Neuf mois après avoir accueilli Donald Trump à Paris, le président français Emmanuel Macron effectuera une visite d’État aux États-Unis du 23 au 25 avril dans un contexte où l’Élysée souligne la qualité de la relation bilatérale.
À Paris, on rappelle qu’il s’agit de « la première visite d’État d’un dirigeant étranger depuis le début de l’administration Trump ». On insiste également sur le fait que le déplacement du président français intervient dans « un moment d’actualité très chargé » ou encore dans le « cadre de dialogue extrêmement étroit entre la France et les États-Unis » et qu’il faut « renforcer cette dynamique ».
Bref, des périphrases faisant évidemment référence à l’opération militaire menée par la France, les États-Unis et le Royaume-Uni en Syrie dans la nuit du 13 au 14 avril à la suite de l’attaque présumée à l’arme chimique dans la Ghouta orientale.
Si certains commentateurs ont vu dans cette opération militaire un alignement de la France sur la ligne de Washington, d’autres la perçoivent comme une mise en œuvre du discours présidentiel français sur la Syrie.
Macron savait qu’un « bis repetita » – son prédécesseur François Hollande avait renoncé en 2013 à engager une opération en Syrie après le retrait de Washington et de Londres – lui serait particulièrement nuisible. Plusieurs fois depuis son arrivée à l’Élysée, le président Macron a martelé que l’utilisation d’armes chimiques contre les civils était une ligne rouge à ne pas franchir, et que cette notion ne rimait à rien si elle n’était pas respectée.
Bref, Paris a marqué un point. Quelques heures après les frappes en Syrie, le locataire de l’Elysée explique au cours d’une interview accordée à BFM TV, RMC et Mediapart qu’il a réussi à convaincre son homologue américain Donald Trump « qu’il fallait limiter ces frappes aux armes chimiques alors qu’il y a eu des emballements médiatiques par voie de tweet ».
Il assure également qu’il l’a convaincu de ne pas se désengager militairement du territoire syrien. 2000 hommes des forces spéciales américaines sont actuellement déployés dans le nord de la Syrie. « Il y a dix jours, le président Trump disait ‘les États-Unis ont vocation à se désengager de la Syrie’, nous l’avons convaincu qu’il était nécessaire d’y rester ».
Problème, dans la foulée, la Maison Blanche dément cette information via la porte-parole Sarah Sanders. « La mission américaine n’a pas changé. Le président a dit clairement qu’il veut que les forces américaines rentrent dès que possible. » Pas sûr que trois jours aux États-Unis suffisent à Macron pour dissuader Donald Trump de se retirer de la Syrie.
Officiellement les deux hommes s’entendent bien. Le président français ne s’est encore jamais attiré les foudres de son homologue américain. Mais le moment de vérité pour le couple franco-américain va se jouer dans les prochaines semaines.
En effet, Donald Trump devra dire le 12 mai s’il valide de nouveau ou non l’accord sur le nucléaire iranien. À cette échéance seulement, il sera possible de dire si l’influence de Paris sur les Américains – que Macron sous-entend – était réelle. On pourra également juger de la solidité de cette « relation très forte » dont parle l’entourage du chef de l’État.
À l’Élysée, on rappelle que cette visite d’État est d’abord très politique. « L’idée est de dépasser les contingences de l’actualité immédiate, d’élargir la focale pour regarder l’ensemble de l’histoire des relations entre nos deux pays qui n’ont jamais été en guerre ». Autrement dit, en langage moins diplomatique, il ne faut pas s’attendre à de grandes avancées sur les dossiers chauds du moment, et en particulier au sujet de l’Iran.
L’avenir de l’accord sur le nucléaire iranien est en effet la partie la plus difficile à jouer. Paris veut tout faire pour sauver l’accord en dépit des « inquiétudes » qu’elle partage avec Washington sur l’Iran, notamment sur « l’influence iranienne en Syrie, en Irak et en Libye ».
L’entourage d’Emmanuel Macron insiste sur le travail actuellement mené en amont pour sauver cet accord signé le 14 juillet 2015. La présence de Jean-Yves Le Drian, le chef de la diplomatie française (et ministre de la Défense au moment de la signature de l’accord) à ce voyage est évidemment un indice pour dire que les tractations en coulisses vont s’intensifier.
« On espère que cette visite d’État va permettre de faire avancer les choses », souffle-t-on à l’Élysée qui indique toutefois que le sujet est « très important, central (…) mais qu’il ne doit pas « éclipser l’importance politique de cette visite d’État ». Le malaise est palpable.
Selon l’Élysée, Trump n’aurait pas encore pris sa décision quant à l’avenir de l’accord de Vienne. Paris exclut toutefois le scénario du retrait. « Aujourd’hui on pense qu’il n’y a pas de plan B ». Et assure que les Européens sont très soudés sur ce dossier. La chancelière allemande Angela Merkel se rendra à Washington le 27 avril, deux jours après Emmanuel Macron. Pas sûr toutefois que la parole allemande soit très écoutée à la Maison-Blanche vu le climat très tendu entre Paris et Washington.
Après plus de 12 ans de négociations, le texte de l’accord sur le nucléaire iranien avait été conclu le 14 juillet 2015 à Vienne avec Téhéran par les cinq membres permanents du Conseil de sécurité (États-Unis, Russie, Chine, France, Royaume-Uni) et l’Allemagne.