À chaque assemblée, ses députés « spécifiques ». Celle qui a été élue le 12 juin dernier a aussi les siens qu’on a découverts à l’occasion du débat général sur le plan d’action du gouvernement Aïmene Benabderrahmane, à partir de lundi 13 septembre.
Dans leurs interventions, certains élus ont rivalisé de piques et réparties à l’adresse de l’Exécutif, n’hésitant pas à ratisser large en termes de thèmes abordés et même à provoquer par leurs explications simplistes aux problèmes qui se posent à la société.
Un jeune député FLN de la wilaya de Mila aborde le dossier très sensible des prix des véhicules devenus inaccessibles pour le commun des Algériens. « (S’agissant) du dossier des véhicules sur lequel je me suis penché, et selon les informations que j’ai pu obtenir, je pense que la hausse des prix est due à leur augmentation sur les marchés mondiaux », expose ce député qui ajoute que ce problème tient à la question des réserves de change. « Et ça c’est un long débat… », évacue-t-il.
Pas sûr que cette explication puisse convaincre Mustapha Zebdi, président de l’association des consommateurs, qui a qualifié sur TSA le dossier des véhicules de feuilleton mexicain sans fin. Depuis la suspension des importations des véhicules neufs et l’arrêt des usines de montage, le marché de l’automobile est entré dans une grave crise avec une offre inexistante et la hausse spectaculaire des prix.
« N’augmentez pas les salaires, diminuez-les ! »
Un député indépendant a voulu pour sa part faire sensation en tançant des membres de l’Exécutif. Dans sa cible, pêle-mêle, les ministres de la Santé, de l’Intérieur, de la Justice. À ce dernier, le député réclame une revalorisation des salaires des juges qu’il faut préserver, dit-il, de toute pression ou tentation.
« Donner 100 millions au juge ne suffit pas. On ne doit pas fixer de barèmes pour les juges. Un magistrat doit toucher un bon salaire pour qu’il ne dépende de personne. Nous n’aurons pas de salut si on ne prend pas soin du juge », proclame le député. Le propos le plus « dur », il le réserve au ministre du travail : « Vous nous volez au grand jour », lance-t-il sans autre explication.
Ce député indépendant aborde ensuite la question du pouvoir d’achat des ménages algériens qui s’érode de façon inquiétante face à une hausse des prix incontrôlable. La conception que ce parlementaire fait de cette question cruciale étonne.
« J’entends des voix qui réclament une hausse des salaires. Ne les augmentez pas, diminuez-les davantage. Tout ce qu’il y a c’est que vous augmentez le pouvoir d’achat. C’est la base », enjoint-il. Mais il y a comme une contradiction dans le propos du député : « Augmentez les salaires ou diminuez-les ce n’est pas la base », dit-il en conclusion.
Un autre parlementaire aborde, lui, le dossier lié à la récupération de l’argent volé par les oligarques emprisonnés. « Il y a un recul dangereux par rapport au plan du précédent gouvernement (d’Abdelaziz Djerad) qui s’était attelé à lancer une lutte implacable contre la corruption et a fait de ce sujet un engagement de la plus haute importance », lance-t-il.
S’il considère qu’on peut se passer de l’argent détourné et transféré à l’étranger si sa récupération s’avère impossible, le parlementaire exhorte l’Exécutif à se montrer intraitable concernant les deniers volés et qui se trouvent sur le territoire national.
La théâtralisation du discours est un art consommé chez les politiques algériens. Faire rire juste pour le plaisir de le faire, c’est chose courante. Mais qu’en est-il du fond ? Un député indépendant de la wilaya de Bordj Badji Mokhtar se plaint du temps insuffisant pour les députés afin de discuter du plan d’action du gouvernement.
Huit jours au lieu de quatre, réclame-t-il. « Pourquoi nous mettre la pression ? Rien ne presse. Nous n’avons pas volé, Dieu merci », lance-t-il. « De plus, nous ne sommes pas en état de guerre », renchérit-il. « Je parcours des dizaines de kilomètres pour seulement six minutes (temps d’intervention par député), proteste-t-il. Qu’on me donne au moins 10 minutes ».
Des applaudissements se font entendre dans les travées de l’assemblée. Un incident d’audience a failli avoir lieu entre le président de l’Assemblée et le député qui revient à la charge : « Personne ne peut tenir du matin jusqu’à 1h du matin. Humainement, c’est insupportable. Même le Premier ministre qui a été infecté par le Covid est encore en convalescence ».