Les partis de l’opposition et de nombreuses personnalités nationales ont exprimé leur indignation devant la vague d’arrestations qui touche des dizaines de manifestants et les militants politiques.
Pour Mustapha Bouchachi, ces poursuites « resteront dans l’histoire, du fait qu’au moment où on appelle à l’avènement d’un Etat de droit et démocratique, on enclenche ce type de procédures à la manière des années 1990 ».
Le militant des droits de l’homme s’exprimait ce mardi matin devant le tribunal de Bir Mouraïd Raïs où le militant du hirak populaire Sami Benlarbi, arrêté la veille, venait de passer devant le juge qui a ordonné son incarcération.
« Ces poursuites sont contraires aux procédures. Après consultation du dossier, il n’y a pas de véritables crimes qu’aurait perpétré M. Samir Benlarbi », a réagi l’avocat, estimant que ces arrestations « ont des arrière-pensées politiques auxquelles on tente de donner un caractère légal ».
« Cette atteinte à la loi intervient après le discours du chef de l’Etat qui affirmait que les conditions étaient réunies pour la saine compétition électorale », avait souligné pour sa part le président du RCD Mohcine Belabbas dans les heures qui ont suivi l’arrestation de Benlarbi.
Avant Benlarbi, Karim Tabbou, porte-parole de l’UDS avait lui aussi été placé en mandat de dépôt jeudi dernier. Dimanche, vingt-deux jeunes manifestants arrêtés lors de la marche du trentième vendredi ont été incarcérés.
Lundi, trois autres manifestants ont subi le même sort à Constantine. Des dizaines d’étudiants ont en outre été arrêtés ce mardi lors de leur marche hebdomadaire à Alger. On ignore s’ils seront présentés devant un juge en vue d’une éventuelle incarcération.
Pour le FFS, il s’agit d’une « recrudescence du népotisme que l’on croyait vaincu à jamais ». « Ces agissements ne feront qu’exacerber la situation politique dans le pays et rendront l’issue de plus en plus problématique et ardue, le moment est venu pour ramener le calme et la sérénité afin de faire régner des réponses consensuelles et idoines à l’impasse multiforme qui mine l’avenir de notre chère patrie », estime le parti.
Le MSP a aussi dénoncé les « arrestations politiques » d’activistes du hirak et appelé à leur libération, estimant que « ces mesures ne vont pas dans le sens de l’apaisement du climat en vue d’organiser l’élection présidentielle ».
Le parti de Abdallah Djaballah, souligne que «les arrestations qui ont doublé depuis vendredi dernier touchant des dizaines de jeunes du mouvement en dépit de leur pacifisme ». « Ces pratiques approfondissent l’inquiétude quant à l’avenir de ce mouvement et nous commandent à exprimer nos réserves sur ces mesures et à exiger la libération de ces jeunes », assure le FJD.
« Nous ne pouvons pas parler d’apaisement avant la libération de tous les détenus d’opinion », a réagi pour sa part Mokrane Aït Larbi.
« En tant qu’avocat des détenus et en tant que défenseur des droits de l’homme, je demande aux autorités compétentes de cesser cette campagne d’arrestations et de libérer tous les détenus d’opinion », a indiqué l’avocat.
Pour Saïd Sadi, le calcul du pouvoir n’est pas sans risques. « D’abord les arrestations, si elles ne les ont pas dopées, n’ont pas freiné les ardeurs des Algériens qui se sont mobilisés avec encore plus de résolution en ce mois de septembre ; ensuite, les slogans se radicalisent de plus en plus. Les barrages spontanés organisés sur les routes dans plusieurs wilayas le jour même de l’annonce de la convocation du corps électoral démontrent que l’échéance du 12 décembre joue plutôt une fonction de chiffon rouge », écrit l’ancien président du RCD.
« Malheureusement, nous sommes encore dans la psychologie du rapport de force dominant/dominé », regrette Djillali Sofiane, président de Jil Djadid, pour qui « il est évident maintenant que le pouvoir a pris la décision d’aller vers une élection présidentielle, pensant que celle-ci pourra déclencher une dynamique pour petit à petit revenir à la normale. Mais ce qui est difficile à accepter c’est qu’on ne peut pas construire une dynamique de consensus et de retour aux urnes par la force, par la crainte et les menaces ».
Enfin, le Parti des travailleurs dont la secrétaire générale Louisa Hanoune est détenue depuis le mois de mai pour « complot contre l’autorité de l’État et de l’armée », dénonce une « cascade d’arrestations arbitraires touchant des dizaines d’Algériens opérées au moment même où le pouvoir en place a décidé son passage en force en convoquant des élections présidentielles pour le 12 décembre 2019, contre la volonté de l’immense majorité du peuple algérien ».