Alors que le journal The Telegraph rapporte ce vendredi que l’agent innervant qui a empoisonné l’ancien agent double russe Sergueï Skripal et sa fille Ioulia a été introduit dans une des valises de cette dernière avant qu’elle ne quitte Moscou, l’escalade de tensions entre Moscou et l’Occident se voit qualifiée de « nouvelle guerre froide » entre les blocs est-ouest.
Moscou avait jusqu’à mardi 13 mars à minuit pour fournir une explication sérieuse à Londres sur la tentative d’empoisonnement de l’ex-agent double russe installé au Royaume-Uni depuis quelques années. Mais c’est une fin de non-recevoir que la Russie a choisi d’adresser à Londres, moquant un « numéro de cirque » et pourfendant de telles accusations.
Depuis une décennie, une série de morts suspectes de ressortissants russes au Royaume-Uni est venue entacher les relations entre les deux pays.
| LIRE AUSSI : Affaire de l’empoisonnement d’un ex-agent double russe : Moscou se moque, Londres menace
Quelques heures après la fin de l’ultimatum, le gouvernement britannique a mis à exécution ses menaces de sanctions en annonçant l’expulsion de 23 diplomates russes – des agents de renseignement sous couverture- et le gel des relations bilatérales. La chef du gouvernement Theresa May a indiqué qu’il s’agissait de la plus importante expulsion de diplomates depuis trente ans et qu’elle « dégraderait profondément » la capacité des services de renseignement russes au Royaume-Uni.
La chef du gouvernement britannique a également fait savoir qu’aucun représentant du gouvernement britannique ni membre de la famille royale ne se rendra en Russie pour la Coupe du monde de football en juin.
Moscou a dénoncé un acte « hostile, inacceptable et injustifié » déplorant le choix de la confrontation au détriment de la coopération. Néanmoins, Londres n’a – pour l’instant – pas choisi de frapper au portefeuille dans un contexte où une soixantaine de compagnies russes sont cotées à la Bourse de Londres et où la croissance de l’immobilier de luxe londonien est portée par les fortunes russes.
Dans la foulée, Paris, Londres et Washington ont publié jeudi une déclaration commune de solidarité dans laquelle ils expriment leur « consternation » après l’attaque contre Sergeï et Ioulia Skripal.
« Cet emploi d’un agent neurotoxique de qualité militaire, d’un type développé par la Russie, constitue le premier emploi offensif d’un agent neurotoxique en Europe depuis la seconde guerre mondiale. C’est une atteinte à la souveraineté britannique, et toute action de cette nature venue d’un État-partie à la Convention sur l’interdiction des armes chimiques est une violation claire de ladite convention et du droit international. C’est notre sécurité à tous qui est menacée », écrivent-ils dans un communiqué commun.
Quelques heures plus tard, Washington a annoncé des sanctions contre la Russie en réponse à l’ingérence de Moscou dans l’élection présidentielle américaine de 2016 et à plusieurs cyber-attaques visant des infrastructures américaines.
Une nouvelle poussée de fièvre entre la Russie et les États-Unis un mois après la mort de combattants de nationalité russes tués en Syrie par des forces américaines déployées dans la région.
De son côté, le président français Emmanuel Macron, qui défend depuis son arrivée à l’Élysée la nécessité d’un dialogue avec le président Vladimir Poutine, a annoncé que Paris prendrait des mesures dans les prochains jours.
« Tout porte à croire que la responsabilité est en effet attribuable à la Russie et en cela le travail mené par les services britannique partagé avec les services français le confirme », a-t-il indiqué jeudi lors d’un déplacement en province.
Emmanuel Macron a également choisi de boycotter le pavillon russe – pays invité d’honneur – lors de l’inauguration du 42e Salon du Livre à Paris jeudi soir. Dans un premier temps, Paris avait fait part de son souhait d’attendre la preuve de l’implication de Moscou dans l’affaire de cet agent russe double recruté par les services britanniques en 1995.
À quelques jours du scrutin présidentiel russe, ce climat délétère donne au président Vladimir Poutine -candidat à sa propre succession – l’occasion de se positionner comme l’homme fort de Moscou face à une campagne de dénigrement et à l’hystérie orchestrées par les pays occidentaux.
Car, dans cette lutte entre Moscou et les puissances occidentales, c’est en réalité un combat pour la vérité qui se joue. Et Poutine -certes assuré de gagner le scrutin- pourrait tirer profit d’un sentiment patriotique renforcé en raison des attaques et sanctions de l’Occident.
Le conseil de sécurité de la Fédération de Russie s’est réuni jeudi à Moscou. Selon le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov, Poutine a fait part de son « extrême préoccupation » face à l’attitude adoptée par le Royaume-Uni, selon les médias officiels russes. Par la voix de son chef de la diplomatie Sergueï Lavrov, la Russie a promis une réponse aux mesures de rétorsion britanniques.
Selon des sources du Financial Times, l’agent double russe aurait fourni des informations au Royaume-Uni et à des agences de renseignement occidentales “amies” après 2010, mais « seulement sur une courte durée ». Sergueï Skripal et sa fille Ioulia sont toujours hospitalisés dans un état critique.