L’Algérien Aniss Boukantar, issu des bancs de l’Université de Bab Ezzouar d’Alger (USTHB), s’est imposé dans un domaine ultra-concurrentiel à l’échelle mondiale.
Passionné de science, il est la preuve qu’à force de persévérance, on se fraye un chemin dans le cercle très fermé de la recherche au niveau international.
Plongée dans le parcours brillant d’un jeune chercheur algérien qui passe par Apple et Sonatrach avant d’intégrer Eurecat, prestigieux centre de recherche en Espagne.
Aniss Boukantar, les défis d’un jeune étudiant en sciences à Alger
Né à Alger, le jeune Aniss Boukantar a grandi dans le quartier de Hydra, sur les hauteurs de la capitale algérienne. Il suit un parcours scolaire classique jusqu’en 2010, quand il décroche son bac.
Passionné par les sciences, il intègre l’université USTHB de Bab Ezzouar et enchaîne une licence en génie mécanique, puis un master en science des matériaux.
Son parcours prend un autre tournant en 2016, lorsqu’il passe un concours national pour le doctorat.
Il révèle à TSA Algérie : « J’ai passé le concours national pour les doctorants. Ils recrutaient une dizaine de candidats à l’échelle nationale, et j’ai terminé 7e sur des centaines de participants ».
L’aventure du doctorat lui ouvre les portes d’un domaine de niche, où il travaille sur des matériaux métalliques et céramiques indispensables dans les industries stratégiques, telles que le forage pétrolier, l’usinage, l’aérospatiale et l’automobile.
Il explique : « Ces matériaux doivent résister à des conditions extrêmes de pression et de température, et c’est là qu’intervient la tribologie, science de l’usure et de la friction des matériaux ».
Durant son cursus, il passe par le Centre de Recherche et Développement (CRD) de Sonatrach à Boumerdès en Algérie. « J’y ai passé six mois en tant qu’ingénieur de laboratoire, ce qui ressemble un peu au travail d’un chercheur. Cette expérience m’a confirmé que c’était ce que je voulais faire », explique-t-il à TSA.
Le seul « Algérien parmi environ 500 personnes »
Après la soutenance de sa thèse de doctorat en 2021, Aniss Boukantar fait un détour inattendu par Apple, où il opère comme analyste de données et chef de projet, mais il retrouve rapidement le chemin des laboratoires de recherche.
Cette fois, le jeune Ph.D Boukantar vise plus haut : il intègre Eurecat Technology Center, centre de recherche de pointe en Catalogne, en Espagne, et leader mondial dans le domaine.
« Je suis le seul Algérien parmi environ 500 chercheurs, ingénieurs et techniciens », souligne-t-il fièrement. C’est effectivement un exploit, étant donné que ces postes sont très convoités.
Pour décrocher sa place, Aniss ne s’est pas appuyé sur ses seuls diplômes. « J’ai publié cinq articles scientifiques, et j’ai 70 citations », dit-il, citant les revues scientifiques dans lesquelles il a été publié, tels que l’International Journal of Refractory Metals and Hard Materials, ou le Ceramics International.
« C’est généralement ce que réalise un chercheur confirmé », assure-t-il. Son autre atout majeur pour percer dans le domaine de la recherche est la maîtrise de langues étrangères.
« Je parle espagnol, anglais, français et arabe, ça m’a aidé à me démarquer », dit-il. Une aisance héritée de son enfance partiellement passée en Espagne, et renforcée par un stage de recherche à l’université Estrémadure à Badajoz.
Conscient des défis que rencontrent les jeunes scientifiques algériens, Aniss Boukantar a un message encourageant : « Être Algérien, ce n’est pas un match perdu d’avance ».
Un message personnel pour les étudiants algériens
Le manque de moyens, l’encadrement parfois insuffisant ou encore les longues années de thèse, Aniss a affronté les mêmes obstacles, et selon lui, rien n’est impossible.
« Aux jeunes chercheurs algériens, qui ont un diplôme algérien comme le mien, qui ont pris le « Cous » (Bus de transport universitaire) comme moi, qui ont mangé à la cantine comme moi… J’aimerais leur dire qu’il ne faut pas perdre espoir », exprime-t-il.
En plus de s’intéresser à la science, il appelle à « développer d’autres compétences : apprendre des langues, s’ouvrir à l’économie, le management… », car « si on veut se mesurer à l’échelle mondiale, on doit être excellent ».
Aniss Boukantar garde une « profonde attache avec l’Algérie ». Outre ses vacances qu’il passe en famille et avec des amis, il se révèle actif au sein même de l’université qui l’a vu grandir.
« Je collabore avec mes anciens collègues de l’USTHB. Sur mon temps libre, j’analyse des résultats, j’aide à rédiger des articles, et on publie ensemble », nous confie-t-il.
Cet engagement, il le voit plus grand à l’avenir : « Quand j’aurai emmagasiné suffisamment de connaissances, j’aimerais les ramener à mon pays. Ce sera avec fierté ».
Pour l’heure, il a d’autres ambitions : « les États-Unis, le Canada, le Japon ou la Corée du Sud, des pays où la recherche est plus dynamique qu’en Europe ».
Une dernière fois, il s’adresse aux jeunes talents dans toute l’Algérie : « Doctorat, master ou licence, peu importe. Il ne faut pas négliger le diplôme et la connaissance qu’on a. À ceux qui sont démotivés et découragés, j’aimerais leur dire qu’il ne faut pas s’arrêter d’apprendre, dans son domaine ou en périphérie ».