Économie

Ali Bey Nasri : « La Banque d’Algérie n’aime pas les exportateurs algériens »

La Banque d’Algérie a émis une instruction n°06-2021 datée du 29 juin dernier relative aux modalités d’ouverture et de fonctionnement du compte devise commerçant et du compte devise professionnel non commerçant et à la répartition des recettes d’exportation de biens et de services hors hydrocarbures et produits miniers.

L’instruction précise : « Les recettes d’exportation de biens et de services rapatriées par toute personne commerçante, sont à inscrire au crédit de son compte devise commerçant. Vingt pourcent (20٪) de ces recettes peuvent servir à l’alimentation du compte exportateur, destinés au financement des opérations de promotion de ses activités à l’exportation ». (Article 6).

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Dans son article 7, l’instruction ajoute : « Le compte devise commerçant est destiné à enregistrer des opérations strictement liées à l’activité du commerçant », qui doivent néanmoins être soumises « à l’avis de la Banque d’Algérie ».

Cette instruction a surpris Ali Bey Nasri, président de l’Association des exportateurs algériens, alors que ces derniers pensaient pouvoir enfin disposer de 100 % des recettes en devises après l’annonce par le Conseil de la monnaie et du crédit, en mars dernier, d’un projet de révision de la réglementation des changes.

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« Une instruction toxique »

« Le 18 août 2020, le président de la République a annoncé que les exportateurs allaient se voir rétrocéder plus de 20 % (des devises). Nous pensions que l’instruction de la Banque d’Algérie allait être en faveur des explorateurs », se désole Ali Bey Nasri qui qualifie l’instruction de la Banque d’Algérie de « toxique ». Il rappelle que le 28 mars dernier, la Banque d’Algérie a annoncé la rétrocession à 100 % des devises pour les exportateurs.

Une mesure qui devait desserrer légèrement l’étau sur le contrôle des changes pour permettre le développement des exportations hors hydrocarbures.

Entre le 28 mars, date de l’annonce de la Banque d’Algérie, et « aujourd’hui, il n’y a rien eu », se plaignait déjà en juin dernier dans nos colonnes, Ali Bey Nasri.

« A ce moment-là, tout le débat était fortement axé autour des exportations des services et les potentialités du pays. La nouvelle instruction verrouille complètement ce qui était accordé à l’exportateur, notamment ce qu’on appelle le compte exportateur », regrette le président de l’Anexal dans une déclaration à TSA, mardi 13 juillet.

Et d’expliquer : « La devise issue de l’exportation va vers trois comptes de l’exportateur. Le compte dinars à raison de 50 % ; le compte de fonctionnement de l’entreprise exportatrice à hauteur de 30 % et enfin le compte exportateur à 20 %. L’ancienne instruction de la BA dit à propos du compte exportateur qu’il est libre d’utilisation à la discrétion de l’exportateur et sous sa responsabilité dans le cadre de la promotion de ses activités à l’exportation. Or, la nouvelle réglementation remet en cause complètement la libre disposition de la devise par l’exportateur », détaillé le président de l’Anexal.

Aujourd’hui, les exportateurs, quels qu’ils soient, ne peuvent retirer la devise en espèce qu’ « à titre exceptionnel ». « Quel est le taux ? La Banque d’Algérie est restée muette. On parle d’un montant raisonnable. Quelle est la banque qui va mesurer ce montant raisonnable ? », se demande M. Bey Nasri .

Le président de l’Anexal avance l’hypothèse suivante : « Le sous-entendu est le suivant : lorsqu’un exportateur demande à retirer par exemple 1.500 dollars, il doit revenir à la Banque centrale. Autrement dit, on a tout verrouillé. Même celui qui a une urgence et doit se rendre à l’étranger, lorsqu’il se présente à sa banque et demande à être servi, sa banque lui répond qu’elle doit d’abord en faire une demande à la Banque d’Algérie ».

Et Ali Bey Nasri conclut que la Banque d’Algérie « n’aime pas les exportateurs algériens ». « C’est mon intime conviction », lâche-t-il.

« Dans les années 1990, avec l’ouverture sur le marché international et la levée du monopole public, la réglementation permettait à l’exportateur de bénéficier de 100 % de ses recettes sur les produits manufacturés ; 50 % sur les produits agricoles et 20 % sur les produits viticoles. De 100 % en 1990, on est descendu à 50 % pour tous les produits en 1994 et par la suite le taux est tombé à 10 %. En 2011, j’ai personnellement dû faire le forcing pour faire remonter le taux à 20 % », rappelle M. Bey Nasri qui regrette qu’aujourd’hui « tout est verrouillé », en précisant que les exportateurs de services sont au même pied d’égalité que les exportateurs de biens.

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La domiciliation des exportations de produits frais étendue à 15 jours

Dans la foulée, la Banque d’Algérie a émis l’instruction n°07-2021 du 29 juin 2021 fixant le délai de domiciliation a posteriori des exportations de produits frais, périssables et/ou dangereux.

Elle stipule que la domiciliation des exportations de produits frais, périssables et/ou dangereux peut avoir lieu durant les quinze jours ouvrés qui suivent la date d’expédition et de déclaration en douanes, contre 5 jours auparavant.

Pour Ali Bey Nasri, cette mesure ne constitue pas une révolution : « Les anciens délais ne posaient pas tellement de problèmes ». « Les dépassements des 5 jours étaient rares et on n’attendait pas à plus que cela », affirme-t-il.

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