Sa première sortie publique était destinée à récuser l’accusation de « lâcheté » lancée maladroitement par Noureddine Boukrouh à l’égard des militaires à la retraite qu’il trouvait indifférents à la situation du pays.
C’était en septembre 2017. Ali Ghediri, général-major fraîchement mis à la retraite -à sa demande, précise-t-il- avait pris sa plume pour défendre son honneur et celui de ses compagnons qui, selon lui, malgré la loi qui les astreint au silence, « continuent à dénoncer ce qu’ils considèrent attentant à ce pays et à son peuple (…) le font publiquement, ici, en Algérie, à Alger (…) et en payent (le prix) chèrement, y compris leur progéniture et leur famille ».
Avec un certain mépris dans le style, le vieux routier de la politique qu’est Boukrouh remet à sa place le général qui se serait donc « placé parmi la poignée d’ex-hauts responsables » alors qu’il n’en faisait « notoirement pas partie ». « Vous avez un sérieux problème de géolocalisation, général. Vous vous placez là où personne ne vous met », avait alors écrit le fondateur du PRA.
« Lettre aux anciens »
La polémique s’était vite estompée car visiblement née d’un malentendu vite tiré au clair. Mais une année plus tard, Ali Ghediri monte de nouveau au créneau et s’exprime sur la situation du pays avec une audace qui dépasse les espérances de Noureddine Boukrouh.
D’abord une (très) longue tribune dans El Watan intitulée « Lettre aux anciens » dans laquelle il appelle clairement à la rupture et compare subtilement le peuple algérien à « Diogène le Cynique, ce philosophe grec, qui, en plein jour, sa lanterne à la main, parcourait les rues d’Athènes à la recherche de l’homme-providence ».
Ensuite, une lettre ouverte, publiée sur le même support, « au frère président Bouteflika » qu’il met en garde contre les desseins d’une « minorité » qui se sert de son image, de son passé et de l’affect populaire à son égard « pour monter des stratagèmes qui n’ont d’autre finalité que d’assouvir des desseins d’accaparement d’un pouvoir qu’elle sait hors de sa portée par les voies normales ».
Le général montera définitivement au front quand il exhorte, dans une interview au même journal le 25 décembre, ouvertement le chef d’état-major de l’armée d’assumer ses « responsabilités » en se dressant sur le chemin de ceux qui s’apprêteraient à transgresser la Constitution.
Les sorties du général Ghediri, dans la forme et dans le fond, sont toutes frappées du sceau du sérieux et de la constance, traduisant une réflexion profonde et méthodique, un diagnostic sans concession de la situation du pays, l’anticipation d’une crise inéluctable et enfin un appel clair à la rupture.
Candidat, avec ou sans Bouteflika
Ceux qui y ont décelé les signes d’une ambition de destin national du militaire à la retraite ne se sont finalement pas trompés. Ce samedi 19 janvier, soit au lendemain de la convocation du corps électoral par le président de la République, Ali Ghediri a annoncé officiellement sa candidature à l’élection présidentielle d’avril prochain.
Déjà un joli pied de nez à ceux qui ont parlé de lâcheté. M. Ghediri s’est jeté dans l’arène sans savoir si le « lion » sera là ou non. Il est prêt à affronter Bouteflika s’il se représente -ce qui demeure une très forte probabilité- contrairement à la quasi totalité des personnalités de l’opposition qui refusent de mener un combat « perdu d’avance ».
Ali Benflis, par exemple, a bien raison de réfléchir par deux fois. En 2004 puis en 2014, il a vérifié à ses dépens que Bouteflika ne se présente jamais dans une élection pour la perdre et ne laisse que des scores humiliants à ses adversaires.
Est-il sérieux de penser qu’on a réellement des chances de gagner face à Bouteflika et aux machines électorales des partis du pouvoir, l’administration et même l’armée, qui, avant même que Ghediri n’annonce sa candidature, lui a signifié ce qu’elle pense de lui et de ses projets : que son ambition est « démesurée » et « pas en rapport avec (ses) capacités sur plus d’un plan ».
L’exercice est d’autant plus difficile que l’homme n’a pas de troupes et il ne dispose que de trois mois pour en constituer. Autant dire que si Ali Ghediri devrait accéder au Palais d’El Mouradia en avril prochain, ce sera par un trou de souris.
Mais il lui reste l’espoir, loin d’être une utopie, d’un sursaut national salutaire qu’il juge « possible » dans sa déclaration de candidature. Possible au vu de la situation du pays, des perspectives sociales et économiques peu rassurantes, de l’état de santé du président Bouteflika qui l’empêche, quoi que l’on dise, d’assumer pleinement ses fonctions, et, enfin, du désir de changement perceptible chez toutes les franges de la société.
Aussi, Ali Ghediri a le profil idéal pour réaliser la « rupture sans reniement » qu’il promet : il est issu du système mais ne traîne aucune casserole.