L’Algérie perd beaucoup d’arbitrages internationaux suite à des litiges avec des entreprises étrangères ayant obtenu des contrats de réalisation ou effectué des investissements sur son territoire.
Le chiffre global et précis de ce que coûtent ces procès perdus n’est pas disponible, mais il est certain que ce sont des sommes colossales que l’État algérien est tenu de payer chaque année au vu de la cadence avec laquelle sont annoncés les arbitrages perdus devant les juridictions internationales spécialisées.
Dans la présentation de la Loi de finances rectificative pour 2023, le gouvernement a souligné, entre autres dépenses non prévues dans la LF initiale, l’affectation de 18,22 milliards de dinars (130 millions de dollars) pour le règlement d’un arbitrage international perdu par l’Algérie, sans préciser lequel.
Lors des débats sur ce projet de loi à l’APN, le député Ahmed Beldjilali a réclamé des explications.
« Il y a 1800 milliards de centimes provisionnés par le Trésor public pour faire face aux décisions liées aux arbitrages internationaux contre l’Algérie. Nous voulons des détails pour connaître quel est le secteur ministériel qui, à cause de la non-maîtrise de l’établissement des cahiers de charges et des contrats, on perd les arbitrages internationaux. Nous voulons savoir qui est responsable de cette situation », a-t-il demandé.
Depuis le début de l’année, l’Algérie a été déboutée au moins à trois reprises.
Fin août dernier, l’entreprise de réalisation espagnole OHLA a obtenu gain de cause dans la procédure qu’elle a engagée contre l’Algérie pour la résiliation d’un contrat portant la réalisation d’une ligne ferroviaire pour 245 millions de dollars.
L’Agence nationale de suivi et réalisation des investissements ferroviaires (Anesrif) a été condamnée à payer un total de 37 millions de dollars à l’entreprise espagnole.
Celle-ci avait réclamé 200 millions de dollars à cause de problèmes administratifs ayant empêché la poursuite de la réalisation de la ligne ferroviaire entre Annaba et Ramdane Djamel (Skikda).
OHLA avait eu auparavant deux litiges avec des parties algériennes, Sonatrach et l’Algérienne des autoroutes. Les deux litiges ont été réglés à l’amiable moyennant des payements de 100 et 45 millions de dollars respectivement.
Arbitrage international : des failles dans les contrats signés par l’Algérie
En juin dernier, un autre groupe espagnol, Villar Mir, a obtenu le paiement de 129 millions de dollars par Sonatrach suite à un arbitrage international portant sur le transfert de propriété d’une partie des actions de Fertial, une entreprise algérienne spécialisée dans la production d’engrais.
Un mois auparavant, en mai, la Cour internationale d’arbitrage de la Chambre de commerce internationale (CCI) de Paris a tranché en faveur du fonds d’investissement émirati Emirates international investment company (EIIC) suite à un litige avec l’État algérien portant sur la réalisation d’un parc de loisirs à Alger, le Dounia Park. Le fonds émirati a obtenu une compensation de 228 millions de dollars.
Ces trois arbitrages perdus en seulement quatre mois ont coûté à l’Algérie près de 400 millions de dollars.
En 2020, l’avocat spécialisé dans les litiges économiques internationaux, Kamel Mesbah, avait révélé au site “Avocat algérien” que l’Algérie perd 95 % des affaires devant la Cour internationale d’arbitrage, ce qui coûte des sommes colossales au Trésor public.
Le spécialiste a imputé ces condamnations presque systématiques à des lacunes juridiques dans l’arsenal juridique régissant les investissements en Algérie, estimant que la règle 51/49 doit être allégée.
Une nouvelle loi sur l’investissement a été promulguée en juillet 2022 et la règle 51/49 a été supprimée par la Loi de finances 2022, sauf pour certains secteurs stratégiques.
La faille se trouve aussi, selon le même spécialiste, dans la façon dont sont rédigés les contrats, le plus souvent confiés à des juristes étrangers.
Selon l’avocat, les gestionnaires algériens se concentrent uniquement sur les montants des contrats, sans se soucier des détails de leurs clauses qui peuvent contenir des failles. Et ce sont ces failles qui sont exploitées par les parties étrangères dans les litiges soumis à l’arbitrage international.