Le Venezuela fait face jeudi à un nouveau rendez-vous critique pour sa dette, au lendemain d’un coup de pouce de la Russie qui ne devrait toutefois offrir qu’un mince répit à ce pays ruiné.
Son fleuron, la compagnie pétrolière d’Etat PDVSA, risque d’être décrétée en défaut de paiement dans la journée par une instance réunissant des créanciers, l’ISDA, qui se réunit à New York au sujet d’un retard de paiement de 1,161 milliard de dollars.
Il s’agirait d’un avertissement de plus, après que deux grandes agences de notation, S&P Global Ratings, plus communément appelée Standard and Poor’s, et Fitch, ont déjà constaté un défaut partiel de l’Etat vénézuélien.
Mis en difficultés par la chute des cours du pétrole, le président Nicolas Maduro n’a d’autre choix que de renégocier une dette extérieure estimée à environ 150 milliards de dollars par certains experts, alors que sa population souffre déjà de graves pénuries d’aliments et de médicaments, faute d’argent pour les importer.
Marquant un premier mais relativement modeste pas dans cette direction, le Venezuela a obtenu un coup de pouce de la part de la Russie, son deuxième plus important créancier après la Chine.
Une délégation du gouvernement a signé mercredi à Moscou un accord rééchelonnant un crédit russe de 3,15 milliards de dollars accordé en 2011.
Cet accord va “satisfaire un ensemble de besoins du peuple vénézuélien” et “marque un renforcement des relations entre les deux pays”, s’est félicité Wilmar Castro, ministre de l’Agriculture et vice-président en charge de l’Economie.
« Pas de stratégie »
Le geste de Moscou est pourtant loin de résoudre toutes les difficultés financières de Caracas, qui ne dispose plus que de 9,7 milliards de dollars de réserves et doit rembourser au moins 1,47 milliard d’ici fin 2017, puis 8 milliards en 2018.
“C’est un répit, mais un mince répit”, a commenté à l’AFP l’économiste vénézuélien Orlando Ochoa. “Cela ne change pas le contexte. Cela n’aide ni à stabiliser l’économie ni à augmenter de façon substantielle sa capacité de paiements”.
“Le seul fait d’être arrivé à gratter assez d’argent pour payer les obligations ne change pas la situation d’ensemble”, a pour sa part estimé Joydeep Mukherjhi, analyste spécialiste de l’Amérique latine de S&P Global Ratings.
Les analystes dans leur ensemble sont pessimistes sur les chances de renégociation avec les créanciers – dont 70% sont Nord-Américains (Etats-Unis et Canada) selon Caracas – alors que le gouvernement américain interdit à ses citoyens et banques d’accepter tout accord des autorités vénézuéliennes.
Le pays, autrefois le plus riche d’Amérique latine, risque de se retrouver coupé des marchés, tout comme PDVSA, et de devoir affronter des poursuites et la saisie d’actifs et filiales à l’étranger.
Il est déjà sous pression de la communauté internationale, qui dénonce la radicalisation du président Maduro. Lundi, l’Union européenne lui a infligé des sanctions, dont un embargo sur les livraisons d’armes.
Présidentielle avancée?
“Nous sommes de bons payeurs malgré ce que disent les agences de notation”, s’était défendu mardi le ministre de la Communication, Jorge Rodriguez. “On s’en fout, nous allons payer d’un commun accord avec les détenteurs de bons”.
Selon les analystes de la société Eurasia, le gouvernement devrait effectivement continuer à rembourser ses échéances dans les prochains mois, mais avec retard, dans l’espoir d’éviter un défaut général – incapacité totale de payer ses dettes – avant le scrutin présidentiel de 2018, qui pourrait être avancé de décembre à mars.
Une inconnue reste la position de la Chine, principal créancier de Caracas, à hauteur de plusieurs dizaines de milliards de dollars selon les experts. Pékin s’est contenté mercredi d’estimer que le Venezuela avait “la capacité de gérer de façon appropriée” ces difficultés financières.
Outre les emprunts à des Etats, la dette vénézuélienne est surtout constituée de diverses échéances entre entreprises, dans une relative opacité, dont six milliards de dollars versés en avance par le pétrolier semi-public russe Rosneft à PDVSA et non concernés par l’accord de mercredi.