Le groupe Faderco, spécialisé dans la fabrication d’ouate de cellulose et de produits d’hygiène corporelle, a lancé, ce mercredi 12 décembre, une quatrième usine à Sétif. Cette usine produira 60000 tonnes d’ouate de cellulose par an, dont la moitié est destinée à l’exportation.
Dans cet entretien, le PDG de Faderco, Amor Habes, revient sur ce nouvel investissement et sur les ambitions à l’international de son groupe.
Vous avez signé ce mercredi un accord avec le groupe suédois Valmet pour la fourniture des machines pour votre future usine d’ouate de cellulose à Sétif. Pourquoi investir aussi massivement dans l’ouate de cellulose ?
L’aventure de Faderco dans l’industrie de la cellulose a été engagée il y a précisément sept ans. Nous avons commencé par une première réflexion pour passer à la production de la matière première que nous importions pour notre industrie, pour les couches-bébés, le papier, les serviettes hygiéniques. Nous avons décidé de produire la matière première localement.
Ça a été un défi qui a été relevé il y a cinq ans et qui s’est concrétisé par le démarrage de la première usine en 2015, d’une première capacité de 30 000 tonnes.
Mais je peux dire que de 2015 à aujourd’hui, les choses se sont accélérées et beaucoup de choses ont été réalisées, des choses très positives.
Une forte demande à l’international du produit “Warak” ou produit de bobine (d’ouate de cellulose) et une très forte adhésion des transformateurs locaux algériens en plus de Faderco à notre produit, a accéléré les choses. Ce qui devait se faire dans un délai de trois ans, nous l’avons avancé à aujourd’hui pour entrer en production dans 18 mois, c’est-à-dire à l’été 2020.
Cela nous permettra de doubler nos capacités de production, de passer de 30 000 à 60.000 tonnes à l’horizon 2020.
Pourquoi l’ouate de cellulose précisément ?
Pour revenir à la stratégie de Faderco, l’élément moteur du groupe et de ses actionnaires, c’est de développer son corps de métier.
Il faut savoir que nous avons décidé il y a 32 ans d’investir dans les produits d’hygiène corporelle. Nous avons commencé par les produits en coton puis nous sommes passés aux serviettes hygiéniques féminines, puis les couches-bébés et, plus tardivement, les couches pour adultes dont nous avons été les premiers à fabriquer en Algérie.
Ensuite, naturellement, nous avons investi dans la transformation des produits papier. Si on fait le bilan, nous sommes le numéro 1 en hygiène féminine avec de très fortes marques comme Awane, avec de 50% des parts de marché. Nous sommes un acteur incontournable sur le marché des couches-bébés avec les marques Bimbies et Dada, avec 25% de parts de marché, nous sommes les premiers fabricants de couches pour adultes avec 65% de parts du marché national avec nos marques Uniforme et Viva et depuis 2012 à aujourd’hui, nous produisons 17 000 tonnes de produits de papier comme les serviettes, les mouchoirs, les essuie-tout sous la marque Cotex qui a aujourd’hui près de 40% des parts de marché.
Donc il était tout à fait naturel d’intégrer verticalement notre chaîne industrielle en produisant les bobines d’ouate de cellulose pour nos propres besoins et ceux du marché local et international.
Cette nouvelle extension vient pour répondre à une très forte demande qui nous vient de l’international. Nous avons exporté cette année un peu plus de 5000 tonnes d’ouate de cellulose alors que la demande exprimée par nos clients à l’international dépassait les 15 000 tonnes. Ceci démontre deux choses. Premièrement, la bonne qualité des bobines que nous sommes arrivés à sortir de notre première usine à Sétif et, deuxièmement, des coûts de production très attractifs qui nous permettent de mettre sur le marché un produit avec un très bon rapport qualité-prix.
Donc vous fournissez également d’autres fabricants algériens de produits d’hygiène corporelle et de produits en papier ?
Nous sommes les principaux fournisseurs de pratiquement toutes les marques locales. Je pense qu’aujourd’hui, nous avons une part de marché (sur la matière première) qui avoisine les 70%. Ce qui veut dire que 70% du papier ouate consommé en Algérie provient de nos usines. Il faut aussi savoir que c’est un marché qui connaît une très forte croissance. Ces cinq dernières années, la croissance a dépassé les 13% par an.
Faderco exporte des produits autres que l’ouate de cellulose ?
Oui. 50% de nos exportations consistent en de la cellulose mais le reste est composé de produits finis, tels que nos produits Cotex, Awane ou Bimbies. Ils sont exportés vers le Maroc, la Tunisie, la Libye, la Mauritanie, le Sénégal, le Mali et le Togo. En Europe, nous sommes présents avec les bobines d’ouate de cellulose. Depuis trois mois, nous avons commencé les exportations vers le Qatar et bientôt, vers les Émirats arabes unis. Nous participons actuellement à une manifestation économique au Caire, pour essayer de décrocher des contrats sur place.
Pour la fabrication d’ouate de cellulose, vous utilisez des matières premières locales ou importées ?
Certaines sont importées mais il faut savoir que nous avons réduit notre dépendance aux matières premières importées à travers le projet « Warak 1 » qui produit des bobines d’ouate de cellulose qui étaient jusqu’en 2015 importées.
Pour fabriquer de l’ouate de cellulose, il faut de la pâte de bois. Elle provient des grandes forêts d’Amazonie ou d’Europe du Nord. Ces deux pôles fournissent toutes les industries mondiales d’ouate de cellulose. Il faut aussi de l’énergie, du gaz, de l’électricité qui sont des matières première locales, de l’eau que nous avons également localement et, bien sûr, un savoir-faire qui est, dans notre cas, algérien.
Le seul intrant importé est la pâte de bois qui représente aujourd’hui 30% du coût de production. Nous avons donc aujourd’hui un taux d’intégration qui avoisine les 70%.
Il y a quelques semaines, de nombreux Algériens se sont plaints du manque de couches pour adultes. Était-ce une réelle pénurie ou un problème de distribution ?
Toutes les études dont nous avons connaissance donnent une taille du marché algérien de 70 millions de couches pour adultes par an.
En 2012, nous avons lancé un investissement pour la fabrication de couches pour adultes de 60 millions d’unités par an. Nous sommes aujourd’hui deux producteurs, le second a une production de 20 millions d’unités. C’est-à-dire qu’à nous deux, nous produisons 80 millions d’unités par an. Donc, quand on dit pénurie, c’est plutôt une pénurie sur les produits importés.
Les restrictions sur les importations sont-elles bonnes ?
Il faut aussi voir le côté positif des restrictions sur les importations. Depuis l’interdiction de l’importation des couches-bébés, Faderco a augmenté sa production de 35%, ce qui implique aussi la création d’emplois. Avant, nous tournions avec deux équipes, aujourd’hui nous travaillons avec quatre équipes et nous équipements tournent sept jours sur sept, ce qui est déjà très important. Aussi, je peux vous annoncer dès maintenant que nous avons engagé la procédure d’acquisition, pour fin 2019, d’une nouvelle ligne de production de couches pour adultes en format culotte.
Vous revendiquez le statut de leader des produits d’hygiène corporelle et des produits en papier sur le marché algérien, un statut qui sera sans doute renforcé par l’ouverture de cette nouvelle usine en 2020. Mais pour l’après 2020, quels horizons, quels projets pour Faderco ?
Toutes les entreprises qui ont atteint un seuil critique dans leur croissance, vont chercher de la croissance au-delà de leurs frontières nationales. L’ambition serait aujourd’hui d’être accompagnée par notre gouvernement dans la mise en place des règles permettant l’investissement et la croissance des entreprises algériennes à l’international, notamment en Afrique. Beaucoup d’opportunités existent mais il faudrait qu’on trouve le cadre légal pour le faire. Ça serait une source de devises pour l’Etat algérien puisqu’au lieu d’exporter des produits, nous exporterions un savoir-faire pour rapatrier des dividendes directement en Algérie.
Nous avons besoin de l’accompagnement de l’État pour investir en Afrique. L’idée c’est de le faire dans un cadre ou l’État accompagnerait des entreprises comme Faderco à aller s’installer, dans le cadre d’une politique économique globale du pays. L’accompagnement peut se situer à tous les niveaux : financier, logistique, diplomatique et au niveau des assurances des biens et des personnes.
L’idée aussi est que l’État nous oriente vers les pays dans lesquels investir, comme font certains pays comme la Turquie ou la Chine qui vont en Afrique de l’Ouest. C’est une aventure commune entre les entreprises et l’État.
Avez-vous ou avez-vous eu des difficultés à investir et à développer votre entreprise ?
Sincèrement, un entrepreneur trouvera toujours des freins et je pourrais dire que ceux que nous avions il y a dix ans, nous ne les avons plus aujourd’hui. Il y a maintenant d’autres types de freins mais qui ne sont pas insurmontables.