Les députés de la majorité qui ont lancé l’opération contre Saïd Bouhadja peuvent-ils crier victoire après l’annonce, mercredi 17 octobre, par le Bureau de la vacance du poste de président de l’APN ? C’est peut-être un peu tôt. Pour plusieurs raisons.
Pour atteindre leur objectif, les députés ont dû fouler aux pieds le règlement intérieur de l’Assemblée populaire nationale : geler les activités du Bureau et des Commissions de l’Assemblée est en contradiction avec la loi. Ensuite, ils ont cadenassé la porte d’entrée de l’APN pour empêcher le quatrième personnage de l’Etat d’accéder à son bureau.
Pour finir, ils ont tenu une réunion extraordinaire du Bureau afin de constater la « vacance » du poste de président de l’APN. Or, de l’avis de la constitutionnaliste et professeur en droit, Fatiha Benabbou, la « vacance » ne peut être évoquée qu’en cas de dissolution de l’Assemblée ou de décision d’organiser des élections législatives anticipées. Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Mais la commission juridique a été saisie. Elle va se réunir ce jeudi pour confirmer cette «vacance » et donner le coup d’envoi de la procédure pour l’élection d’un nouveau président de l’APN.
Dans le même temps, Said Bouhadja n’a toujours pas remis sa démission. Selon toute vraisemblance, l’APN aura un nouveau président « élu » dans une semaine, qui prendra place alors que Said Bouhadja peut encore se prévaloir d’être légalement le président de l’APN. Selon Dzair News, le président de l’APN refuse toujours de partir. Il a choisi d’occuper un bureau dans une annexe de l’APN à Alger, loin de l’agitation du Palais Zighout Youcef. Sur les réseaux sociaux, ses soutiens évoquent des suites judiciaires à l’affaire.
Dès son élection la semaine prochaine, la question de la légitimité du futur président va rapidement se poser. Quelle crédibilité accorder à celui qui doit remplacer Saïd Bouhadja, alors que toute la procédure pour obtenir son éviction est entachée d’illégalité ? Si le futur président peut s’appuyer sur la large majorité que lui offre la coalition des cinq partis politiques (FLN, RND, TAJ, MPA, et le groupe des indépendants), son élection portera le sceau de l’irrégularité de la procédure de destitution de son prédécesseur.
Le futur président de l’APN ne sera que le reflet de l’agonie politique qui caractérise le paysage politique du pays. Déjà que dans l’imaginaire des Algériens, l’APN n’est qu’un instrument dont la seule raison d’exister est d’entériner les décisions du gouvernement, le spectacle offert depuis trois semaines n’est pas de nature à redorer le prestige d’une institution qui souffre d’un déficit d’image et de légitimité depuis de nombreuses années.
Autre question : comment les partis d’opposition vont travailler avec le nouveau président, alors que l’éviction Said Bouhadja est dénoncée comme un coup de force ? Le président du MSP qui parle « d’un coup d’État » et demande au Conseil constitutionnel d’intervenir pour invalider la procédure. Même réaction au RCD qui affirme qu’il s’agit d’un véritable putsch guidé par des clans habitués aux coups d’État. « Cette action ayant pour instruments des partis de l’allégeance porte atteinte à la légalité d’une institution républicaine et marque une sérieuse escalade dans la lutte entre les différentes factions du sérail », a affirmé Athmane Mazouz, président de l’instance parlementaire du RCD. La crise que vit l’APN est loin d’être terminée.