La position de l’Algérie vis-à-vis de ce qui se passe en Tunisie donne lieu à de nombreuses spéculations. Certains lui prêtent un rôle dans ce qu’a entrepris le président tunisien et d’autres la disent opposée.
Le 26 juillet, après une journée de manifestations et plusieurs mois de crise politique, le président tunisien Kais Saied a pris des décisions spectaculaires, annonçant le gel des travaux du Parlement pour une durée d’un mois, la levée de l’immunité des députés et le limogeage du chef du gouvernement.
| Lire aussi : Ramtane Lamamra : retour d’un poids lourd de la diplomatie algérienne
Le parti islamiste tunisien Ennahda que dirige Rached Ghannouchi – qui est également président du Parlement – a dénoncé, « un coup d’État contre la révolution et la Constitution ».
Coup d’Etat contre la révolution de 2011 et la démocratie ou simples réaménagements politiques dans le cadre de la Constitution ?
Entre les accusations d’une partie de l’opposition et les dénégations du président et de ses soutiens, l’Algérie a mis en avant un dogme qui fonde sa diplomatie, la non-ingérence dans les affaires des Etats souverains, se positionnant de facto à équidistance entre les différents protagonistes de la scène politique tunisienne.
Pendant plusieurs jours, l’Algérie s’est gardée d’évoquer publiquement ce qui se passe chez le voisin de l’est. Les deux président Kais Saied et Abdelmadjid Tebboune se sont parlé à trois reprises au téléphone et le ministre Algérien des Affaires étrangères Ramtane Lamamra s’est rendu deux fois au palais de Carthage où il a été reçu par Saïed avec lequel il a évoqué la situation dans le monde arabe (litige autour du barrage éthiopien), au Maghreb et au Sahel.
Le 31 juillet, il a été interpellé en conférence de presse au Caire sur la situation interne tunisienne. « Ce qui se passe en Tunisie est une affaire interne. Nous respectons sa souveraineté et nous sommes solidaires avec elle», a répondu Lamamra.
« Une vision fantasmée des choses »
Ce qui n’a pas empêché le site spécialisé dans l’actualité du Maghreb et du Moyen-Orient, Middle East Eye d’avancer que l’Algérie a un avis tranché sur ce qui se passe en Tunisie et il n’est pas en faveur du projet du président Kais Saied.
Le journal publie même une déclaration qu’il attribue à une source algérienne haut placée et qui ne laisse pas de doute quant à la position d’Alger. « Ce coup d’État n’a aucune chance de réussir. Nous avons demandé que Kais Saied négocie avec [Rached] Ghannouchi et nous savons exactement comment les Égyptiens et les Émiratis ont influencé ce coup d’État. Nous ne voulons pas d’un autre Haftar à Tunis. Nous ne voulons pas d’un gouvernement à Tunis asservi à ces forces », aurait déclaré la source anonyme à MME.
Celui-ci estime que ce qui se passe en Tunisie est inspiré par l’axe Le Caire-Abou Dhabi-Ryad, donc s’apparentant à une tentative d’installer un pouvoir à leur solde à Tunis.
« L’Algérie considère Tunis comme son arrière-cour et la porte vers Tripoli, ayant un intérêt régional clair dans les événements à la fois en Tunisie et en Libye », estime le journal basé à Londres.
Tout ceci n’est qu’une « vision fantasmée des choses », déclare à TSA un haut responsable du ministère algérien des Affaires étrangères qui dément tout ce qui a été rapporté par le journal basé à Londres.
« Ça n’a absolument rien à voir avec la position de l’Algérie. Ni de près ni de loin », ajoute le même responsable. « L’auteur et son prétendu interlocuteur haut placé donnent libre cours à leur vision fantasmée des choses et nous tenons à démentir de la manière la plus catégorique ces assertions fantaisistes et dénuées de tout fondement », affirme-t-il.
Jusqu’à preuve du contraire donc, la position d’Alger vis-à-vis de la situation en Tunisie est celle exprimée solennellement par Ramtane Lamamra le 31 juillet dernier.
| Lire aussi : Le processus révolutionnaire en danger : où va la Tunisie ?