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Algériens de France : la colère du recteur de la Grande Mosquée de Paris

Algériens de France : la colère du recteur de la Grande Mosquée de Paris

Source : Instagram Chems-Eddine Hafiz
Chems-Eddine Hafiz

Dans un contexte de grave crise avec l’Algérie et dans une France toujours aussi hantée par les démons du rejet de l’autre, plus d’un siècle après Émile Zola, le recteur de la Grande mosquée de Paris Chems-Eddine Hafiz lance son « J’accuse ».

Plus d’un siècle après, le racisme, la stigmatisation et l’ingratitude n’ont fait que changer d’objet. Cette fois, ce n’est pas d’un capitaine juif dont il s’agit. Mais des millions de citoyens, stigmatisés, car issus de l’immigration musulmane, maghrébine, algérienne.

« Hier, ils bâtissaient la France sous le soleil de plomb des chantiers, dans les profondeurs des mines, dans l’anonymat des usines. Aujourd’hui, leurs enfants construisent l’avenir, mais on ne veut pas les voir », écrit le recteur d’origine algérienne dans le dernier numéro de « Iqra », la revue de la plus importante institution religieuse musulmane en France.

M. Hafiz est outré d’écouter depuis des semaines des « flots de fiel déversés sur ce que l’on nomme, avec une commode désinvolture, l’immigration algérienne ».

L’allusion est évidemment au discours de l’extrême-droite qui fait de l’immigration algérienne un point de fixation dans un contexte de grave crise diplomatique entre l’Algérie et la France.

Le recteur de la Grande mosquée de Paris dit toute sa déception de voir le même courant revenir à la charge après le rappel à l’ordre lancé par le président Emmanuel Macron à partir du Portugal.

Malgré la mise au point présidentielle, le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau et d’autres ont continué à souffler sur les braises de la crise en utilisant des questions comme celle des OQTF ou de l’accord sur l’immigration de 1968.

« Encore et toujours, l’immigration algérienne est l’objet des pires fantasmes, des pires accusations, des plus lâches manipulations politiques », s’indigne Hafiz qui dénonce une « éternelle mise en procès », et une « condamnation sans preuve » des binationaux, notamment d’origine algérienne.

Pourtant, ajoute-t-il, « si une voix devait s’élever, ce serait la leur, et ce ne serait pas pour se défendre, mais pour accuser » les « faiseurs de peur » et les « pourvoyeurs de haine ».

Chems-Eddine Hafiz s’élève contre l’ingratitude envers les immigrés et les Franco-Algériens

« J’accuse ces politiciens en quête de suffrages, ces tribuns démagogues qui ont trouvé dans l’immigration leur unique fonds de commerce », écrit le recteur qui n’épargne pas « ces journalistes, mercenaires du sensationnalisme, qui ne puisent leurs chiffres que dans les abîmes de la stigmatisation ».

Tout ce beau monde ignore, hélas, « délibérément les lumières qui brillent ailleurs », déplore M. Hafiz qui en cite quelques-unes : Yasmine Belkaïd, directrice de l’Institut Pasteur « qui façonne l’avenir de la recherche médicale en France », Faïrouz Malek, « physicienne de génie » qui « explore les confins de la matière et du cosmos », Mehdi Chouiten et Ryad Boulanouar qui « révolutionnent la finance et les nouvelles technologies » et de nombreux autres Français d’origine algérienne qui « tracent la voie de la prospérité française » dans les laboratoires, les salles d’opération, les salles de marché, les conseils d’administration…

Au lieu de mettre en lumière ces sommités, « ceux qui ont besoin d’un ennemi intérieur pour masquer leur propre faillite » préfèrent la « vieille recette » de la fabrication du bouc émissaire et de l’obsession de la délinquance, « martelée à coups de statistiques tronquées », assène le recteur de la Grande mosquée de Paris.

Le regroupement familial « devient un crime » et la précarité « un stigmate », comme si elle n’était pas la conséquence de « décennies de discrimination et d’exclusion organisée », accuse le recteur.

Chems-Eddine Hafiz accuse aussi « l’amnésie collective » de ceux qui oublient l’apport passé et présent des Algériens de France, binationaux ou immigrés en situation régulière.

« Qui se souvient que sans eux, les rues de nos villes auraient été silencieuses faute de chauffeurs de bus ? Que les hôpitaux se videraient de leurs soignants, que les universités perdraient des chercheurs brillants, que le monde de la finance se priverait d’innovateurs audacieux ? », s’interroge-t-il.

« J’accuse ceux qui font profession d’oublier que la France est aussi l’œuvre de ces fils et filles d’immigrés », insiste-t-il, concluant en fustigeant « ceux qui alimentent la haine » et en appelant « ceux qui croient encore en la justice à ne pas se taire ».

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