L’Algérie connaît une autre année de faible pluviométrie. C’est la quatrième saison de suite que les précipitations sont en deçà de la moyenne habituelle.
Il est à espérer que le mois d’avril et ce qui reste de mars soient pluvieux pour éloigner le spectre d’un autre été difficile en matière d’approvisionnement en eau potable. À la mi-mars, le taux de remplissage des barrages n’est pas rassurant.
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L’année hydrique a pourtant commencé sous de bons auspices avec un mois de novembre exceptionnellement pluvieux. C’est les quantités de pluie et de neige en hauteur, tombées pendant ce mois-là, qui ont permis au niveau des barrages de monter quelque peu alors qu’à la fin de l’été, plusieurs d’entre eux étaient à sec.
Les images du barrage de Taksebt, qui alimente Tizi Ouzou, Boumerdes et Alger, ou encore celui de Keddara, qui fournit également la capitale, avaient inquiété tout le pays.
Grâce aux pluies et neiges de l’automne le taux de remplissage des barrages (moyenne nationale) est monté à 36,24 % en décembre. Puis c’est de nouveau la sécheresse.
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L’hiver 2021-2022, qui tire à sa fin, est sans doute le moins pluvieux en Algérie depuis plusieurs années. La preuve est donnée par chiffres par le ministre des Ressources en eau et de la Sécurité hydrique, Karim Hasni, qui s’exprimait devant la commission spécialisée du Parlement.
Selon le ministre, le niveau des barrages n’a que très peu monté depuis l’automne : 37,66 % à la mi-mars contre 36,24 % en décembre. Certes, tout n’est pas perdu. Le changement climatique fait que les quantités d’un mois de pluie peuvent tomber en quelques jours.
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L’Algérie a connu plusieurs épisodes du genre et c’était justement le cas en novembre dernier. Le taux de remplissage des barrages peut donc s’améliorer d’ici le mois de mai.
Sauf que rien ne le garantit. Que compte faire le gouvernement si la situation actuelle persiste ? Devant les députés, le ministre chargé du secteur a annoncé la réalisation de forages, 700 au total, dont 320 ont été mis en service. Ils s’ajouteront à 1200 autres forages relevant d’autres institutions, dont 577 ont été mis en service. C’est, semble-t-il, le seul levier sur lequel les autorités peuvent agir dans l’urgence, en plus bien sûr du rationnement.
Les forages pour éviter le pire
Les eaux souterraines constituent une alternative qui évitera le pire même si elles ne pourront pas compenser les quantités manquantes d’eau superficielles.
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Pendant les années 2000 à 2010, l’Algérie a énormément investi dans le secteur de l’eau, mettant en place une stratégie de diversification des ressources incluant les eaux souterraines, les réserves des barrages et l’eau dessalée.
Plusieurs stations de dessalement ont été construites le long du littoral sur des fonds publics et privés. La crise actuelle a amené le gouvernement à tracer un programme de réalisation de stations supplémentaires, mais leur apport ne se fera pas avant plusieurs années.
L’eau dessalée, ainsi que les forages existants ou réalisés dans l’urgence, ont permis aux grandes villes d’éviter une grave pénurie d’eau pendant l’été dernier.
L’approvisionnement a été rationné, et il l’est toujours d’ailleurs, notamment dans la capitale, et la majorité des quartiers et cités ont pu être alimentés à un rythme d’un jour sur deux, avec quelques perturbations dans l’application du programme toutefois.
La majorité des mouvements de protestation (fermeture de routes notamment) enregistrés l’été passé étaient motivés par ces perturbations, certaines zones étant restées plusieurs jours sans eau.
Qu’en sera-t-il cet été alors que la pluviométrie semble jusque-là encore moins bonne que l’année précédente ? Sans doute que si des épisodes exceptionnels de pluie ne surviennent pas dans les deux prochains mois, des restrictions encore plus drastiques sont à prévoir.
Les autorités peuvent tout au plus atténuer les retombées du manque de pluie en intensifiant la cadence de réalisation des forages, là où les canalisations de transfert sont déjà en place et surtout là où l’état de la nappe phréatique le permet.
Mais le gouvernement manque de stratégie dans ce domaine. La politique de l’eau se résume au rationnement et les annonces de réalisations de forages et quelques petites stations de dessalement, alors que les besoins du pays sont énormes, en matière d’eau potable pour les populations, mais aussi en matière d’eau pour l’industrie et surtout l’agriculture.
Ce dernier secteur a été fortement impacté par la sécheresse qui frappe le pays ces dernières années, alors que plus que jamais la sécurité alimentaire du pays est un enjeu crucial, comme l’a rappelé une nouvelle fois la guerre en Ukraine et son impact sur l’approvisionnement de plusieurs pays dont l’Algérie en céréales notamment.
Après plusieurs années de quiétude et d’approvisionnement en H24 notamment dans les grandes villes, l’Algérie retombe de nouveau dans le stress hydrique.
Une véritable politique de l’eau qui comprend la lutte contre le gaspillage de cette ressource vitale, la sécurisation de l’approvisionnement du pays en eau avec la réalisation de nouvelles stations de dessalement, la récupération et l’utilisation des eaux usées dans l’agriculture et l’industrie ainsi que l’exploitation rationnelle des eaux de la nappe albienne sont nécessaires pour permettre à l’Algérie de faire face à la sécheresse et aux risques sociaux liés au manque d’eau potable.