Les anciens soutiens de Bouteflika ont-ils saisi le sens profond du formidable élan populaire pour le changement ? On en doute fort quand on voit leur empressement à reproduire dans toutes leurs actions les mêmes réflexes et les mêmes comportements qui ont amené le peuple algérien à se révolter avec une rare détermination.
A peine s’en sont-ils lavés les mains publiquement des tares de l’ancien président qu’ils sont déjà à la recherche d’un nouveau maître à suivre aveuglément. Un bel exemple nous est donné par le Forum des chefs d’entreprise (FCE), l’une des organisations les plus impliquées dans le soutien à Bouteflika.
Mardi 23 avril, l’organisation patronale s’est exprimée publiquement. Pas pour dire un traître mot sur l’arrestation d’hommes d’affaires dont certains sont ses adhérents, mais pour apporter son soutien à l’armée qui, jusqu’à preuve du contraire, n’a rien demandé.
Pourquoi le soutien à l’armée, en quoi la soutenir et peut-il exister un Algérien qui ne soutient pas l’armée de son pays ? Lorsque la chute de Bouteflika était devenue inéluctable, les patrons membres de l’organisation étaient tombés à bras raccourcis sur Ali Haddad, lui endossant exclusivement la responsabilité de ce qu’est devenu le FCE, c’est-à-dire une coquille vide qui n’existe que pour dire et redire son soutien au président.
On n’avait pas besoin de voir sur la chaîne Dzair News cet enregistrement de Réda Hamiani prêtant allégeance à celui qui a dirigé l’Algérie pendant vingt ans. Tous les Algériens savaient que le soutien à Bouteflika n’était pas l’idée du seul Haddad et de ses frères et que tous les autres membres de l’organisation l’avaient cautionné au moins par leur silence. Du reste, le vote lors des assemblées générales se faisait à main levée et tous, sans exception, ont dit oui aux mandats successifs de l’ancien président y compris le cinquième.
Le communiqué de ce 23 avril, signé d’un président intérimaire, n’augure rien de bon et pour l’avenir de l’organisation patronale et pour celui de l’Algérie. Quelle que soit l’identité des nouveaux dirigeants du pays qui émergeront à l’issue de l’actuelle transition, leurs intentions et la manière dont ils auront pris les clés de la décision, ils trouveront un soutien inconditionnel de ceux qui n’ont pas appris à faire des affaires ou de la politique en dehors de l’allégeance aux puissants du moment.
L’attitude du FCE n’est malheureusement pas l’unique illustration de ces réflexes du système à la peau dure. Des partis politiques, des organisations, des associations et surtout beaucoup de médias font preuve depuis quelques semaines de la même incohérence de dénoncer le système tout en reproduisant ce qu’il a de plus méprisable.
Le premier à avoir applaudi l’éviction de Bouteflika et l’intronisation de Abdelkader Bensalah fut le parti TAJ d’Amar Ghoul, l’un des soutiens les plus zélés de l’ancien président. Dans les médias publics et certains privés, la seule révolution à laquelle on assiste c’est le remplacement du nom et du portrait de Bouteflika par ceux de Abdelkader Salah.
Ceux qui avaient fait de Bouteflika une ligne rouge en font aujourd’hui de même avec l’armée, en attendant le nouveau maître du pays. C’est dans leur ADN et il serait naïf d’attendre d’eux une autre attitude aujourd’hui puisqu’avant Bouteflika, ils avaient soutenu tous les autres avant d’être les premiers à les pourfendre.
S’il y a un comportement que les Algériens qui battent le pavé depuis plus de deux mois, souhaitent voir disparaître en premier, c’est précisément celui-là. C’est simple et pas trop compliqué à comprendre : l’ancien président n’aurait pas persévéré dans l’erreur sans les applaudissements continus de ses laudateurs intéressés. Dans la nouvelle Algérie, ces gens-là devront changer. Ou disparaître…