Un mois et demi après Angela Merkel, un autre dirigeant d’un grand pays européen est attendu à Alger ce lundi 5 novembre.
Comme celle de la chancelière allemande, la visite du président du Conseil italien, Giuseppe Conte, sera courte et à coup sûr fortement médiatisée.
Depuis quelques années maintenant, les dirigeants du monde ne défilent que rarement à Alger, capitale d’un pays certes loin d’être infréquentable, mais effacé par la force des choses sur la scène diplomatique mondiale et devenu presque inintéressant sur le plan économique malgré son immense potentiel.
Sans doute, la maladie du président de la République pose problème sur le plan protocolaire et est pour beaucoup dans cette « désaffection » des chefs d’Etat étrangers pour la destination Algérie. Mme Merkel par exemple a dû annuler une première visite en février 2017 à cause de l’état de santé du président Bouteflika qui ne lui permettait pas de la recevoir même pour une audience symbolique de quelques minutes.
Mais il faut dire aussi que le pays a castré ses atouts par une fermeture chronique et une législation économique instable. Les investissements publics qui pourraient attirer la convoitise d’entreprises étrangères de réalisation ne sont pas aussi massifs qu’ils l’étaient il y a quelques années et l’investissement productif, soumis à des embûches et tracasseries de toute sorte, ne suscite pas la compétition des détenteurs étrangers de capitaux qui puissent appeler un coup de pouce de leurs dirigeants politiques. Même la fourniture en hydrocarbures, notamment en gaz, encadrée par des contrats de longue durée négociés directement par les compagnies, elle ne connaît pas d’anicroches sérieuses qui nécessiteraient l’intervention des gouvernements respectifs.
Les rares chefs d’Etat et de gouvernement étrangers qui daignent encore se rendre à Alger le font pour d’autres raisons, comme cet épineux dossier des migrants et accessoirement la situation en Libye du fait de la seule proximité géographique des deux pays. Si Emmanuel Macron était venu en décembre 2017 pour parler mémoire et économie, Angela Merkel a vu sa visite de septembre dernier presque exclusivement centrée sur la question des Algériens en situation irrégulière en Allemagne. La chancelière a obtenu ce qu’elle voulait, soit l’accord du Premier ministre Ahmed Ouyahia pour le rapatriement de quelque 400 « sans-papiers » algériens et est repartie sans presque rien d’autre dans sa valise.
À coup sûr, la visite annoncée du président du Conseil italien ne différera pas trop par sa teneur de celle de Mme Merkel. Le dossier des migrants sera encore au centre des débats. Giuseppe Conte, qui dirige un gouvernement de coalition avec un mouvement d’extrême droite, a en effet fait de la lutte contre l’émigration clandestine une priorité.
Depuis son arrivée aux affaires en mai dernier, l’Italie refoule systématiquement les embarcations de migrants arrivant sur ses côtes en provenance des pays de la rive sud de la Méditerranée. A Tunis où il était en visite ce samedi 3 novembre pour les mêmes raisons, M. Conte a demandé à son homologue Youcef Chahed « plus de flexibilité » pour le rapatriement des Tunisiens arrivés illégalement dans le pays de la Botte.
À Alger, il en fera de même avec Ahmed Ouyahia qui sans doute accédera à sa requête comme il l’a fait il y a quelques semaines avec la chancelière allemande, faute d’arguments recevables pour motiver un refus. Il exigera aussi plus de vigilance des garde-côtes algériens pour empêcher les embarcations de fortune de prendre la mer en direction de son pays et Ouyahia n’aura pas plus de raisons de dire non.
En moins de deux mois, le Premier ministre algérien aura donc reçu deux chefs de gouvernement qui ont de facto le rôle de chefs d’Etat de grands pays européens sans que cela soit l’occasion pour l’Algérie de tenter de vendre ses vues sur les grands dossiers de la géostratégie internationale. Par deux fois, il aura constaté à quoi est réduite la mission de la diplomatie algérienne : négocier le sort de ses migrants…