Le « rejet massif » du référendum sur la Constitution, traduit un « sursaut de patriotisme et de dignité de la part du peuple« , analyse dans cet entretien, Ali Laskri, cadre du Front des forces socialistes (FFS), au lendemain du référendum sur la révision constitutionnelle.
Les Algériens ne se sont pas rendus massivement aux urnes hier dimanche 1er novembre pour le référendum sur la révision constitutionnelle. Le taux de participation est historiquement le plus bas des scrutins majeurs. Pourquoi ?
Écoutez, il y a eu la révolution du 22 février et depuis les Algériens ont gagné en maturité et en prise de conscience, avec une revendication politique très claire. À savoir le changement radical du régime. Par conséquent, ce boycott historique et massif est aussi un sursaut de patriotisme et de dignité de la part du peuple. C’est aussi un hommage aux membres fondateurs de l’OS (Organisation secrète), de l’ALN-FLN et à tous les martyrs et moudjahidine de la Révolution 54.
La faiblesse du taux de participation remet-il en cause de la légitimité de la nouvelle Constitution ?
Il y a eu une abstention massive lors des élections présidentielles du 12 décembre 2019 et ça s’est reproduit durant cette mascarade constitutionnelle qu’on a voulu élaborer pour la nouvelle Algérie. Or, c’est faux. Le rejet est clair et massif. Personne ne peut détourner la volonté du peuple pour contrôler sa destinée : ni les coups de force, ni les arrestations arbitraires, ni la peur, ni la terreur. Le régime s’est encore une fois mis dans une impasse politique, sans sortie de crise et ne reproduisant que des échecs.
Quelles seront les conséquences politiques ?
Le régime, encore une fois, est dans l’impasse totale aujourd’hui. Il s’agit de continuer la mobilisation pour le rejet du système autoritaire, et pour instaurer un État civil et non militaire, tout en veillant à sauvegarder le caractère pacifique et unitaire de la mobilisation. Seule une véritable transition démocratique, une conférence nationale de dialogique indépendante du pouvoir avec tous les acteurs politiques et de la société civile, mobilisés au sein de la révolution populaire et pacifique du 22 février, à travers un processus constituant avec une Assemblée constituante, est à même de nous sortir de la crise. Or, c’est de cela que le régime ne veut pas. Il fait dans l’alternance clanique en opposition à la transition démocratique. C’est pourquoi il faut rendre hommage au peuple algérien qui n’a pas répondu favorablement à cette mascarade constitutionnelle à travers laquelle on veut aussi instrumentaliser le 1er Novembre. Au niveau international, il ne sera retenu que le rejet des Algériens de la mascarade du 12 décembre et de celle du référendum sur la Constitution. Et c’est très grave pour ce régime et ce système.
Ce référendum constitutionnel est l’échec de qui au final ?
C’est l’échec du chef de l’État et du clan. Ils font dans l’alternance clanique et non démocratique. On a refusé la véritable transition démocratique en Algérie. L’opposition s’est constituée autour de la conférence du 26 juin 2019 pour rejeter la feuille de route du régime du 6 juillet à savoir l’élection présidentielle. Le processus électoral a été mené au pas de charge militaire. On ne veut pas de la primauté du politique sur le militaire. Ils ne veulent pas d’un État de droit, civil et démocratique. Ils ne veulent pas de l’indépendance de la justice. Aujourd’hui, le peuple algérien leur a donné une réponse incroyable.
Le résultat de cette consultation populaire va-t-elle donner de la vigueur au mouvement populaire, comme le soulignent certains de ses acteurs ?
Oui cela va lui donner beaucoup de vigueur. La pandémie du Covid-19 a fait en sorte que la mobilisation n’est plus de qu’elle était au lendemain du soulèvement du 22 février 2019. Et le régime a profité de la crise sanitaire. Mais attention, il faut garder espoir.
Le taux de participation de 23,7 % vous paraît-il conforme à la réalité ?
De tout temps, le régime a donné de faux chiffres qu’il a gonflés. Et cette fois-ci on ne sait pas de combien il a gonflé le taux. Parce que le peuple algérien a rejeté massivement cette mascarade constitutionnelle. Pourquoi 23,7 % ? Pour la simple raison que le régime ne peut pas cacher le soleil avec le tamis. La participation est moindre que ce qui a été annoncée.