Plus que jamais, le président contesté de l’APN joue avec les nerfs de ses adversaires. Après avoir procédé au blocage de l’entrée principale du siège de l’Assemblée dans la matinée de ce mardi 16 octobre, les députés contestataires ont tenu une réunion dans l’après-midi pour décider des suites à donner à leur action.
À l’issue du conclave, ils ont rendu publique une déclaration qui traduit plus leur désarroi que leur détermination. « Devant la situation qui prévaut à l’APN, et vu la transgression du règlement intérieur et suite à la levée de la couverture politique de M. Bouhadja qui appartient au groupe du FLN, nous appelons le bureau de l’Assemblée à prendre les mesures qui s’imposent », indiquent-ils dans la déclaration lue par le président du groupe parlementaire du MPA, Hadj Cheikh Berbara.
Le Bureau de l’Assemblée devrait donc se réunir ce mercredi à 14h, mais pour prendre quelles mesures, du moment que ni la destitution ni aucune disposition pouvant pousser Saïd Bouhadja vers la sortie ne sont prévues par les textes régissant le Parlement, soit la constitution, la loi organique de 2016 et le règlement intérieur ? Le Bureau va-t-il assumer l’incroyable pas franchi ce mardi par certains députés qui ont scellé les portes de l’Assemblée et attendu de pied ferme le président contesté pour l’empêcher de rejoindre son bureau ?
Le Bureau, pas plus que les présidents des groupes parlementaires et des commissions permanentes, ne dispose d’aucun outil légal pour obtenir la démission du président. Il ne reste que l’illégalité dans laquelle les contestataires s’enfoncent chaque jour un peu plus, car même le bureau auquel ils jettent la patate chaude ne peut se réunir sans être dûment convoqué par le président de l’Assemblée. C’est dans l’article 18 du règlement intérieur qui stipule aussi que l’ordre du jour de la réunion doit être communiqué aux membres 48 heures avant sa tenue.
Comment des députés dont la mission première est d’élaborer les lois peuvent-ils à ce point ignorer celles qui régissent le fonctionnement de leur institution ? Si le Bureau opte lors de sa réunion de ce mercredi pour la constatation de la vacance présidence de l’Assemblée, il se retrouvera en porte-à-faux avec les dispositions de l’article 10 du même règlement intérieur, qui lui confère certes ce pouvoir, mais seulement dans des conditions qui ne souffrent d’aucune ambiguïté. « En cas de vacance de la présidence de l’Assemblée Populaire Nationale par suite de démission, d’incapacité ou d’incompatibilité ou de décès, il est procédé à l’élection du Président de l’Assemblée populaire nationale suivant les mêmes modalités prévues par le présent règlement intérieur, dans un délai maximum de quinze (15) jours à compter de la déclaration de la vacance. »
Aucune de ces situations ne s’applique au cas de Saïd Bouhadja. Lui bloquer l’accès à son bureau pour ensuite constater la vacance du poste, c’est un plan d’une incroyable ingénuité qui ne fera qu’enfoncer davantage ses auteurs dans l’illégalité
Ils pourraient aussi mettre à profit la réunion de ce mercredi pour interpeller officiellement les « plus hautes autorités du pays » sur la situation qui prévaut à l’Assemblée. Mais là aussi, ce serait un mépris clair à leur institution, censée être indépendante du pouvoir exécutif en vertu de la constitution qui consacre la séparation des pouvoirs. Aussi, il n’est pas sûr que la Présidence de la République appréciera, elle qui, par le biais de canaux officieux, ne cesse de répéter que la crise à l’APN ne la concerne ni de près de loin.
Il restera alors peut-être aux députés contestataires la solution qui parait la plus sensée : renvoyer la balle aux chefs de leurs partis respectifs, Djamel Ould Abbès et Ahmed Ouyahia en tête, en leur demandant de trouver une solution politique à un problème politique qu’ils ont créé pour des raisons sans doute aussi politiques.