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Après la déception Hollande, Macron sera-t-il le président de l’apaisement et du renouveau ?

Emmanuel Macron, candidat d’En Marche !, ni de droite, ni de gauche, a été élu président de la France avec 66,1% des voix, contre 33,9% pour la candidate du Front national Marine Le Pen.

Des symboles d’unité 

Si Emmanuel Macron incarne une forme de renouvellement en politique (39 ans, encore inconnu du grand public il y a trois ans), il doit désormais rassembler une France déchirée. Sa victoire est loin d’être un triomphe et l’épilogue de cette campagne présidentielle laisse un tableau inquiétant. Marine Le Pen a doublé le score de son père de 2002 avec 10,64 millions de voix. Quant à l’abstention et le nombre de votes blancs, ils atteignent des niveaux historiques.

Dimanche soir, l’ancien ministre de l’Économie de François Hollande a manifestement cherché à envoyer les premiers signes d’unité de sa présidence. Le jeune président très solennel a choisi l’Ode à la joie de Beethoven, l’hymne européen, pour accompagner sa marche sur l’esplanade du Louvre. Au pied de la pyramide du grand musée parisien, la foule réunie pour fêter la victoire de leur champion a dansé sur les chansons d’Abdel Kader et de Magic System. Tout un symbole.

Soulagement de la communauté musulmane 

Pour la communauté musulmane de France, prise régulièrement pour cible dans cette campagne présidentielle par François Fillon ou Marine Le Pen et déçue de l’ère Hollande, la victoire d’Emmanuel Macron est accueillie avec soulagement. La Grande Mosquée de Paris a salué la « brillante élection » du candidat sans étiquette. Anouar Kbibech, président du Conseil français du culte musulman (CFCM) a félicité dès dimanche soir le nouveau président de la République. « Félicitations du CFCM à Emmanuel Macron pour sa belle élection qui ouvre à notre pays un avenir de fraternité et de solidarité », a-t-il dit sur son compte Twitter.

Dans une interview accordée à TSA avant le premier tour de l’élection présidentielle, le président du CFCM avait salué le candidat non hostile à l’islam, souhaitant éviter toute « hystérisation » du débat sur ces questions.  « Emmanuel Macron a une conception de la laïcité apaisée. Il a réaffirmé son attachement à une laïcité qui garantit la liberté de croire ou ne pas croire, et qui protège le libre exercice du culte dans le respect des lois de la République. Il a aussi précisé qu’il était hostile à une extension de la loi de 2004 sur les signes religieux à l’espace public ou à l’université », expliquait à TSA Anouar Kbibech. Au second tour, le CFCM avait appelé à voter en faveur du candidat d’En Marche !, « compte-tenu de la gravité de la situation et de l’importance des enjeux ».

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Espoir à Alger 

L’arrivée du jeune président de la République suscite aussi beaucoup d’espoir à Alger. Au lendemain de sa victoire au premier tour, le ministre des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, l’a qualifié « d’ami de l’Algérie ». Lundi matin, via un message diffusé par l’agence officielle, le président Abdelaziz Bouteflika a usé du même qualificatif « ami » et salué sa victoire et son courage politique, en référence aux propos d’Emmanuel Macron sur le passé colonial de la France en Algérie.

Au cours de sa visite à Alger en février, le candidat à la présidentielle avait qualifié la colonisation de « crime contre l’humanité ». « La colonisation fait partie de l’histoire française. C’est un crime, c’est un crime contre l’humanité, c’est une vraie barbarie et ça fait partie de ce passé que nous devons regarder en face en présentant aussi nos excuses à l’égard de celles et ceux envers lesquels nous avons commis ces gestes », avait-il lâché lors d’une interview accordée à Echorouk News, laissant croire à un processus de repentance de la France sur la question.

 

 

Certes, il est le seul homme politique à avoir tenu une position aussi courageuse et nette sur le passé colonial de la France, mais il a aussi été contraint de faire marche-arrière, et de se justifier à plusieurs reprises pendant sa campagne. Alors qu’une partie de la classe politique française s’indigne, Emmanuel Macron poste une vidéo sur son site de campagne pour faire taire la polémique. Le candidat à l’Élysée maintient sa position « il faut avoir le courage de dire la vérité […] dire que la colonisation a entraîné la négation du peuple algérien », mais l’expression « crime contre l’humanité » a été gommée du discours.

Néanmoins, malgré cette clarification -il jure que ces propos ont été mal-interprétés et qu’il ne voulait heurter personne- Emmanuel Macron est aussi le seul candidat à avoir porté une vision du couple franco-algérien. Dans une tribune publiée sur TSA en février, il estime que « les perspectives d’un nouvel âge franco-algérien ne manquent pas » et défend un partenariat dans les domaines de l’éducation, de l’économie et de la culture. « Nous devrions également renforcer nos instituts de formation franco-algériens. Plusieurs universités existent déjà dans différents domaines (…) D’autres secteurs devraient être encouragés, comme la médecine ou le journalisme », écrit-il.

En économie, l’ancien ministre de l’Économie dit vouloir miser sur « l’innovation et l’entreprenariat ». « Nous avons entre l’Algérie et la France des milliers de jeunes, d’étudiants, d’entrepreneurs qui sont déjà engagés ou rêvent de se lancer dans des projets autour des nouvelles technologies. Je veux les accompagner ».

Enfin, au niveau culturel, il défend l’idée -proposée par l’ancien journaliste de France Télévisions Rachid Arhab- de créer une chaîne franco-algérienne sur le modèle de la chaîne franco-allemande Arte.

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La déception Hollande dans tous les esprits 

Mais ces déclarations ont un air de déjà vu. En décembre 2012, François Hollande -en déplacement à Alger pour une visite officielle- s’était également adressé à la jeunesse, en évoquant la mise en place d’un système d’échanges universitaires du type Erasmus à l’échelon méditerranéen, la création de quatre “instituts d’enseignement supérieur de technologie” algériens, sur le modèle des IUT français, et un projet de maison de l’Algérie à la cité universitaire internationale à Paris (annoncée en 2005 déjà.…). Aucun de ces projets n’a vu le jour.

Quant aux engagements économiques, les résultats restent contrastés. Dès le début de son quinquennat, le président Hollande défend le concept de « colocalisation » au Maghreb. Elle vise à faire fabriquer – par une main d’oeuvre qualifiée mais moins onéreuse dans un pays étranger- des composants intermédiaires industriels à forte valeur ajoutée. En échange, des centres de formation sont crées dans le pays d’accueil. Paris promet alors un partenariat « gagnant-gagnant ». L’usine du constructeur automobile Renault dans la région d’Oran devait être un exemple de ce partenariat d’un nouveau genre. Elle n’a donné lieu à aucun transfert de technologies et à une création d’emplois dérisoire.

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