Le secrétaire d’État américain Antony Blinken est attendu ce mercredi 30 mars à Alger, dans le cadre d’une tournée au Moyen-Orient et au Maghreb.
La tournée a été entamée dimanche en Israël où le chef de la diplomatie américaine a rencontré, outre les responsables locaux et ceux de l’autorité palestinienne, ses homologues d’Égypte, du Maroc, de Bahreïn et des Émirats arabes unis. Avant de se rendre à Alger, il a effectué une visite mardi à Rabat, le même jour que celle du prince héritier des Émirats, Mohamed Ben Zaïd, dans le royaume.
En Israël, les discussions de Blinken ont porté sur le nucléaire iranien et le conflit israélo-palestinien. Dans un contexte de fortes tensions avec la Russie à cause de la guerre déclenchée par cette dernière contre l’Ukraine, les États-Unis tentent d’arrondir les angles avec tout le monde et ne pas laisser les dossiers en suspens interférer dans la grande crise actuelle avec Moscou.
Depuis le début de celle-ci, certains alliés traditionnels des États-Unis ne se sont pas complètement alignés sur leur position vis-à-vis du conflit en Ukraine.
Le Maroc s’est gardé de voter la dernière résolution de l’assemblée générale des Nations unies condamnant la Russie, les Emirats arabes unis sont timorés et Israël n’a pas suivi les sanctions occidentales. En outre, rien ne va plus comme avant entre l’Arabie saoudite et la nouvelle administration américaine.
La tournée du secrétaire d’État américain est donc l’occasion de rassurer les alliés des États-Unis sur des questions comme l’accord imminent sur le nucléaire iranien ou le soutien à la solution à deux Etats que réclament les pays arabes de la région, avec l’objectif de fortifier l’alliance stratégique avec les signataires des accords d’Abraham en 2020.
Ce sont les ministres des pays ayant reconnu Israël que Blinken a rencontrés pendant la première étape de sa tournée.
De tous les pays que le chef de la diplomatie américaine aura visité ou dont il aura rencontré les responsables pendant cette tournée, seule l’Algérie n’a pas signé les accords d’Abraham.
La visite à Alger d’un secrétaire d’État américain est toujours un évènement important en raison de l’importance des relations entre les deux et du poids des Etats-Unis ainsi dans le monde et de celui de l’Algérie dans la région.
Si l’Algérie est incluse dans cette tournée, c’est évidemment en raison de son importance dans la région aux yeux des États-Unis et du rôle qu’elle pourrait jouer dans la conjoncture actuelle.
L’Algérie est une puissance régionale, facteur de stabilité dans le Maghreb et au Sahel et un acteur incontournable dans la lutte contre le terrorisme dans la région.
La nouvelle administration a cédé au fait accompli de Trump
C’est surtout un important producteur de gaz duquel sont attendues des quantités supplémentaires pour l’Europe qui cherche des alternatives au gaz russe. Vis-à-vis de la crise ukrainienne, il est attendu d’elle au moins de garder sa posture de neutralité qu’elle a affichée avec son abstention lors du vote de la dernière résolution de l’ONU.
L’Amérique attend beaucoup de l’Algérie, comme le montre ce ballet diplomatique. Quelques semaines avant cette visite de Blinken, c’est son adjointe Wendy Sherman qui s’est rendue à Alger, sans doute pour les mêmes sollicitations.
Hélas, sans offrir grand-chose en contrepartie. Sur les grands dossiers qui concernent la région, notamment celui du Sahara occidental, les États-Unis se sont alignés sur les thèses marocaines.
Le planning même de la tournée en cours est évocateur : le chef de la diplomatie américaine a commencé par ses alliés du Moyen-Orient et du Maghreb et Alger est laissée en dernier.
Les analystes s’accordent à expliquer l’enhardissement du Maroc, en premier chef envers l’Algérie, par l’accord signé en 2020 avec Israël et les États-Unis, actant notamment la reconnaissance par ces derniers de la souveraineté marocaine sur les territoires sahraouis occupés.
C’est de là que sont partis les développements survenus cette année, des provocations marocaines qui ont débouché sur la décision d’Alger de rompre ses relations diplomatiques avec le royaume, au récent revirement spectaculaire de l’Espagne qui soutient désormais le plan marocain d’autonomie.
Certes, les accords d’Abraham et le rapprochement avec le Maroc ont été initiés sous l’égide de l’ancien président Donald Trump, mais il n’en reste pas moins que la nouvelle administration a cédé au fait accompli et ne fait rien pour imprimer une autre orientation à sa politique maghrébine et moyen-orientale.
Une politique qui risque de plonger la région dans l’instabilité. Se sentant puissant grâce au soutien de ses nouveaux alliés notamment israélien, le Maroc se permet désormais de provoquer ses voisins, y compris l’Espagne, poursuivant sa politique belliqueuse au Maghreb.
Début février, le ministre algérien des Affaires étrangères Ramtane Lamamra a accusé le Maroc de chercher la guerre avec l’Algérie. « Il faut se demander si ceux qui développent des coopérations militaires avec des puissances militaires étrangères qui n’ont rien à voir avec la région nord-africaine ne sont pas ceux qui parient sur le pire », avait-il dit dans un entretien à RFI.