Aux termes des normes internationales, la police ne doit recourir à la force que lorsque cela est strictement nécessaire et proportionné, et d’une manière visant à ne causer que le minimum de dommages et d’atteintes à l’intégrité physique. Ce que ne respectent pas les autorités marocaines souligne l’ONG internationale.
« Les forces de sécurité marocaines doivent cesser d’utiliser une force excessive contre les manifestants pacifiques et de les intimider », a déclaré, Amnesty International le 16 mars.
En effet, le 14 mars, à Jerada, ville située dans le nord du pays, cinq camions de la police ont foncé dans un rassemblement de manifestants, blessant de nombreuses personnes.
« Les autorités doivent permettre les manifestations pacifiques, en accordant la priorité à la sécurité des manifestants. Les personnes doivent pouvoir exercer librement leurs droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique, et les forces de sécurité ne doivent jamais être autorisées à utiliser une force excessive contre les manifestants », a déclaré Heba Morayef, directrice du programme régional Afrique du Nord et Moyen-Orient d’Amnesty International.
« Ces mouvements de protestation ont lieu en réaction à de véritables difficultés économiques. La police doit avoir pour rôle de protéger les citoyens et de calmer la situation en cas de tensions, et non d’attiser ces tensions. Le fait qu’une manifestation n’a pas été explicitement autorisée ne justifie pas l’utilisation d’une force excessive. »
Le 13 mars, le ministre de l’Intérieur a interdit les manifestations non autorisées dans la ville de Jerada. Cette décision a été prise en réaction aux appels à manifester lancés sur les réseaux sociaux à la suite de la mort de deux frères dans une mine de charbon trois mois plus tôt.
Le lendemain matin, plusieurs dizaines de manifestants ont organisé un sit-in à proximité des mines de charbon du village de Youssef. Ils ont été rejoints environ trois heures après par des proches, ce qui a porté à au moins cent le nombre de manifestants, selon des observateurs.
Deux témoins ont indiqué à Amnesty International que les forces de sécurité étaient présentes depuis le début du sit-in, vers 10 heures du matin. Vers 13 heures, de façon soudaine et sans avertissement, les forces de sécurité ont commencé à disperser de façon violente les manifestants. De nombreuses manifestantes ont été frappées. Des affrontements entre manifestants et forces de sécurité s’en sont suivi ils se sont intensifiés et des protestataires ont lancé des pierres et commis d’autres actes de violence. Environ 64 personnes ont été blessées, et huit au moins ont été arrêtées.
Un membre de l’Association marocaine des droits humains (AMDH) qui habite à Jerada a dit à Amnesty International : « J’étais là quand les forces de sécurité ont commencé à attaquer. Ce qui s’est passé le 14 mars, c’est des représailles prévues de longue date contre les manifestations à Jerada qui ont toujours été pacifiques. »
Deux membres de l’AMDH ont déclaré à Amnesty International que vers 18 h 30, cinq camions de la police ont foncé sur la foule pendant 15 minutes, renversant au moins une personne. Dans une vidéo publiée sur YouTube le 14 mars, qui a été vérifiée par Amnesty International, on voit des camions foncer sur les manifestants, parmi lesquels se trouvent des femmes et des enfants.
Un adolescent de 14 ans a été renversé il a été emmené à l’hôpital d’al-Oujda. L’accès à l’hôpital est depuis interdit.
Aziz Ait Abbou, qui est l’un de ceux qui se trouvent à la tête de ce mouvement de protestation, mais qui n’a pas participé aux manifestations du 14 mars, a dit à Amnesty International :
« Les autorités ont pris des engagements concrets et sérieux lors des négociations du mois de février. Il faut leur laisser le temps de mettre en place ces mesures. Mais je regrette profondément l’approche qui a été adoptée en matière de sécurité. Il faut mettre en place une approche sociale pour Jerada c’est la seule façon d’éviter les violences et de parvenir à une situation bénéfique pour tous. Il faudrait dans un premier temps que les autorités libèrent les protestataires qui ont été arrêtés pour avoir manifesté pacifiquement. »
Le 15 mars, la présence des forces de sécurité s’est intensifiée à Jerada. Le membre de l’AMDH a déclaré que la majorité des travailleurs de Jerada sont maintenant en grève. Des manifestations pacifiques ont également eu lieu dans les quartiers d’Ouled Amar, d’El Massira et d’El Manar.
Complément d’information
La décision du ministère de l’Intérieur se base sur les articles 11, 12 et 13 du décret royal (Dahir) n° 377.58.1 du 15 novembre 1958 sur les rassemblements publics interdisant les manifestations non autorisées dans les lieux publics.
La ville de Jerada a été sinistrée au niveau économique par la fermeture de sa mine en 1998. Elle est devenue l’épicentre de mouvements sociaux déclenchés par la mort de Houcine et Jedouane, deux frères qui ont perdu la vie dans une mine de charbon le 22 décembre 2017. Des manifestations avec des revendications socioéconomiques y ont depuis lieu, les manifestants revendiquant en particulier le droit à la justice et au travail, comme pour le mouvement de contestation du Hirak.
Aux termes des normes internationales, la police ne doit recourir à la force que lorsque cela est strictement nécessaire et proportionné, et d’une manière visant à ne causer que le minimum de dommages et d’atteintes à l’intégrité physique.
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