Recette miracle pour se retrouver au devant de la scène et éclipser tous les mastodontes de la scène politique, même lorsqu’on dirige un minuscule parti, qui n’existe qu’à l’occasion des messes du pouvoir : savoir saisir au vol les initiatives politiques déterminantes pour l’avenir du pays.
Amar Ghoul, le président de TAJ, depuis qu’il a fait sienne la proposition de son ex-camarade du MSP, Abderrazak Makri, de reporter l’élection présidentielle d’avril prochain, est devenu un homme important. Et il n’y a pas que les journalistes qui viennent aux nouvelles au siège de TAJ, que beaucoup étaient sans doute incapables jusque là de situer sur une carte. On y vient même des chancelleries.
Pour avoir une longueur d’avance et ne pas être pris de court par les événements à venir, l’ambassadeur des États-Unis a cru savoir où aller puiser la vérité. On ne sait pas avec quoi est reparti John Paul Desrocher à l’issue de son tête-à-tête ce lundi 17 décembre avec Amar Ghoul, mais il a dû se convaincre que ce qu’avait à dire le président de TAJ valait au moins la peine d’être écouté.
C’est simple, connaissant le mode de fonctionnement du système politique algérien, un membre de la majorité présidentielle ne peut remettre en cause subitement et sans raison l’une des rares réussites du pouvoir en place, soit la stabilité des institutions et le respect du calendrier électoral. L’aval, pour ne pas dire l’injonction des « décideurs », des vrais, est indispensable dans ce genre d’audace.
Car c’est cela la substance de la proposition faite par Amar Ghoul : organiser une conférence nationale qui débouchera, même s’il ne l’a pas dit pas explicitement dans un premier temps, sur le report de la présidentielle. L’idée à été lancée par Abderrazak Makri du MSP et lorsque Amar Ghoul l’a reprise à son compte, d’aucuns ont cru déceler son origine.
Devant l’impasse induite par la dégradation de l’état de santé du président, le pouvoir se chercherait une échappatoire en associant l’opposition à son plan de rechange qui serait donc la prolongation du mandat actuel du chef de l’État, le temps de se mettre d’accord sur son successeur. L’analyse tiendra jusqu’à ce que le président du MSP tire publiquement sur Ghoul et le pouvoir qu’il accuse de voir récupérer son initiative dans le but de la « diluer ».
Mais n’était-ce pas un peu trop tard ? Le calendrier ayant ses caprices, le congrès de TAJ était prévu pour le 15 décembre et il était écrit que c’est aux assises du parti de Amar Ghoul que sera presque actée la trouvaille du pouvoir : la continuité sans cinquième mandat. Ce jour-là, les chefs des partis de la majorité étaient au complet et même l’indésirable Naïma Salhi s’est invitée à la photo de famille. La déclaration lue par le chef provisoire du FLN au nom de ses pairs est sans équivoque : les portes-voix du pouvoir accueillent favorablement, du moins ne rejettent pas, les initiatives émises par différents acteurs politiques. Entendre par là celle de leur camarade Amar Ghoul, si l’on considère que Abderrazak Makri en demandait trop avec sa proposition de refonte totale du système.
Cela dit, même ce que propose Ghoul est loin d’être futile puisqu’il s’agit de réviser la constitution, reporter l’élection et prolonger le mandat du président. Pour une question d’une telle gravité, il aurait été plus cohérent qu’elle soit lancée et chapeautée par un des deux poids lourds de l’Alliance. On voit mal, très mal, le FLN jouer le figurant dans une pièce qui a pour thème central l’avenir du président, son président. Le RND, le parti du Premier ministre, ne peut non plus s’accommoder d’un tel rôle, sauf si l’ex-parti unique est aux commandes.
A moins que le rusé chef de TAJ n’ait court-circuité tout le monde d’un coup, et son ancien compagnon du MSP et ses alliés actuels. Ce n’est qu’une supputation, mais les longues tractations qui ont retardé d’une bonne matinée le début des travaux du congrès de son parti peuvent bien s’expliquer par quelque réticence d’Ouyahia, Bouchareb et Benyounès à laisser Ghoul continuer à chapeauter le projet qui risque, au mieux de le discréditer, au pire de le faire capoter.
L’image et le protocole, en pareille circonstance, ont leur importance. La déclaration finira par être lue par le responsable du parti du président, mais on se demande si le mal n’était pas déjà fait : c’est bien chez Amar Ghoul que l’ambassadeur d’une grande puissance est allé s’informer.
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