Le nouveau ministre allemand de l’Intérieur a déclenché sa première polémique vendredi en s’en prenant à la place de l’islam en Allemagne, moins de deux jours après l’investiture dans la douleur du gouvernement d’Angela Merkel.
“Non. L’islam n’appartient pas à l’Allemagne. L’Allemagne est marquée par le christianisme. Le dimanche chômé, les jours fériés chrétiens et les rituels comme Pâques, la Pentecôte ou Noël en font partie”, a lâché Horst Seehofer, patron de la très conservatrice CSU, alliée bavaroise de la CDU de Mme Merkel.
S’il estime, dans l’entretien au quotidien populaire Bild, que les musulmans vivant dans le pays y ont “évidemment” leur place, ceux-ci ne doivent pas vivre “à côté ou contre” les Allemands.
La chancelière a contredit son ministre à la mi-journée lors d’une conférence de presse en soulignant que les musulmans du pays “appartiennent à l’Allemagne et leur religion, l’islam, appartient tout autant qu’eux à l’Allemagne”. Elle s’est cependant gardée de le rappeler à l’ordre.
– Controverse inutile –
Mme Merkel avait déjà ainsi tranché le débat en 2015 en notant que l’Allemagne comptait quatre millions de musulmans, en majorité des travailleurs immigrés venus à la demande des autorités ou leurs descendants, principalement d’origine turque. Sa prise de position intervenait aussi au moment où elle ouvrait le pays à des centaines de milliers de réfugiés syriens, irakiens ou afghans.
La sortie de M. Seehofer n’a guère était appréciée des sociaux-démocrates (SPD), alliés indispensables pour la survie du quatrième gouvernement de Mme Merkel. Ce dernier est entré en fonction mercredi, après six mois d’imbroglio post-électoral, et le grand parti de centre-gauche a prévu un bilan d’étape dans 18 mois.
Un poids lourd du SPD, Stephan Weil, a ainsi accusé le ministre de l’Intérieur d’avoir provoqué une “controverse complètement inutile”.
Le président du Conseil central des musulmans d’Allemagne, Aiman Mazyek a jugé pour sa part que M. Seehofer s’était “disqualifié et (avait) agi de manière irresponsable”.
Pour nombre d’observateurs, le ministre de l’Intérieur cherche surtout à courtiser les conservateurs qui ont fui lors des législatives de septembre vers le parti d’extrême droite Alternative pour l’Allemagne (AfD) et dont le score historique a privé le camp de Mme Merkel d’une majorité claire pour gouverner.
Or son parti, la CSU, est engagée dans un combat pour conserver sa majorité absolue en Bavière lors des régionales du 14 octobre. L’AfD espère l’en priver avec un score à deux chiffres.
“Il veut regagner les électeurs de l’AfD même s’il risque une grosse dispute dès les débuts de la GroKo”, surnom de la coalition de Mme Merkel, relève le quotidien Die Welt sur son site internet.
Le député des Verts Jürgen Trittin a accusé le ministre de “faire campagne pour l’AfD” et de “diviser” le pays. “On connaît cette manière de parler, ça revient à dire +je n’ai rien contre les étrangers mais…+”, a-t-il dit.
– Electoralisme ? –
Du côté de l’Alternative pour l’Allemagne, on accusait M. Seehofer de plagiat électoraliste.
“C’est le premier épisode d’une longue série avant les régionales bavaroises: Horst Seehofer lit le programme de l’AfD”, a réagi Beatrix von Storch, une des figures de la formation anti-islam.
“Ce message de Horst Seehofer provient, mot à mot, de notre programme”, a aussi noté l’élu André Poggenburg, qui vient d’être forcé de démissionner de certaines fonctions dans le parti d’extrême droite pour avoir qualifié les Turcs de “marchands de cumin” et de “chameliers”.
La position de Horst Seehofer n’est néanmoins pas une surprise. Très hostile à la politique migratoire de Mme Merkel, qui a ouvert l’Allemagne en 2015 et 2016 à plus d’un million de migrants, il a arraché dans le contrat de gouvernement actuel un plafond de 180.000 à 220.000 demandeurs d’asiles accueillis par an.
Il a aussi suscité la controverse en faisant ajouter au titre de “ministre de l’Intérieur” le qualificatif de “Heimat”, un concept difficilement traduisible situé entre la patrie, le terroir et le chez soi, qui fut détourné sous le nazisme.