés. Le jus obtenu est ensuite conservé dans des conditions stériles avant l’embouteillage. Des confitures de fruits sont également produites.
Projet Tazej : le défi de l’approvisionnement en eau
À travers sa production de fruits, la marque Tazej contribue à réduire la facture résultant de l’importation de concentrés de jus de fruits.
À cela s’ajoute la création de plusieurs centaines d’emplois. Pour l’entreprise, le défi est dorénavant d’inscrire son développement dans la pérennité, d’autant plus qu’elle revendique son souci de la qualité vis-à-vis de ses clients.
Pour l’extension du verger, la disponibilité en eau s’avère capitale. Un pêcher a besoin de 800 mm de pluie alors que la moyenne annuelle dans la région est de 250 mm, aussi la différence est-elle fournie par les forages.
Avec une capacité de 2,1 millions de m3, les trois bassins d’eau de l’exploitation assurent les besoins de l’irrigation des vergers. Malgré l’utilisation de l’irrigation localisée par goutte-à-goutte, les besoins restent importants.
L’évaporation de l’eau à la surface des bassins est considérable notamment durant les mois d’été. Selon des experts, au Maghreb, l’évaporation au niveau de l’ensemble des barrages d’un pays peut atteindre 1,5 millions de m3 par jour.
Pour les concessions agricoles en zone steppique, le défi est de gérer le cône de dépression qui se forme au niveau de chaque forage à chaque pompage. Une des solutions serait de trouver le moyen pour la réinjection de l’eau des crues d’oueds dans les nappes souterraines.
L’entreprise Golden Drink fait preuve d’un réel dynamisme. Elle a su se démarquer des autres entreprises dans un secteur où la concurrence est rude.
Au fil des années, depuis sa création en 2005, elle s’est taillée une place prépondérante sur le marché local des boissons. Aujourd’hui, sa volonté de réduire la facture des importations de concentrés de jus repose sur un challenge : la maîtrise de l’approvisionnement en eau de son verger.