Les autorités et des opérateurs économiques remettent clairement en cause l’Accord d’association entre l’Algérie et l’Union européenne. Quels sont les aspects sur lesquels cet accord est défavorable à notre pays ?
Smain Lalmas, président de l’ACE (Association Algérie Conseil Export), expert en économie. Il est évident que la stabilité et la prospérité économique de l’Europe sont difficilement imaginables sans un partenariat sérieux avec ses voisins du sud, surtout dans un tel environnement mondial caractérisé par de grands ensembles économiques.
Je rajouterai à cela deux aspects importants, celui de la sécurité énergétique de l’Europe qui a toujours été une priorité ainsi que la question de l’émigration qui, bien qu’elle soit perçue comme menace par certains, l’Europe a bien besoin d’une main d’œuvre jeune et qualifiée pour assurer sa croissance, surtout que la population des pays du nord connaît un vieillissement.
L’Accord d’association prévoyait une zone de libre-échange entre les deux contractants dès 2017 – repoussé à 2020 – , mais bien sûr cela soulève des questionnements et des inquiétudes relatifs à la facture à payer par l’Algérie surtout en l’absence d’une offre diversifiée exportable, sachant que plus de 95% des exportations de l’Algérie vers les pays de l’UE sont des hydrocarbures et leurs dérivés, ce qui révèle le fossé entre les structures économiques des deux parties.
Il est clair qu’un grand écart en matière de prospérité et de développement caractérise les deux parties, avec des économies loin de toute synergie, des divergences en intérêts, stratégie et civilisations opposées marquées par une histoire parfois même violente. Une Algérie faible économiquement face à l’Union européenne avec ses 28 pays, donc finalement, il s’agit de deux entités de poids très différents. Comment envisager un instant, un partenariat gagnant-gagnant avec les données citées et dans les conditions actuelles de gouvernance ?
Le scénario d’une sortie de cet accord est-il envisageable, selon vous ?
A signaler qu’auparavant, l’accord d’association ne se limitait pas au seul aspect commercial, mais prévoyait des outils de coopération financière pour appuyer la mutation économique dans les pays partenaires comme l’Algérie, à l’exemple du programme MEDA (mesures d’ajustement).
Malheureusement, il a été établi dans une étude que le résultat des programmes de mise à niveau est faible du fait que le nombre d’entreprises touchées est très bas, alors que pratiquement toutes nos entreprises ont besoin d’une remise à niveau. A cela, il faut ajouter sur le plan macroéconomique que l’environnement n’est pas propice à toute évolution positive. Je ne reviendrai pas sur les facteurs bloquant l’évolution et le développement de notre économie, que tout le monde connait, qui à vrai dire est le fruit de notre système.
Pour revenir à votre question, aucun accord d’association ou de partenariat ne sera donc un succès avec un système de gouvernance comme le nôtre qui a pour vocation et tradition de produire uniquement l’échec.
Au lieu donc d’envisager une sortie de cet accord, il faudrait à mon avis penser à changer de système, un changement nécessaire pour la survie de notre pays.
Pouvez-vous ne retracer brièvement dans quelles conditions l’accord a été négocié et conclu et quels étaient les objectifs ?
Après avoir été signé en 2002, l’Accord d’association entre l’Algérie et l’Union européenne est entré en vigueur en Septembre 2005. Il intervenait dans une période caractérisée par un climat de tension sur le plan mondial, notamment avec les attentats du 11 septembre, qui a nourri la volonté d’appliquer la vision américaine sur la carte du monde.
Il faut se rappeler que cet accord répondait au grand projet méditerranéen lancé dans le cadre de la déclaration de Barcelone en 1995, avec le volet politique qui consistait à généraliser la démocratie dans la région, et le volet économique, nécessaire pour la réussite du premier volet.
Pour le côté algérien, cette période a été marquée par une crise sans précédent, sur le plan sécuritaire marqué par un terrorisme qui a gravement fragilisé le pays et sur le plan économique avec la baisse du prix du pétrole et une dette extérieure importante. Il est vrai qu’à partir de 2003, la remontée des prix du baril de pétrole allait conforter graduellement la balance commerciale du pays, malgré les lourdes factures d’importation.
Par ailleurs, cet accord pour l’Algérie était une étape importante dans son plan de sortie d’une décennie d’isolation presque totale sur la scène politique internationale et de rupture avec l’extérieur sur tous les plans.
Beaucoup de voix estiment que les accords commerciaux ont dès le départ été mal négociés. Pourquoi n’a-t-on pas pris le temps d’étudier les répercussions avant la signature ?
Si on revient à cet accord avec l’UE, ce qui le distingue c’est le fait de trouver sur un même tableau deux parties de chances inégales sur tous les points et des ambitions différentes. Dans tous les scénarios possibles, l’Algérie aura à subir les chocs les plus violents, en l’absence d’une économie forte et de clauses sérieuses pour les amortir.
Cela démontre bien, encore une fois, que nos différents accords de coopération ou de partenariat, même si à la base à visée économique mais très souvent, ils ont une portée politique, ce qui explique que ces accords se limitent à de simples formalités à valider et non pas le fruit de longues négociations permettant de préserver les intérêts de notre pays.
Un exemple de contrat plus récent, celui avec Renault est révélateur, en attendant le contrat du groupe saoudien Almarai annoncé en grande pompe.